Femmes catholiques en révolte: «L'Eglise ne doit pas les laisser tomber»

Le 19 novembre 2018, six féministes catholiques suisses alémaniques bien connues ont annoncé leur départ de l’Eglise, en raison du comportement prétendument anti-féministe du clergé. La théologienne argovienne Jacqueline Straub, récemment classée par la BBC parmi les femmes les plus influentes du monde, demande que l’Eglise en Suisse les écoute et ne les laisse pas tomber.

Contrairement à ces six femmes, Jacqueline Straub, bien que critique envers l’Eglise, ne songe pas à la quitter. Elle considère néanmoins que leur démarche est «très courageuse». «Quand j’imagine la chose de leur point de vue, je constate qu’il a fallu une force incroyable pour franchir le pas. Parce que ces femmes travaillaient pour l’Eglise depuis des décennies et qu’elles sont donc sur la route depuis bien plus longtemps que moi». Elle trouve également positif qu’elles aient rendu leur décision publique. Contrairement à toutes celles qui ont dit au revoir à l’Eglise en silence et dans l’amertume, «après des années de plaidoyer en faveur d’une réforme».

Des voix qui doivent être entendues

Mais Jacqueline Straub avertit: «Nous ne devons pas laisser l’Eglise à l’aile conservatrice.» Elle appelle l’Église catholique à ne pas laisser tomber ces six personnalités. Même si elles n’auraient plus rien à dire «officiellement» au niveau de l’institution, en tant que baptisées, elles peuvent toujours élever la voix au sein de l’Église. Selon la théologienne, l’Eglise doit avoir un véritable dialogue avec elles, parce qu’elles ont des choses importantes à dire. «J’espère vraiment que ces femmes seront entendues, également au-delà des médias et plus d’une semaine. J’espère qu’elles seront invitées par les Eglises cantonales et dans les paroisses où elles devraient avoir l’occasion d’expliquer leur décision». Elle souhaite aussi que les évêques cherchent le dialogue, parce que «c’est une démarche préparée de longue date» par «des femmes qui ont offert depuis très longtemps leur plein soutien à l’Eglise».

L’une des 100 femmes les plus influentes du monde

Jacqueline Straub, théologienne et journaliste pour la télévision alémanique, a depuis longtemps publiquement déclaré son intention de devenir un jour prêtre. Elle apparaît dans le classement 2018 des «femmes les plus influentes et inspirantes» du monde, réalisé par le média britannique BBC. «C’est de la folie. Je n’arrive toujours pas à croire que je suis sur cette liste», confie-t-elle. Cette distinction est cependant loin d’être due au hasard. Cet automne, la jeune théologienne s’est rendue à Rome pour assister au synode des évêques sur la jeunesse. En marge, elle a participé à un événement de l’organisation «Women’s Ordination Worldwide (WOW)» (ordination des femmes dans le monde entier). Lors de la manifestation, une journaliste de la BBC l’a remarquée et a rapporté une de ses déclarations. Les propos ont fortement intéressé la rédaction de Londres, qui a pris contact avec la citoyenne germano-suisse qui réside à Muri, dans le canton d’Argovie.

Déçue par le synode

L’événement WOW, qui s’inscrivait en parallèle au synode, a abordé des sujets qui n’ont pas été discutés par les évêques, dont l’ordination des femmes. Jacqueline Straub est apparue comme une des plus convaincantes intervenantes sur le sujet. L’une de ses déclarations a été lue lors d’un podium organisé à Rome par la BBC. Début novembre 2018, le média l’a finalement informée qu’elle avait été placée sur la «Liste 2018 des 100 femmes les plus influentes et inspirantes du monde».

Même si elle se dit «très heureuse» de cette reconnaissance, elle regrette qu’il y ait tant d’autres femmes dans ce monde dont les grandes réalisations ne sont pas rendues publiques. Elle aurait également préféré faire sa «déclaration à la BBC» directement aux évêques rassemblés à Rome. Car elle a le sentiment que le synode n’a pas accordé une attention suffisante aux préoccupations des femmes.

Le groupe de travail germanophone du synode a certes plaidé en faveur de l’abolition du célibat obligatoire et de l’amélioration de la situation des femmes, non seulement en ce qui concerne les possibilités de carrière dans l’Église, mais aussi dans les ministères spirituels. Mais, concernant ce domaine, Jacqueline Straub considère qu’il n’y a «tout simplement pas assez, voire rien de concret dans le document final «. Beaucoup de jeunes dans le monde seraient selon elle en faveur de réformes fondamentales dans l’Eglise. Des voix que l’on peinerait cependant à entendre.

Parler au nom des femmes qui ne le peuvent pas?

La distinction de la BBC lui donne une motivation supplémentaire pour poursuivre énergiquement son engagement dans l’Eglise. «Je sais que mes efforts ne sont pas vains. Je ne fais pas ça uniquement pour moi, mais pour toutes ces femmes qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas faire entendre leur voix». Souvent, ce sont des femmes qui sont employées dans l’église et craignent d’être licenciées si elles s’expriment publiquement sur certains sujets. En Suisse, le risque est moins présent. Mais en Allemagne, je connais des femmes qui ont été mises devant ce choix: «Soit vous la fermez, soit vous perdez votre emploi».

La voix de Jacqueline Straub va maintenant faire le tour du monde via la BBC. Elle n’aura pas besoin d’aller à Londres. Sa déclaration vidéo enregistrée à Rome sera diffusée sur les divers canaux de la station dans les prochains mois. «Je vois ça comme une reconnaissance pour tous ceux qui défendent aussi l’Eglise en voulant la faire avancer.» La jeune théologienne se sent soutenue par de nombreuses personnes et c’est avec leur aide qu’elle entend poursuivre son engagement. (cath.ch/gs/kath/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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