Vives critiques après l'hommage d'un rabbin «juif messianique» aux victimes de Pittsburgh

Au lendemain de la tuerie du 27 octobre 2018 à Pittsburgh, dans l’Etat de Pennsylvanie, qui a causé la mort de 11 juifs en prière, les réseaux sociaux s’agitent contre le vice-président américain Mike Pence. Son tort: avoir invité le rabbin Loren Jacobs à prier pour les victimes alors qu’il est un juif messianique, un «Juif pour Jésus».

Ainsi le journaliste Jeet Heer, du journal The New Republic, déplore que Mike Pence, en faisant campagne le 29 octobre dans le Michigan pour soutenir Lena Epstein, candidate républicaine à la Chambre des représentants – elle-même de confession juive – ait invité Loren Jacobs. Le but principal de ce «Juif pour Jésus» est «de faire du prosélytisme auprès des juifs et de les convertir au christianisme».

Accusé de «prosélytisme»

Le vice-président américain a invité Loren Jacobs, de la congrégation messianique Shema Yisrael de Bloomfield Hills, à le rejoindre à la tribune pour prier pour les victimes juives de Pittsburgh lors d’un rassemblement de campagne électorale pour le Parti Républicain. Enveloppé dans un talith, le traditionnel châle de prière, Loren Jacobs a invoqué «Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, Dieu et père de mon seigneur et sauveur Yeshua, Jésus le messie, et mon Dieu et mon père aussi». Le fait d’avoir invoqué «Jésus le messie» a suscité l’opprobre dans les milieux juifs au-delà des Etats-Unis.

Lors de ce meeting électoral dans le comté de Waterford, dans la banlieue de Detroit, Mike Pence, qui est lui-même proche de la droite évangélique, a qualifié Loren Jacobs de «dirigeant de la communauté juive du Michigan», ce qui a notamment provoqué la colère du rabbin Jason Miller, de Detroit.

Un «coup politique insultant»

Il a écrit sur Facebook qu’il y avait au moins 60 rabbins officiant dans le Michigan. Et de déplorer que «le seul qu’on ait pu trouver pour diriger la prière en mémoire des 11 victimes juives de Pittsburgh au rassemblement de Mike Pence était un rabbin des ‘Juifs pour Jésus’ ? C’est pathétique !»

«Le ‘judaïsme’ messianique est une branche du christianisme insultante pour la communauté juive. Lena Epstein le savait, comme Pence et son équipe. Ce n’était pas œcuménique, mais un coup politique insultant», écrit le rabbin Jason Miller.

Un instrument de conversion des évangéliques ?

Sur leur site, les «Juifs pour Jésus» affirment qu’ils n’ont jamais renoncé à leur héritage, ni à la foi de leurs ancêtres, mais «ils ont simplement trouvé en Jésus l’accomplissement de leur foi et la présence dans leur vie d’un Dieu réel et personnel».

Leurs détracteurs affirment que le «judaïsme messianique» cherche à convertir au christianisme les juifs, qui ne considèrent pas Jésus comme le Messie. Ce mouvement est fortement soutenu par les chrétiens évangéliques qui forment l’une des bases de l’électorat de Donald Trump.

Selon le site internet ‘juifspourjesus.org’, il y aurait entre 100’000 et 200’000 juifs messianiques dispersés aux quatre coins de la terre, en Israël et dans la Diaspora. Le «judaïsme messianique» combine les traditions juives avec l’idée que Jésus Christ est le Messie à venir et certains membres des «Juifs pour Jésus» voudraient que le mouvement soit accepté comme un courant du judaïsme. Les courants juifs traditionnels rejettent catégoriquement cette idée, affirmant que l’idéologie prônée par ce mouvement est en contradiction avec la foi juive.

Ennemi juré des courants libéraux du judaïsme

Les «Juifs pour Jésus» n’ont certainement pas grande chance d’obtenir une reconnaissance de la part des courants du judaïsme traditionnel, alors que les ultra-orthodoxes ne reconnaissent même pas ces courants, majoritaires dans la diaspora, mais pas en Israël. Le grand-rabbin ashkénaze d’Israël David Lau – un ennemi juré des courants libéraux du judaïsme – a certes condamné l’attentat contre la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, appartenant au courant massorti (appelé Conservative Judaism aux Etats-Unis et au Canada). Mais il n’a cependant pas pu se résoudre à qualifier le lieu de culte de synagogue.

Il a défini la synagogue Tree of Life comme «un lieu à caractère juif marqué», étant donné le «profond désaccord idéologique avec eux, au sujet du judaïsme, sur son passé et sur les conséquences pour le futur du peuple juif pour les générations à venir», peut-on lire dans l’édition du 29 octobre 2018 du journal Times of Israel. (cath.ch/be)

Jacques Berset

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