Sans le pape François, Mgr Romero n'aurait jamais été canonisé

Sans le pape François, Mgr Oscar Arnulfo Romero, l’archevêque martyr du Salvador, n’aurait jamais été ni béatifié en mai 2015 ni canonisé en octobre 2018. Mgr Constantino Barrera Morales, évêque du diocèse de Sonsonate, au Salvador, en est persuadé, tant l’opposition était grande, que ce soit dans les milieux politiques ou dans le monde ecclésial.

«La béatification puis la canonisation de Mgr Romero – assassiné en pleine messe le 24 mars 1980 par les «escadrons de la mort» d’extrême-droite – nous encourage tous à la ‘conversion pastorale’, afin que nous soyons plus proches des besoins des pauvres», confie l’évêque de Sonsonate.

En raison de ses sympathies conservatrices et par peur d’une possible récupération idéologique par les milieux de gauche, la hiérarchie de l’Eglise salvadorienne fut longtemps, dans sa majorité, réticente à vouloir porter l’évêque martyr sur les autels. L’establishment au Salvador lui a voué une haine féroce dès qu’il a commencé à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme et la violation de la dignité de la population pauvre. Le pape François avait d’ailleurs déploré que l’évêque martyr fut pendant longtemps «calomnié, traîné dans la boue par ses frères dans le sacerdoce et dans l’épiscopat».

Réticences dans la société et dans l’Eglise

«Dans mon diocèse, qui compte près de 600’000 âmes, dont 80 % de catholiques, l’évêque martyr a été fêté avec une grande ferveur. Les prêtres ont accueilli la canonisation de saint Oscar Romero d’une façon unanime. Certes, il y a quelques années, il y aurait eu des réticences parmi les membres de mon clergé. Certains avaient crainte de promouvoir sa figure avec des célébrations ou la pose de monuments ou d’images. Désormais, il n’y a plus de crainte: dans la société, 75 % des gens l’accueillent, tandis que 25 % sont indifférents».

L’hostilité de certains milieux de droite et d’extrême-droite – notamment issus de l’ARENA de feu le major Roberto d’Aubuisson, l’un des auteurs intellectuels de l’assassinat de l’archevêque de San Salvador – ne se manifeste plus. «Ceux qui parlaient contre Mgr Romero, le dénonçaient, le calomniaient, maintenant observent à distance, sont sur la réserve. Ils vont peut-être un jour l’aimer, sait-on jamais… Il est très positif de voir que l’on assiste à la conversion d’importants secteurs, des personnes puissantes, qui parlaient auparavant très mal de Mgr Romero, et qui maintenant reconnaissent ses mérites. Cette canonisation a eu un impact très positif».

Méconnaissance du jeune clergé

«Dans la ville de Sonsonate, lors des célébrations d’action de grâces organisées à la mémoire de tous les martyrs du Salvador, en particulier Mgr Oscar Romero et les six jésuites de l’Université catholique centraméricaine UCA [froidement assassinés durant la nuit du 16 novembre 1989, par des unités du bataillon Altacatl, ndlr], toutes les rues où nous sommes passées étaient déjà décorées des photos de notre premier saint salvadorien, les gens étaient enthousiastes! Nos 52 prêtres aussi!»

Mais l’évêque de Sonsonate le reconnaît: la plupart des jeunes prêtres ne connaissaient pas la vie de Mgr Romero de façon approfondie. «Maintenant que son message est connu, il a beaucoup plus d’impact et nous utilisons cet enthousiasme pour croître, pour travailler davantage en faveur d’une Eglise plus engagée en faveur des pauvres, pour former les enfants et accompagner les jeunes et les familles…»

«Le pape François nous a beaucoup aidés»

«Le pape François nous a beaucoup aidés, insiste Mgr Barrera. Sans lui, il n’y aurait pas ce grand amour pour Mgr Romero et aussi pour Rutilio Grande [un père jésuite ami de Mgr Romero, assassiné par un ‘escadron de la mort’ le 12 mars 1977 à Aguilares, ndlr]. Nous espérons que le Père Rutilio sera bientôt béatifié».

Aux yeux de l’évêque de Sonsonate, le climat s’est détendu: les secteurs de la société salvadorienne qui s’en prenaient à la figure de Mgr Romero – mais également au sein de l’Eglise et de sa hiérarchie – ne le voient plus comme un ‘rouge’, mais le respectent. Les politiciens de l’ARENA sont désormais silencieux à ce propos.

Mgr Romero nous aide à lutter pour changer la société salvadorienne

«La figure de Mgr Romero nous aide à lutter pour changer la société salvadorienne, minée par l’injustice sociale, la corruption et la violence». La violence meurtrière des «mareros», les membres des «maras», ces bandes de jeunes criminels armés qui sèment la terreur dans les quartiers populaires des grandes villes, a un peu diminué. Mais l’Eglise se sent désarmée face à la violence des «maras», surtout après l’échec de sa tentative de médiation en 2012, qui avait abouti pendant quelque temps à une «trêve» entre les deux principales «maras».

