Evangile de dimanche: la soif du pouvoir, encore!

Décidément, Jésus est tenace et ne lâche pas le morceau. Pourquoi? Parce que les pauvres humains que nous sommes aiment le pouvoir. Il y a peu, le Maître prenait sur le fait ses disciples en train de discuter, derrière son dos, pour savoir qui était le plus grand. Et ce dimanche deux autres disciples – Jacques et Jean – viennent à Jésus et très franchement s’ouvrent à lui d’un désir qui les habite.

Ils ne semblent pas éprouver la moindre gêne, leur demande leur paraît même aller pour ainsi dire de soi: «donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire». Jésus ne leur avait-t-il pas annoncé à plusieurs reprises la venue d’un Royaume dont il était les prémices. Qui dit royaume dit aussi roi, et donc trône, et donc pouvoir et… gloire. Rien de plus logique et de plus naturel que d’espérer être associé à la gloire du Maître. Si difficile que soit le chemin actuel, le jour du triomphe viendra et le disciple se sent légitimer à espérer être associé à ce glorieux aboutissement.

L’attrait du pouvoir n’a rien perdu de sa fascination.

«Siéger» souhaitent les disciples, «plonger» leur répond Jésus! Il ne nie pas que viendra le jour de la gloire et du triomphe. Mais pour y avoir part, il s’agit d’inscrire l’aujourd’hui du disciple dans l’axe de l’agir du Maître. Au lieu de siéger, ou plutôt pour être en mesure de le faire un jour en présence du Seigneur, il faut aujourd’hui accepter de plonger avec lui au cœur du monde tel qu’il est, y compris dans sa face obscure de violence et de refus de la lumière. Au lieu du trône, Jésus propose l’image de la coupe (la destinée) et du baptême (plongée dans les eaux qui peuvent aussi bien être vie que mort). Il leur annonce même qu’ils seront bientôt associés à sa destinée, ils seront rejetés comme lui, persécutés parfois: le disciple n’est pas au-dessus du Maître.

En un mot: la meilleure manière de préparer «l’après» est encore de vivre fidèlement «l’ici et maintenant» en tension pour ne pas dire en contradiction avec l’esprit du monde. En particulier en ce qui touche au pouvoir. Jésus en appelle très concrètement à leur expérience et à la nôtre: «vous le savez, les chefs des nations commandent en maîtres et font sentir leur pouvoir».

L’expérience est commune et même si l’environnement sociologique de ce début de XXIe siècle est très différent des années 30 du Ier siècle de notre ère, l’âme humaine est bien la même, et l’attrait du pouvoir n’a rien perdu de sa fascination. On se bouscule pour le conquérir, on se hausse pour l’exercer, on élimine pour le garder. Alors que le Fils de l’Homme est venu pour servir et donner sa vie, appelant ses disciples à cette même logique qui, au vu du monde tel qu’il est et tel qu’il va, a quelque chose de révolutionnaire, d’une révolution «évangélique».

Jean-Michel Poffet | Vendredi 19 octobre 2018


«Le Fils de l’homme est venu donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mc 10,35-45)

En ce temps-là,
Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
s’approchent de Jésus et lui disent:
«Maître, ce que nous allons te demander,
nous voudrions que tu le fasses pour nous.»
Il leur dit:
«Que voulez-vous que je fasse pour vous?»
Ils lui répondirent:
«Donne-nous de siéger,
l’un à ta droite et l’autre à ta gauche,
dans ta gloire.»
Jésus leur dit:
«Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire,
être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé?»
Ils lui dirent:
«Nous le pouvons.»
Jésus leur dit:
«La coupe que je vais boire, vous la boirez;
et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé.
Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche,
ce n’est pas à moi de l’accorder;
il y a ceux pour qui cela est préparé.»

Les dix autres, qui avaient entendu,
se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean.
Jésus les appela et leur dit:
«Vous le savez:
ceux que l’on regarde comme chefs des nations
les commandent en maîtres;
les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi.
Celui qui veut devenir grand parmi vous
sera votre serviteur.
Celui qui veut être parmi vous le premier
sera l’esclave de tous:
car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi,
mais pour servir,
et donner sa vie en rançon pour la multitude.»

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