Abus sexuels: le cardinal Marx plaide la transparence et la traçabilité

«Il n’existe pas d’alternative» à la transparence pour la gestion des cas d’abus sexuels commis au sein de l’Eglise, a soutenu le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence des évêques allemands, le 23 février 2019 devant les participants au sommet sur la protection des mineurs.

Comme le 21 et le 22 février, les présidents des conférences épiscopales se sont retrouvés dans la nouvelle salle du Synode au Vatican pour leur troisième journée de travail. Après la prière d’ouverture, ils ont écouté les interventions du cardinal Marx et de Sœur Veronica Openibo, religieuse nigériane de la Congrégation des sœurs de l’Enfant Jésus. Les deux discours ont porté sur l’exigence de transparence.

Les actions de l’Eglise, a soutenu le cardinal Marx, ne sont pas «strictement et uniquement» spirituelles. Une administration est toujours nécessaire et celle-ci, a-t-il plaidé, doit être fondée sur le «principe de justice». Cette administration, a déclaré le cardinal allemand, ne doit pas être vue comme un mal nécessaire. Au contraire, elle a de nombreuses qualités: elle «objectivise», elle «oriente et met ordre» ou encore elle «standardise procédures et procédés».

Pour le haut prélat, l’administration de l’Eglise – en particulier pour la gestion des abus sur mineurs – doit être fondée sur deux piliers: «transparence et traçabilité». «Il n’existe pas d’alternative», a-t-il insisté, d’autant que «ce n’est pas la transparence qui fait du mal à l’Eglise, mais plutôt les actes d’abus commis, le manque de transparence et l’ensablement». Ces deux piliers, a-t-il repris, sont les «meilleurs mécanismes» contre les préjugés sur le traitement des abus sexuels. D’autant que si une procédure est «clairement définie et publique», elle permet de «réhabiliter» la personne faussement accusée.

La question du secret pontifical

Une telle administration, a reconnu le haut prélat, nécessite un engagement «constant» et doit pouvoir bénéficier de l’appui «d’experts extérieurs». Sinon, elle peut finir par «violer» les objectifs de l’Eglise. Selon le cardinal Marx, cela s’est vu lorsque certains en ont abusé pour «réprimander» les victimes d’abus sexuels et leur imposer le silence. Ceux-là, a-t-il dénoncé, ont «violé, discrédité et rendu impossible» la mission de l’Eglise.

Le cardinal Marx a ainsi émis une série de recommandations pour la transparence. Notamment une définition de «l’objectif et des limites» du secret pontifical, pour éviter que le recours à celui-ci ne soit vu comme une volonté de dissimuler. Le cardinal allemand a également plaidé pour une plus grande communication au public au sujet des cas d’abus sexuels ainsi que pour une publication des actes judiciaires.

«Comment l’Eglise a-t-elle pu garder le secret?»

Pour Sœur Veronica Openibo, les personnes en charge de la gestion de abus sexuels se sont parfois concentrées «davantage sur la réaction des médias», que sur un traitement adéquat. «Comment l’Eglise a-t-elle pu garder le secret en couvrant ces atrocités?», s’est interrogé la religieuse. C’est une situation «honteuse et scandaleuse», fruit d’une combinaison de «médiocrité, hypocrisie et complaisance», a-t-elle asséné.

Une réponse «directe, transparente et courageuse» est plus que jamais nécessaire, a-t-elle urgé. «Ayons le courage de parler plutôt que de nous taire pour éviter de commettre une erreur». Ce sommet, a-t-elle exprimé, est l’occasion de voir «où nous nous sommes comportés de façon étrange, ignorante, secrète et complaisante».

«Un faux sentiment de supériorité»

Comme le cardinal Marx, la religieuse a proposé des pistes concrètes. Elle a ainsi suggéré la formation de personnes «sensibles et compatissantes» pour écouter les victimes, «y compris dans les endroits où les gens ne mangent pas toujours à leur faim» – claire allusion aux pays du ‘sud’ où certains considèrent parfois le problème des abus sexuels comme secondaire voire inexistant. Comme Linda Ghisoni la veille, Sœur Veronica Openibo a également appelé à la création d’une «commission conjointe» entre consacrés et laïcs pour répondre au mieux aux abus.

La religieuse a par ailleurs appelé à une formation et une éducation «claires et équilibrées» des séminaristes sur la sexualité et ses «limites». Plus généralement, elle a révélé être préoccupée par ceux qui donnent aux futurs prêtres et religieux une «conception glorifié de leur statut». Cela conduit parfois à un «faux sentiment de supériorité» propice aux abus, a-t-elle durement critiqué. (cath.ch/imedia/xln/pp)

Pierre Pistoletti

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