Sœur Allison: «Attendre, c'est se rendre disponible à Dieu» (4/4)

Dans sa vie au Carmel de Develier (JU), rythmée par de nombreux temps de prière, Sœur Allison connaît bien l’attente. Une condition que la moniale d’origine américaine perçoit, contrairement au monde extérieur, comme centrale dans sa progression vers Dieu.

«Comme tout le monde, il m’arrive de m’ennuyer, de faire l’expérience du vide», admet Sœur Allison. Un aveu qui n’étonne guère, d’une religieuse qui reçoit cath.ch derrière une grille, dans un bâtiment plutôt austère, en marge d’une petite localité du Jura. Au Carmel, il y a une règle de vie clairement définie, et les contacts avec l’extérieur sont limités. Enfermement, solitude, morosité? Le lumineux sourire de la religieuse contredit ces idées reçues. Car ce dépouillement du temps et de l’espace n’est pas une renonciation triste au monde, mais un choix de l’essentiel.

Deux «attentes»

Dans ce contexte, l’attente joue un rôle primordial. Une attente dont la Texane d’origine tient à spécifier les différentes significations. Dans sa langue maternelle, «attendre» peut en effet se dire «to wait» ou «to expect», que l’on soit dans une situation transitoire inactive ou que l’on soit tendu vers l’avenir. Dans ce premier sens, Sœur Allison voit dans l’attente un «élément inévitable de la vie humaine qu’il faut assumer». Un temps souvent considéré comme «stérile» à cause de notre perception défaillante. «L’attente nous permet tout d’abord d’accepter et d’accueillir le fait que tout ne peut pas avoir d’utilité immédiate». Un état d’esprit pas évident à une époque où le «tout tout de suite» est la règle. «Mais quelque chose en nous a besoin de cette progressivité. Je pense que la nature humaine est faite pour un minimum de lenteur». Ces rythmes d’attente sont inscrits dans la vie du Carmel. «Dans le vide apparent qu’ils créent, ils ouvrent les conditions de la prière, c’est-à-dire la réceptivité à Dieu, souligne Sœur Allison. «En ce sens, l’attente, loin d’être une entrave, est une expression fondamentale de la foi».

Marie, au centre de l’Avent

Dans la vie religieuse, les attentes (‘expectations’, en anglais) sont bien différentes de celles qui existent dans le monde extérieur. Les «projets» des sœurs se limitent la plupart du temps à la gestion du quotidien, à la préparation des repas ou des fêtes communautaires. Comment alors trouver la motivation d’avancer, de vivre, hors des évolutions propres à une vie familiale, professionnelle ou sociale? «Cette absence d’attentes est une spécificité propre à notre choix de vie, explique Sœur Allison. Les attentes ne sont pas supprimées, mais réduites à l’essentiel, à l’Attente. C’est l’attente de la vraie vie qui émerge dès maintenant et que nous connaîtrons pleinement un jour. C’est l’attente de la rencontre avec Dieu aujourd’hui et demain, en plénitude. Il ne s’agit pas d’un terme négatif, ni même neutre, mais entièrement positif, chargé d’une immense joie». La période de l’Avent concrétise plus que toute autre cette espérance. Et la figure de Marie y joue un rôle primordial. «Par son attitude d’attente, elle inspire le croyant à rester ferme et confiant en la promesse de Dieu, en la certitude que l’obscurité cédera bientôt sa place à la lumière». (cath.ch/rz)


Sœur Allison a grandi à Waco, dans le centre du Texas, dans une famille catholique pratiquante. Elle vivra plus tard à Houston, la plus grande ville de l’Etat. Alors qu’elle scrute son avenir académique et professionnel, l’idée lui vient d’apprendre une langue étrangère hors des Etats-Unis. Le français, qu’elle a déjà abordé à l’école, l’intéresse particulièrement. Elle jette finalement son dévolu sur Fribourg. L’aura catholique de la ville rassure ses parents. Elle commence ainsi, au début des années 1990, des études de philosophie à l’Université. Dans ce cadre, elle est amenée à visiter le monastère jurassien de Develier. Elle perçoit alors peu à peu que Dieu l’appelle en ce lieu. Elle rejoint finalement le carmel le 21 novembre 1998. La religieuse d’origine américaine a donc récemment passé le cap des 20 ans de vie consacrée en ce lieu. RZ

Raphaël Zbinden

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