Oecuménisme: entre euphorie et déprime

A moins qu’elle soit devenue une tradition plus soporifique que stimulante – ce qu’à Dieu ne plaise!- la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous rappelle opportunément notre devoir sacré de prier et d’agir pour la réconciliation plénière des Eglises chrétiennes.

En fait, le chemin de l’œcuménisme réaliste se faufile toujours plus difficilement entre l’euphorie des uns et la déprime des autres. Deux attitudes inverses qui aboutissent au même résultat: il n’y a plus rien à faire… et passons à autre chose!

Les euphoriques estiment que tout va bien –ou presque- dans la biosphère œcuménique puisque les Eglises, du moins chez nous, ont enfin compris qu’il fallait s’accepter différentes pour le bien de tous. Heureusement, il est dépassé le temps où les chrétiens se situaient réciproquement en concurrents, en adversaires et même en ennemis. Bénissons le Seigneur: la fraternité a pris le relais. On s’entend bien entre communautés, on collabore souvent, on abandonne les points de friction encore chauds à la réflexion des spécialistes théologiens. Et surtout restons-en là, sans se compliquer la vie par des recherches de meilleure unité qui risquent de créer de nouvelles divisions au lieu de nous conforter dans la jouissance paisible de notre communion bien suffisante.

«Il y a toujours des noyaux durs qui nous séparent»

Mais il y a aussi des déprimés de l’œcuménisme. Avaient-ils placé la barre de l’unité trop haute? Ils avaient imaginé, notamment à la faveur de l’élan provoqué par l’entrée de l’Eglise catholique en œcuménisme lors du concile Vatican II, que tous les obstacles fondraient rapidement comme neige au soleil de la grâce divine. Et ils constatent, navrés, que des points de rupture subsistent, que des nœuds peinent à se dénouer, que la dynamique œcuménique se perd dans le sable des vieilles traditions de crispation sur certains points. Il y a toujours des noyaux durs qui nous séparent, y compris dans la vie courante de nos communautés. Il suffit de penser à l’eucharistie qu’on souhaite pouvoir partager librement, aux questions liées aux ministères –par exemple celui des évêques et du pape-, aux relations avec les saints, et notamment avec la Vierge Marie. Sans compter des problèmes autour de l’éthique, qui nous divisent encore souvent quand il s’agirait de pouvoir prendre des positions communes dans notre société.

«Il y a assez de belles constructions réussies pour ne jamais se décourager»

Je comprends toutes ces réactions. Mais au lieu de me décourager, elles me stimulent. A reméditer sans cesse le projet de Jésus pour ses disciples, à revisiter les témoignages des premières communautés chrétiennes sous la guidée des apôtres, je rends grâce pour le chemin parcouru grâce à la magnifique «utopie œcuménique» promue par des pionniers qui furent de grands prophètes de l’Evangile. Nous revenons de si loin, et nous nous sommes tellement rapprochés. Mais je dois bien admettre qu’il y a encore du chemin à parcourir pour parvenir –avec la grâce de Dieu- à concilier encore mieux les exigences de l’unité profonde entre tous les chrétiens et une juste diversité entre les Eglises, de manière à former une véritable «Eglise d’Eglises», enfin conforme au dessein et à la prière du Christ pour les siens.

Que la maison commune de tous les chrétiens soit encore en chantier, ça m’invite à venir y travailler avec grande espérance. Il y a assez de belles constructions réussies pour ne jamais se décourager. Il y a encore assez à œuvrer pour s’investir avec ardeur.

Etre un artisan –même très modeste- sur ce chantier-là, c’est un beau service. C’est surtout une belle joie, toute imprégnée de l’Esprit Saint.

Claude Ducarroz

16 janvier 2019

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