Interdictions de l'alcool au Liban, un signe de radicalisation de la société?

La ville de Fneideq, au nord du Liban, a décrété le 27 janvier 2019 l’interdiction de la vente et de la consommation d’alcool sur le territoire communal. D’autres mesures récentes du même ordre font craindre à certains un mouvement de radicalisation de la société libanaise.

Le président du conseil municipal de Fneideq, Ahmad Baarini, a justifié la prohibition de l’alcool par la répétition de comportements irresponsables de la part de groupes de jeunes se mettant régulièrement en état d’ébriété sur un site touristique de la région, rapporte le quotidien libanais L’Orient- le jour (OLJ).

La mesure a provoqué un tollé dans le pays, beaucoup y voyant une atteinte aux libertés individuelles. Des politiciens et activistes ont souligné qu’une telle interdiction ne pouvait certes pas être prise par une municipalité et qu’elle était en contradiction avec les principes de la Constitution.

Climat de fanatisme religieux?

D’autres observateurs ont noté, après l’épisode de Fneideq, qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé. L’alcool ne serait ainsi plus servi dans les endroits publics dans plusieurs régions du Liban. Ce qui fait dire à un activiste des droits de l’homme cité par l’OLJ qu'»on essaie de changer l’identité culturelle du pays».

Un phénomène qui inquiète également Waël Kheir, directeur de la Fondations des droits de l’homme et du droit humanitaire. «Assurer la sécurité publique ne semble être qu’un prétexte présenté par le président de la municipalité», a-t-il estimé. Il a jugé que cette décision s’inscrivait «dans le climat de fondamentalisme et de fanatisme religieux qui sévit actuellement».

Une démarche anti-chrétienne?

La démarche a également été vue comme une tentative de stigmatisation de la communauté chrétienne, qui gère la production et la vente d’alcool dans le pays. La région de Zahlé, au centre de la plaine de la Bekaa, est notamment renommée pour la qualité de son vin. Le Liban produit plus de huit millions de bouteilles par an. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé le Liban à la 3ème place de la région Moyen-Orient en terme de consommation d’alcool.

Les élus de Fneideq rejette cependant toute volonté de viser une communauté religieuse et assurent avoir agi uniquement dans un souci de maintien de l’ordre public. Une démarche soutenue par le député libanais Walid Baarini, originaire du village, qui a assuré qu’elle «n’est pas dirigée contre une communauté, puisque ces jeunes qui ont causé des troubles sont de toutes les communautés». Il a ajouté que «nous ne comptons en aucun cas changer les comportements au Liban ni basculer dans une mentalité takfiriste». (cath.ch/olj/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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