Gerhard Pfister: «Les représentants de l'Eglise sont devenus des travailleurs sociaux»

Dans une longue interview publiée le 23 décembre 2018 dans le journal alémanique NZZ am Sonntag, Gerhard Pfister (PDC/ZG) évoque sa foi, deux jours avant Noël. Mais aussi la nécessité d’une référence à Dieu dans la Constitution ou encore l’absence de convictions des représentants de l’Eglise, pour expliquer la diminution de la pratique religieuse.

Gerhard Pfister regrette que «l’esprit de Noël ne soit plus aussi présent» qu’à l’époque de son enfance, où la fête revêtait encore un sens «mystique». A ses yeux, l’incarnation du Christ reste «un des miracles centraux» de la foi chrétienne. Raison pour laquelle il faut que «la société veille à ce que cette fête ne soit pas banalisée. Noël, ce n’est pas quand il y a des sapins de Noël dans le centre commercial», ironise-t-il.

Résultat de la «prospérité économique», le sens spirituel des vacances a été oublié. «A Pâques, à la Pentecôte et à Noël, les gens ne travaillent pas, mais ils ne savent même pas pourquoi», affirme Gerhard Pfister.

Nous sommes une société profondément déstabilisée qui ne sait plus quoi chercher

La foi, chez ce catholique convaincu, a pris racine dans le «bon milieu» de son enfance. «Ma mère est morte très tôt, quand j’avais huit ans, confie-t-il. Mon père était un homme pieux, mais pas fanatique. Il ne m’a pas forcé à croire, j’ai accueilli la foi par moi-même. J’ai aussi étudié la philosophie». Une grande épreuve pour sa foi. Parmi les penseurs qui ont le plus ébranlé ses convictions religieuses: Friedrich Nietzsche. «Si vous le lisez et que vous croyez encore, vous méritez presque un diplôme zen». Mais au final, «il était moins anti-chrétien qu’anti-clérical», assure Gerhard Pfister.

Manque de conviction

Sur la question de la diminution actuelle de la pratique religieuse, il pointe du doigt le manque de cohérence des représentants de l’Eglise aux yeux de la société. «Les gens ont le sentiment que beaucoup de responsables d’Eglise eux-mêmes ne croient plus en ce qu’ils représentent. En fin de compte, ce ne sont que des travailleurs sociaux qui expliquent le programme d’un parti libéral de gauche.»

Interrogé également sur le C de PDC – Parti démocrate-chrétien –, il y voit un «engagement en faveur des racines chrétiennes et des valeurs chrétiennes qui ont façonné notre pays». Loin d’une politique religieuse ou pieuse, «nous devons faire en sorte que le C ne soit pas seulement perçu comme ecclésiastique ou catholique. Nous devons moderniser le C, assure Gerhard Pfister, le rendre attrayant pour les jeunes. C’est ce sur quoi je travaille.»

«Dieu tout-puissant»

Le président du PDC insiste: «Nous devons distinguer la politique démocrate-chrétienne et la foi chrétienne. La foi est une affaire privée dans une société démocratique». Pour autant, il ne souhaite pas supprimer la mention de «Dieu Tout-Puissant» de la Constitution suisse. Une mention utile pour attester du principe de base selon lequel «l’Etat de droit est fondé sur des conditions préalables qu’il n’a pas lui-même créées, à savoir les valeurs chrétiennes». Par ailleurs, le qualificatif «Tout-Puissant» est une prérogative de Dieu. «L’homme n’aura pas droit à la toute-puissance. Ce sont des principes que même les non-croyants partagent», selon Gerhard Pfister.

«Beaucoup de politiciens se moquent du catholicisme avec plaisir, affirme encore Gerhard Pfister. Mais évitent d’aborder les questions difficiles sur l’islam. Par exemple: pourquoi [l’islam] ne traite pas les femmes de la même manière [que les hommes]. Beaucoup de politiciens ne le font pas parce qu’ils ont simplement peur», explique-t-il.

«Le terrorisme islamiste nous ramène à la question: quelles sont nos valeurs et nos racines? Mais l’Occident n’a pas les ressources intellectuelles et spirituelles nécessaires pour faire face à ces problèmes». En cause, d’après lui: les partisans de Mai 68, qui, en voulant «nous libérer de l’héritage fasciste, ont nettoyé toute la maison avec trop de zèle». «Toutes les valeurs traditionnelles ont été relativisées ou abandonnées, ce qui ne se fait pas impunément. Nous sommes une société profondément déstabilisée qui ne sait plus quoi chercher», déplore le politicien zougois.


Voir l’article original [allemand, payant]: Gerhard Pfister: «Viele Kirchenleute sind nicht mehr als Sozialarbeiter»

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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