Les évêques de France ont écouté les victimes d'abus sexuels commis par des prêtres

Les évêques de France ont reçu pour la première fois au cours de leur assemblée plénière le 3 novembre 2018 des victimes d’abus sexuels. Un temps d’échange et de témoignages qui «appelle d’autres actes concrets», espèrent les victimes.

D’un «silence de mort» à «un tout autre silence», Véronique Garnier a pu témoigner du calvaire des abus perpétrés par un prêtre lorsqu’elle avait 13 ans. Mais aussi de celui, tout aussi douloureux, du silence de l’Eglise. «On ne voulait pas nous écouter», a-t-elle partagé. Cette femme de 57 ans aujourd’hui a été frappée par «un tout autre silence», celui de la trentaine d’évêques qui l’écoutaient à Lourdes.

Sept victimes ont ainsi pu partager leur souffrance devant l’assemblée épiscopale. Un moment très important pour toute l’assemblée. «J’ai senti que, moi évêque, j’étais regardé par vous non plus comme celui qui n’avait pas su faire, ou celui qui avait eu peur, celui qui n’avait pas donné suite, mais comme quelqu’un avec qui se renouaient les liens de confiance et le désir de travailler et d’avancer ensemble», a témoigné Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France.

«N’ayez pas peur!»

Les victimes ont tenu à lire un texte commun avant de témoigner. «N’ayez pas peur!», ont-elles lancé aux évêques. «C’est sous cette invitation du Christ que nous voulons placer cet échange. Cet après-midi, ce n’est pas non plus sans appréhension que nous sommes là. Nous nous sentons un peu comme Joseph, affublés d’une tunique, celle de victime, que nous n’avons pas choisie», ont-elles affirmé.

«Arrivés face à vous, nos frères qui nous regardez, peut-être avec un certain nombre d’a priori, d’incompréhension, de lassitude, voire de colère au vu des derniers événements que sont les suicides de jeunes prêtres. Et vous de votre côté, vous vous sentez peut-être affublés d’une tunique que vous n’avez pas choisie : représentants d’une Église qui est attaquée, affaiblie, jugée, condamnée pour les agressions sexuelles commises, couvertes, tues. Nous souhaitons pendant cette heure, trop courte pour nous victimes, nous dépouiller de nos tuniques pour vous rencontrer en profondeur, ont-elles encore ajouté, avant de préciser, avec les mots de Bernadette, la voyante de Lourdes:  »Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, mais je suis chargée de vous le dire’».

«Nous continuerons à bousculer l’Eglise!»

Les témoignages ont constitué un moment «poignant et impressionnant», pour Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre. «J’avais été en contact par mail avec deux victimes, mais là, j’ai pu mesurer les ravages intérieurs, témoigne-t-il. Découvrir que la prise de conscience de ces abus n’avait pas été brutale mais précédée d’un processus de destruction intérieure très progressif m’a beaucoup impressionné… Voir les effets dévastateurs me pousse à une plus grande vigilance dans la prévention, à l’égard des personnes qui ont un manque de maturité notamment», rapporte le quotidien français La Croix.

«Un pas a été franchi, un dialogue entamé, et une conscientisation est en train de se faire», veut croire Michel, prêtre en Vendée, lui-même abusé par un prêtre à l’âge de huit ans, et que tous les évêques sont venus trouver à la fin du forum auquel il participait avec Véronique Garnier. «Tout dépend désormais de ce qu’on en fera», ajoute-t-il, toujours selon La Croix.

Les victimes reçues samedi attendent «des actes concrets, à court, moyen et long terme», «que les évêques se saisissent à bras-le-corps de la question, non pas seulement pour les victimes de pédophilie mais pour toute l’Église qui traverse une crise sans précédent», a souligné Olivier Savignac, une autre victime de 38 ans. «Nous continuerons à bousculer l’Eglise s’il le faut», a-t-il prévenu. Parmi les pistes évoquées dans son forum, ont été évoquées entre autres l’animation de soirées sur cette crise dans chaque paroisse, afin de «libérer la parole aussi dans la communauté chrétienne», la création d’une structure d’accompagnement professionnel pour les évêques qui «ne peuvent porter tout tous seuls». (cath.ch/lacroix/pp)

Pierre Pistoletti

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