L’éthique et l’efficacité économique vont-t-elles toujours de pair?

L’exigence éthique ne serait alors pas un manque à gagner et encore moins un coût et les efforts au nom de la durabilité, de la solidarité et de l’entraide ne seraient, en fin de compte, que des investissements aux rendements prometteurs. Tout serait si simple, si on pouvait répondre par l’affirmative et démontrer que l’éthique n’est qu’un autre nom de l’efficacité.

En effet, la tentation est grande, pour emporter l’adhésion des hésitants, de recourir à l’argument massue du «tout va très bien dans le meilleur des mondes», qui repose en fait sur la contamination par l’exemple. Ainsi, si un employeur prend l’initiative et propose à ses collaborateurs d’excellentes conditions de travail, ces derniers, en retour et sans efforts supplémentaires, lui rendraient la pareille en devenant inconsciemment plus loyaux, plus productifs, plus innovants et moins absentéistes. Les concessions salariales finissent par doper les résultats. De même, si une entreprise se lance dans un programme exemplaire et coûteux de réduction de sa pollution, elle serait automatiquement – dans le meilleur des mondes – «récompensée» par une loyauté accrue de ses actionnaires et de ses clients, avec la hausse des cours boursiers et une augmentation des ventes à la clé.

«Ethique et efficacité appartiennent à des ordres différents»

Même si des anecdotes confirment parfois de tels enchaînements, on en est loin de la règle générale. On ne peut certes exclure un enchaînement heureux des événements, mais on ne peut le promettre.

Et pour cause. L’éthique et l’efficacité économique appartiennent à deux ordres de préoccupations distinctes. Alors que l’éthique envisage un acte dans sa qualité morale propre, dans l’intention qui le guide et dans les conséquences qu’il a notamment pour les tiers; l’efficacité recherche des solutions qui, soit minimisent l’utilisation des ressources pour un résultat donné, soit maximisent ce dernier sous la contrainte des ressources. Au centre de la recherche d’efficacité, il y a le souci économique de l’acteur – propriétaire des ressources et destinataire du résultat. Rien de tel dans la réflexion éthique où l’accent porte sur la qualification morale de l’acte, sans référence immédiate aux conséquences individuelles.

Si éthique et efficacité appartiennent à des ordres différents, est-il alors admissible de s’interroger sur les conséquences d’un acte éthique dans l’ordre de l’efficacité? Le Père Etienne Perrot, auteur de nombreux ouvrage sur l’éthique et l’économie, aime à rappeler que les choix éthiques exposent parfois à des coûts matériels tout comme à des coups physiques. L’acteur doit en avoir conscience tout en sachant que certaines conséquences peuvent dépasser ce que l’acteur peut supporter. Au nom du réalisme, et des priorités parfois vitales, il devra alors chercher une autre solution, qui – d’ailleurs souvent – s’avère meilleure que les alternatives précédemment envisagées.

De deux choses l’une: il est tout aussi problématique d’affirmer que les gains d’efficacité compenseront les coûts occasionnés par l’éthique, que de prétendre qu’en matière de choix éthiques les conséquences n’entrent pas en ligne de compte. Chacune de ces positions est simpliste à sa façon, parce que chacune nie l’importance du discernement.

 

Paul Dembinski

13 février 2019

Portail catholique suisse

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