Face à la violence des «maras»

«Les ‘maras’ recrutent moins de jeunes, et leur nombre s’est un peu réduit, car il y a eu, notamment dans la zone de San Miguel, beaucoup d’affrontements avec la police, qui tire pour tuer» (voir encadré).

Les ‘mareros’ s’humanisent un peu et sont un peu moins violents. Ils ont moins besoin de procéder aux extorsions au sein des ‘barrios’ populaires, car ils se sont tournés de plus en plus vers le narcotrafic», poursuit l’évêque de Sonsonate.

Retrouver «l’odeur des brebis»

«Nous voulons être non seulement une Eglise qui évangélise, mais aussi une Eglise, comme le veut le pape François, qui sente ‘l’odeur de ses brebis’, avec cet esprit de Mgr Romero qui s’est rendu dans les communautés, qui s’est senti à l’aise avec les gens, qui a su appliquer le Concile Vatican II à sa vie pastorale et nous enseigne à avoir cette proximité avec les plus nécessiteux, que parfois nous avons laissés de côté. Nous inspirant du témoignage de Mgr Romero, nous devons davantage aimer les pauvres!»


Des groupes d’extermination

Les membres des «maras», notamment la Mara Salvatrucha (MS13), Barrio 18 Sureños et Barrio 18 Revolucionarios, sont depuis plusieurs années la cible de «groupes d’extermination» financés par des entrepreneurs locaux et des Salvadoriens résidant aux Etats-Unis. Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent la participation d’hommes masqués, dont des civils, des membres de la Policia Nacional Civil (PNC) et des soldats, à cette politique de «nettoyage social», qui a déjà coûté la vie à de nombreux civils innocents.

Entre le 1er janvier et le 21 août 2017, la PNC a tué 293 membres de gangs dans 346 affrontements présumés, dont certains sont des montages pour camoufler des exécutions extrajudiciaires.


Vers la béatification du Père Rutilio Grande

En septembre 2015, la Congrégation pour les causes des saints a autorisé le diocèse de San Salvador à introduire la cause pour la béatification du Père Rutilio Grande. Le pape François souhaite que le processus de béatification de ce Père jésuite martyrisé soit mené à bien, tout comme le jeune homme et la personne âgée assassinés avec lui, confiait l’année dernière à cath.ch Mgr Vincenzo Paglia, actuel le président de l’Académie pontificale pour la vie et postulateur de la cause de béatification de Mgr Oscar Romero.


Jeune évêque de Sonsonate

Mgr Constantino Barrera Morales, âgé de 55 ans, est membre de la Commission épiscopale pour la famille, la vie et la jeunesse du Conseil épiscopal latino-américain CELAM. Mgr Barrera a été curé pendant plusieurs années, et avant de prendre ses fonctions de recteur du Séminaire Saint-Joseph de la Montagne, à San Salvador, avant d’être été envoyé en Espagne pour étudier à l’Université de Navarre, un établissement de l’Opus Dei. Il est évêque de Sonsonate depuis août 2012.  (cath.ch/be)

 

 

Cath.ch, qui participait à une visite aux Eglises d’Amérique Centrale au sein d’une délégation de l’œuvre d’entraide catholique internationale Aide à l’Eglise en Détresse (AED/ACN), a rencontré Mgr Constantino Barrera Morales lors de l’assemblée annuelle du SEDAC, tenue fin novembre 2018 à Valle de Angeles, près de Tegucigalpa, la capitale du Honduras.

Le SEDAC accueillait à cette occasion Marco Mencaglia, responsable de la section Amérique latine I d’AED/ACN, venu présenter, avec Christian Lermer, PDG de la Fondation YouCat (une filiale d’AED/ACN), le projet de distribuer, avec le concours des Eglises d’Amérique centrale, 75’000 exemplaire du «Docat» et 750’000 applications (Docat digital) de cet ouvrage qui vise à aider les jeunes à comprendre, dans leur langage et en répondant à leurs questions, la doctrine sociale de l’Eglise.

Le martyre de Mgr Romero a continué après sa mort, déplore le pape François

https://www.youtube.com/watch?v=NijbCPADt_I

 

Saludo de Monseñor Constantino Barrera

Saludo de Monseñor Constantino Barrera Morales, Obispo de la Diócesis de Sonsonate. En el día del sacerdote San Juan Maria Vianney, el Cura de Ars patrono de los Párrocos.

Gepostet von Pastoral de Comunicaciones de la Diócesis de Sonsonate am Donnerstag, 4. August 2016

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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