Inculturation: comment les jésuites ont perdu la partie en Chine

Matteo Ricci (1552-1610), le jésuite italien qui devrait être béatifié prochainement, est un pionnier de l’inculturation. Cette manière d’évangéliser a suscité la «Querelle des rites» au 17e siècle avant d’être interdite par Rome. Pour le plus grand malheur du christianisme chinois.

A sa mort en 1610, le jésuite Matteo Ricci est inhumé près de la Cité interdite. Une faveur en forme de reconnaissance de la Compagnie de Jésus en Chine accordée par l’empereur Wanli, de la dynastie Ming. Le prêtre italien a si bien séduit le monarque qu’il a été le professeur de son fils préféré. Son haut degré d’inculturation –Ricci s’habillait en lettré confucéen et traduisait des ouvrages occidentaux en chinois – et sa disponibilité à transmettre les dernières avancées des sciences européennes, qui dépassaient désormais celles de la Chine, ont ouvert les portes de l’Empire du Milieu au christianisme.

Au début du 17e siècle, la religion chrétienne semble sur des rails. L’Edit de Tolérance de l’empereur Kangxi retire le christianisme de la liste des doctrines pernicieuses en 1692. Les missionnaires peuvent dorénavant prêcher l’Evangile en toute légalité. Et en 1700, le christianisme est même déclaré religion indigène, comme le bouddhisme (originaire de l’Inde) l’a été plusieurs siècles avant lui.

L’arrivée des ordres mendiants

Ce succès est pourtant de courte durée. Dès les années 1630, les dominicains et les franciscains, qui arrivent en Chine, critiquent les méthodes d’évangélisation des jésuites. Ils les accusent de se vêtir à la chinoise, de ne pas assez prêcher le Christ crucifié, de refuser d’affirmer que Confucius est en enfer et, surtout, de tolérer le culte des ancêtres chez les convertis.

Sous l’influence de son entourage, le pape Clément XI condamne en 1715 le «rite chinois» instauré par les jésuites. En réaction, l’empereur Kangxi, de la dynastie mandchoue des Qing, interdit la prédication du christianisme dans tout l’empire en 1717. Les choses iront de mal en pis. Son successeur expulse tous les missionnaires de la cour impériale – à l’exception des jésuites – en 1724. Bientôt chassée des Etats européens et supprimée par le pape, la Compagnie de Jésus assistera, impuissante, aux dissolutions des communautés chrétiennes en Chine.

Pie XII autorise les rites confucéens

L’évangélisation de l’empire chinois ne reprendra qu’au 19e siècle avec le bras de fer entre la Chine et les pays européens. Elle sera alors surtout l’œuvre des pères des Missions étrangères de Paris (MEP). Ce n’est qu’en 1939 que le pape Pie XII accordera le droit aux chrétiens chinois de pratiquer les rites confucéens, notamment le culte des ancêtres, les considérant comme compatibles avec l’Evangile. (cath.ch/cmc)

Maurice Page

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