Mesdames, courage!

Triomphe féminin! Le vocabulaire est devenu dithyrambique pour saluer l’élection simultanée de deux femmes au Conseil fédéral. Une première dans notre histoire suisse. On peut comprendre les accents glorieux de tels commentaires. Encore convient-il de rester modeste, tant la route est encore longue, même dans notre société dite «libérale avancée», pour concrétiser l’égalité hommes-femmes.

Pour favoriser cette égalité, tout en appréciant les légitimes diversités humaines, il faut d’abord une politique familiale plus généreuse. Il faut aussi combler plus rapidement les écarts de présence des femmes dans les milieux économiques et politiques. Trois femmes sur sept conseillers fédéraux ne font pas encore un vrai printemps démocratique.

Et dans notre Eglise, me direz-vous? Nous donnons volontiers des leçons d’égalité à notre société, comme l’a fait le Concile Vatican II en disant: «Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne…basée sur le sexe…doit être dépassée et éliminée comme contraire au dessein de Dieu». Il serait temps que notre Eglise s’interroge sur sa pratique interne.

«Le droit canon continue d’exclure les femmes des ministères du lectorat et de l’acolytat»

On peut heureusement constater que l’histoire de l’Eglise fournit de nombreux exemples magnifiques prouvant que des femmes –  surtout des religieuses – ont assumé d’importantes responsabilités dans le déploiement de l’Evangile au sein des communautés chrétiennes et même dans la société. Aujourd’hui, des femmes remarquables et dévouées s’engagent, y compris à plein cœur et à plein temps, dans les domaines de la formation, des services et de l’animation de nos communautés. Merci Mesdames!

Mais il reste chez nous des discriminations qui deviennent de moins en moins compréhensibles, et franchement inacceptables. A Rome ou ailleurs, on peut inviter quelques femmes comme auditrices lors de certains rassemblements ecclésiastiques. Mais finalement, qui décide, y compris sur des questions touchant de près les femmes et les familles? Ce sont des hommes célibataires exclusivement, car seuls les clercs sont aptes à exercer un pouvoir de juridiction dans notre Eglise, selon le droit canon. Ce même droit canon –qui régit notre vie concrète en Eglise – continue d’exclure les femmes des ministères du lectorat et de l’acolytat. Sans compter que les femmes, simplement parce qu’elles sont femmes et non pas «des hommes comme les autres», ne peuvent accéder à aucun des degrés du sacrement de l’ordre, ainsi qu’on vient de le rappeler lourdement au Vatican.

«L’Eglise court le risque de voir nombre de chrétiens quitter la barque ecclésiale»

Heureusement, des chrétiennes se réveillent, s’expriment, exigent des changements qui vont dans le sens d’une lutte (pacifique) contre un certain cléricalisme ambiant. Il faut prendre au sérieux ces voix prophétiques, qui rejoignent d’ailleurs de nombreuses déclarations de synodes diocésains depuis longtemps à travers le monde entier.

A force de toujours renvoyer à plus tard des réformes importantes et urgentes, notre Eglise court le risque de voir nombre de chrétiens –hommes et femmes- quitter la barque ecclésiale et chercher hors du bercail de quoi épanouir leur foi et pratiquer leurs valeurs évangéliques. C’est un grand dommage. C’est même un malheur. Car je crois que nous avons tous besoin les uns des autres, hommes et femmes baptisés dans une même et égale dignité pascale, pour collaborer à la réforme dont l’Eglise a continuellement besoin, dans le dynamisme de l’Esprit du Christ. C’est encore le concile Vatican II qui l’a répété.

Alors, Mesdames les baptisées, courage!

Claude Ducarroz

12 décembre 2018

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