Homélie du 3 février 2019 ( Lc 4, 21-30)

Chanoine Olivier Roduit – Basilique de Saint-Maurice

Il y a un temps pour tout dans la vie, et comme il n’y a rien de nouveau sous le soleil, — il ne faut pas se voiler la face, — et je n’aimerais pas le crier sur les toits, il m’a fallu bien du temps pour préparer cette homélie, sans baisser les bras, ni faire des jérémiades. Je ne dirais pas que j’ai dû boire le calice jusqu’à la lie, ni déplacer des montages, mais je craignais de soulever un tollé, de prêcher dans le désert ou de descendre dans la fosse aux lions. Sans pleurer comme une madeleine, et sachant qu’il faut gagner son pain à la sueur de son front, et qu’à chaque jour suffit sa peine, comme un seul homme, je vous apporte sur un plateau d’argent le fruit de ma méditation qui n’est pas tombée du ciel.

 Chers frères et sœurs, en ces trois premières phrases de ma méditation d’aujourd’hui, vous l’aurez remarqué, j’ai utilisé 17 expressions d’origine biblique qui ont passé dans le langage quotidien sans que la majorité des gens ne se rende compte de leur origine.

Jésus lui-même usait de formules marquantes dans sa prédication. L’Évangile d’aujourd’hui en est la preuve puisqu’il cite le dicton : « Médecin, guéris-toi toi-même » et qu’il affirme plus loin que nul n’est prophète en son pays, ou plus précisément qu’« aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ».

Dans quel contexte utilise-t-il ces expressions qui ont passé dans notre langage quotidien ? Nous l’entendions dimanche dernier, nous sommes au début du ministère public de Jésus. Sa renommée se répand. Il va enseigner dans la synagogue de Nazareth où il lit un passage du prophète Isaïe. Ensuite sa prédication commence par cette magnifique affirmation : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

Jésus provoque

Les habitants de Nazareth peuvent-ils ne pas être « remplis de fureur » à l’écoute de la provocation de Jésus leur rappelant les deux récits de la veuve de Sarepta et du lépreux Naaman ? À deux reprises, Élie et Élisée, sont sortis de la « normalité religieuse » en secourant des païens. Fallait-il raviver ces faits ? N’était-il pas préférable d’oublier que Dieu ne fait acception d’aucun homme ?

Force de la présence de Jésus

L’évocation de l’attitude leurs pères dans la foi blesse les auditeurs de Jésus. Ils attendaient de celui qu’ils connaissaient bien plus de considération. Il aurait fallu qu’il fasse chez eux des prodiges et des signes au moins aussi remarquables que ceux accomplis par lui à Capharnaüm. Ce serait la moindre des choses envers la cité dans laquelle il a grandi. Nazareth en tirerait notoriété. Pour qui se prend-il à prétendre que le récit d’Isaïe, dont il vient de faire lecture à la synagogue, s’accomplit aujourd’hui ? Le moins que l’on puisse dire est que l’audacieux discours de Jésus n’apaise aucunement les fidèles de la synagogue. Leur fureur s’exacerbe. On oublie parfois la virulence de cet épisode marquant le début du ministère du Fils de l’homme. Celui qui sera livré pour la multitude au Golgotha aurait pu être tué par les siens, jeté comme un malfaiteur depuis l’escarpement de Nazareth. Et nous ne pouvons qu’admirer la force de la présence de celui qui, « passant au milieu d’eux, allait son chemin. »

Etre des prophètes chez nous

Si Jésus n’est pas accueilli comme prophète chez lui, par toute sa prédication, il nous invite cependant à l’être chez nous. Nous devons être des prophètes chez nous.

C’est l’invitation du dimanche des laïcs d’aujourd’hui. Chaque baptisé est prêtre, prophète et roi. Nous sommes envoyés pour porter un message d’amour et de salut dans une société en quête de sens, dans nos milieux de vie et jusqu’aux périphéries existentielles. Nous sommes envoyés rejoindre tous ceux qui ont soif de paix, d’amour, de lumière.

Message de joie et de libération

Mais cette mission peut nous faire peur. En aurons-nous la force ? Nous savons au fond de nous-mêmes que nous ne sommes pas seuls puisque le Seigneur marche à nos côtés. Baptisés, nous sommes porteurs d’un message de joie et de libération qui va nous faire avancer dans le monde avec la force de l’amour. L’amour de Dieu pour nous, et celui que nous portons à nos frères et sœurs.

Saint Paul nous le rappelle avec force dans cette belle page de sa lettre aux Corinthiens. Sans l’amour, toute la science et la connaissance, et même la foi la plus forte, ne sont rien, sans l’amour, écrit-il, « je ne suis qu’un cuivre qu résonne, une cymbale retentissante ».

Nous sommes invités à devenir des prophètes de l’amour.

A devenir de ceux qui patientent, encouragent, rendent service, osent la confiance. Soyons des témoins d’espérance qui guettent l’avenir dans les humbles gestes du quotidien.

C’est en effet dans notre humble quotidien que le message dont nous sommes porteurs irrigue notre monde, atteint les cœurs, touche les femmes et les hommes de ce temps.

L’amour de Dieu qui sauve l’humanité, c’est a» travers nos gestes de tous les jours qu’il réchauffe et éclaire le monde. Les oppositions surgiront, nous dit Jésus : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ». Car la Parole de Dieu reçue et vécue dérange. Mais Jésus est passé par la». Suivons-le donc avec confiance.


4e dimanche ordinaire Année C

Lectures bibliques : Jéréme 1, 4-5.17-19; Psaume 70; 1 Corinthiens 12, 31–13, 13; Luc 4, 21-30


 

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