Brésil: «Bolsonaro veut abandonner l’état de droit démocratique»

L’Eglise catholique du Brésil a exprimé sa vive inquiétude face à la haine, la violence, la xénophobie, le racisme et les attaques contre l’état de droit qui se développent dans le pays à la veille du 2e tour de l’élection présidentielle le 28 octobre 2018 pour lequel le candidat populiste Jair Bolsonaro part favori.

Une quinzaine d’instances pastorales, sociales et rurales liées à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) ont souligné, le 15 octobre 2018, l’importance de la défense de l’Etat de droit démocratique face à l’éventualité de l’élection du populiste Bolsonaro.

Leur déclaration intitulée: Démocratie: changement dans la Justice et la Paix souligne «le devoir fraternel d’alerter l’ensemble de nos concitoyens pour que le choix du candidat au second tour des élections présidentielles respecte les principes défendus jusqu’ici.» Le Brésil peut avoir des divergences d’opinions, mais cela doit être sans haine. Il faut aussi que l’économie s’améliore avec une diminution des inégalités, notent les instances catholiques.

«Appel à la haine et à la violence»

Le document rappelle également les principes qui ont présidé à l’élaboration de la Constitution fédérale du 5 octobre 1988. «Un État démocratique, destiné à garantir l’exercice des droits sociaux et individuels, la liberté, la sécurité, le bien-être, le développement, l’égalité et la justice avec les valeurs suprêmes d’une société fraternelle, pluraliste et sans préjugés, fondée dans l’harmonie sociale et engagée, dans l’ordre national et international, dans une solution pacifiques des controverses.»

Les signataires déplorent le fait que, dans le processus électoral en cours, «un mouvement antidémocratique viole ces valeurs suprêmes garanties par la Constitution et appelle à la haine et à la violence, opposant le peuple au peuple. Ce mouvement diabolise ses opposants, les taxe de communistes et de bolivariens, méprise la population du Nordeste brésilien et tente de semer la haine et la peur. Cette attitude se concrétise à travers des agressions et un assassinat (ndlr un maître de Capoeira Boa, à Salvador de Bahia, le 7 octobre, jour du 1er tour) contre ceux qui expriment des positions divergentes».

Constitution menacée, retour de la torture et de la peine de mort

Pour les représentants des entités liées à la CNBB, la Constitution sort meurtrie de cette intolérance qui nie la diversité du peuple brésilien et pousse au conflit social. «Ces candidats et leurs militants prêchent la torture et la peine de mort, assurent que les femmes peuvent avoir moins de droits que les hommes, utilisent la violence contre les membres de la communauté LBGT, discriminent à coup d’insultes les noirs et les indiens et expriment sans limite le racisme et la xénophobie. Ils attaquent la démocratie en méprisant les valeurs républicaines».

Jair Bolsonaro part favori

Sans jamais nommer Jair Bolsonaro, donné vainqueur au 2e tour avec 59% des suffrages par l’Institut brésilien d’opinion publique et de statistiques (Ibope), la note regrette que «le candidat de ce mouvement veut se servir d’élections démocratiques pour donner une légalité et une légitimité à un gouvernement qui prétend militariser les institutions, garantir l’impunité aux abus des policiers, armer la population civile et réduire ou couper les programmes de droits humains et sociaux, en résumé abandonner l’État de droit démocratique».

«Abandon et souffrance de la population»

Le communiqué dénonce également les conséquences de la politique économique néolibérale prônée par Jair Bolsonaro. «Dans un pays où les inégalités sont profondes, le candidat anti-démocratique n’a pour ambition que de répondre aux injonctions du système financier qui attaquent les droits sociaux, environnementaux et le patrimoine du pays». Et la note de citer, parmi les mesures envisagées par le candidat du Parti Social Libéral (PSL), «la privatisation de nombreuses entreprises publiques (comme la compagnie pétrolière nationale Petrobras) la diminution de la bourse famille, l’arrêt de la discrimination positive à l’entrée aux universités (n.d.l.r. qui a permis à des milliers de jeunes pauvres et noirs de pouvoir accéder aux facultés publiques du pays)». De quoi provoquer un abandon et la souffrance de la population.

Les signataires du communiqué

Caritas Brésil; Commission Justice et Paix (CBJP); Centre culturel de Brasilia (CCB); Conseil indigéniste missionnaire (CIMI);Commission Justice et Paix  de Brasilia (CJP-DF); Conseil national du laïcat du Brésil (CNLB);Commission pastorale de la terre (CPT); Conférence des religieux du Brésil (CRB); Forum changements climatiques et justice sociale (FMCJS); Pastorale carcérale nationale (PCN); Pastorale de la femme marginalisée (PMM); Pastorale ouvrière (PO); Service pastoral du migrant (SPM)


3’000 ONG et Mouvements sociaux mobilisés contre Bolsonaro

Près de 3’000 organisations non gouvernementales, collectifs et mouvements sociaux, nationaux et internationaux, ont dénoncé les propos de Jair Bolsonaro tenus après le premier tour, sur son intention de mettre un point final à l’activisme et à tous les militantismes au Brésil.

Dans un communiqué publié le 15 octobre, les ONG dénoncent les propos de Bolsonaro comme contraires à la Constitution, qui garantit les droits d’association et de rassemblement. «Il s’agit d’une menace inacceptable à notre liberté d’action. Il n’y a pas de démocratie sans défense des droits».

Les signataires soulignent l’importance d’une société civile, active, libre de dénoncer les abus, d’avancer sur les droits et de lutter pour améliorer les conditions de vie de la population. Les organisations appellent les électeurs à se souvenir, au moment de voter, du mépris affiché par Bolsonaro pour les mouvements sociaux et pour la société civile.  (cath.ch/jcg/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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