Frère Alois: «A la fin de ce synode, on sent que les choses bougent»

«Il y a une forte volonté des évêques d’avancer, de se rapprocher de la Jeunesse», assure Frère Alois. Alors que le synode sur les jeunes, à Rome, se termine le 28 octobre 2018, le prieur de la communauté œcuménique de Taizé est sûr que la réunion portera des fruits concrets.

«On peut avoir une grande espérance dans la jeunesse» d’aujourd’hui, souligne Frère Alois. Après un mois de synode, on peut ressentir de la fatigue mais aussi de la satisfaction chez le responsable de Taizé. Il a réalisé, devant une poignée de médias dont cath.ch, réunis le 26 octobre dans les locaux de Vatican News, un bilan positif du synode des évêques sur ‘les jeunes, la foi et le discernement vocationnel’.

Pour un échange entre générations

Le religieux français d’origine allemande fait partie de la commission chargée de rédiger la lettre destinée aux jeunes du monde entier. Une idée qu’il a soutenue dans l’objectif de faciliter l’accès aux conclusions de l’assemblée. «Il est probable que peu de jeunes liront le document final. La lettre, avec son format plus court, a pour objectif de donner envie de lire un document final très ouvert et très concret», précise Frère Alois.

Il explique être venu à Rome avec comme principale préoccupation d’encourager la création, dans l’Eglise, de manières, de modes, des lieux où les jeunes peuvent être écoutés. Un engagement inspiré par son expérience de Taizé. «Les jeunes ont ce très fort désir d’être écoutés, intimement, en particulier par les adultes. Le pape François a très bien fait d’insister sur cet aspect d’échange intergénérationnel, qui est un point crucial de ce dossier».

Des jeunes qui s’engagent

Frère Alois constate avec satisfaction qu’il y a eu une adéquation entre son expérience de la jeunesse et les sujets abordés lors du synode. «Un aspect majeur est que les jeunes sont réellement prêts à s’engager pour la protection de la Création, pour la paix et contre l’injustice, note le prieur de Taizé. Il y a en même temps chez eux une intense recherche d’intériorité, une soif de rencontre personnelle avec le Christ».

«Les échanges ont élargi nos horizons»

Il existe également, selon le responsable de Taizé, un regain d’intérêt, chez les jeunes d’aujourd’hui pour les questions politiques. «Ils sont certes déçus et désenchantés par la ‘grande politique’, mais ils sont très motivés par la politique locale, les initiatives de partage, entre autres». Et le religieux de mentionner qu’à Cluny, à côté de Taizé (Saône et Loire), des jeunes de la communauté se sont engagés à cultiver un ‘jardin solidaire’ dont la production est donnée aux Restos du Cœur. «Pour moi cette volonté d’engagement est en grand signe d’espérance, souvent négligé par les responsables politiques».

Frère Alois déplore en effet que les politiciens voient moins cette vitalité des jeunes que la peur qui grandit également dans leurs rangs. Des craintes notamment liées à l’immigration, que la communauté de Taizé prend au sérieux et tente de mettre en perspective. «Nous encourageons les jeunes – et eux s’encouragent d’ailleurs mutuellement – à se confronter à ces peurs. Ils amènent ainsi des migrants à Taizé, parfois des musulmans. Cela donne des rencontres très fécondes». Le prieur admet que «même si la peur ne disparaît pas toujours, elle est alors mise à sa juste place».

Un synode de l’écoute

Ces dimensions de différence et de diversité ont constitué un point important du synode. Et elles ont contribué à élargir les horizons des participants. «Car nous sommes souvent trop peu conscients des complexités des situations dans le monde». Il cite notamment un évêque africain qui, suite à une vidéo sur les migrations et les difficultés économiques en Afrique, a regretté qu’on ne voie pas la vitalité exceptionnelle de l’Eglise dans le continent.

Pour Frère Alois, l’écoute a ainsi été l’une des principales qualités de ce synode. Même si les jeunes n’étaient pas très nombreux, il assure qu’ils ont été pleinement entendus et qu’ils ont marqué la réunion de leur présence.

«Maintenant, c’est aux évêques de concrétiser cela dans leurs régions»

Les échanges au sein des circoli minori (cercles restreints de discussion) entre les jeunes, les représentants de l’Eglise catholique et les représentants des autres Eglises ont été très constructifs, estime le religieux. «Dans mon groupe, je peux même dire qu’il y a eu des avancées sur le plan œcuménique».

Place des femmes et formation

S’il y a eu de belles déclarations, il assure qu’il s’agissait davantage que des paroles en l’air. Il confirme la très forte volonté des évêques de traduire ce synode dans la réalité. «Le document final va les guider vers des solutions concrètes pour accompagner les jeunes». Même s’il admet que tout ne peut pas être mis tout de suite en pratique, et que certaines choses auront encore besoin d’être réfléchies, mûries.

C’est le cas des idées concernant la formation des prêtres, qui ont été longuement discutées. Il existe, selon Frère Alois, un souhait de lier cette formation à des expériences pastorales. Des débats ont aussi porté sur les façons de relier la formation des prêtres et des laïcs.

La place des femmes dans l’Eglise a aussi été un important sujet de discussion. Même s’il a été convenu que les différentes cultures, sur ce sujet, devaient être prises en compte, le prieur de Taizé assure qu’il y a un réel désir d’avancer sur ce point.

Adapter aux situations locales

Le scandale des abus sexuels a également été un thème largement traité. «Il y a une prise de conscience qu’il ne s’agit pas que de quelques cas isolés, mais que toute l’Eglise est concernée. Il était important que les évêques réaffirment dans cette assemblée cette demande de pardon et cette volonté de changer nos mentalités, nos structures».

D’autres questions, telles que le ‘mariage des prêtres’, ont apparemment été moins discutées. «Peut-être que sur cette question, il y a eu un manque», reconnaît le religieux.

Il retient en tout cas principalement de ce synode l’engagement très fort des responsables d’Eglise à se rapprocher des jeunes. «On peut imaginer qu’il y aura des réunions par pays, par conférence épiscopale pour approfondir et adapter le document final aux situations locales. Maintenant, c’est aux évêques de concrétiser cela dans leurs régions», conclut-il. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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