Sœur Marie-Paul Ross: «Les abus sexuels sont une pandémie mondiale»

La dénonciation des abus sexuels sur des religieuses commis par des prêtres et des évêques a suscité un vif émoi dans l’Eglise. Depuis près de trente ans, Sœur Marie-Paul Ross a reçu leurs témoignages. Sexologue clinicienne, la religieuse canadienne dénonce ce qu’elle appelle une ‘pandémie’ mondiale.

Invitée par le journaliste de RTSreligion Emmanuel Tagnard, Sœur Marie-Paul avait rédigé en janvier 2017 une lettre ouverte au pape où elle parlait de son engagement. Ce bref texte est paru dans le livre Très Saint-Père, lettres ouvertes au pape François publié aux Editions Salvator. Cath.ch en a repris quelques extraits (les intertitres sont de la rédaction).


«Je vous ai déjà informé que je suis religieuse missionnaire. Après des études en sciences infirmières, j’ai profondément été appelée à poursuivre des études en science sexologique. J’ai complété un doctorat en sexologie clinique en avril 2000.

J’ai vécu 18 ans en Amérique latine et, de plus, j’ai été invitée à offrir des formations et assurer de l’accompagnement dans trente pays. J’ai d’ailleurs donné des formations à des religieux, des religieuses et des prêtres en Italie pour promouvoir la maturité affective et un célibat vécu avec fidélité et fécondité pour notre monde. J’ai aussi été appelée au Vatican suite à de fausses accusations. Suite à cette erreur, Dieu m’a ouvert des chemins inespérés.

J’avais entrepris des études en science sexologique suite à des confidences de grandes souffrances de la part de victimes du monde «religieux et sacerdotal».

Saint Père, je me dévoue comme missionnaire pour libérer les personnes esclaves de conduites compulsives et déshumanisantes ainsi que leurs victimes. Depuis 1990, je reçois des personnes qui portent des souffrances inimaginables.

«Un venin qui a envahi notre Église»

L’année de la Miséricorde m’a ouvert le cœur à un appel profond: Donner parole et aider multiples victimes dont la souffrance a été causée par des représentants de l’Église catholique.  Je rencontre aussi d’autres victimes souffrant de la peur d’être damnées suite à des prédications erronées et à des abus sexuels vécus dans leur milieu.

J’ai déjà informé des responsables au Vatican, des évêques, des supérieurs d’Instituts religieux et la réaction est la même : «Inutile de réveiller le passé». Mais les victimes sont là actuelles et de multiples abus continuent.

La pathologie sexuelle me semble être un venin qui a envahi notre Église. Le pourcentage justifie le mot  «pandémie» mondiale.

Un célibat religieux peu vécu

Vous savez Saint Père que le célibat religieux est peu vécu et cela par manque de formation. Le peuple en recherche de vérité connaît cette réalité mais c’est incroyable comme notre Église utilise de l’argent, des menaces, de fausses accusations pour cacher et taire le tout.

Comme religieuse missionnaire et professionnelle de la santé je n’en peux plus de cette attitude qui maintient les victimes écrasées par le pouvoir.

Je pense à Thérèse, qui depuis ses 8 ans, allait à la paroisse chaque semaine pour servir les prêtres et l’évêque sexuellement.  Parfois il y avait d’autres enfants avec elle. Quand elle était seule avec l’évêque c’était considéré comme un privilège.  Jusqu’à l’âge adulte (50 ans) elle était victime sexuelle de son employeur qui était religieux-prêtre.

Je pense à un groupe de jeunes religieuses qui durant des années ont été utilisées au sein de cultes sataniques au nom de Dieu et sous prétexte qu’elles devaient se sacrifier pour le monde.  Ces cérémonies diaboliques étaient dirigées par les autorités religieuses (hommes et femmes).

Je pense à André qui a été victime et abusé par ses professeurs prêtres et directeur spirituel.

Je pense à Lorraine qui a été victime sexuelle de son directeur spirituel, religieux-prêtre durant 40 ans et cela chaque semaine.  Il lui faisait prendre des pilules «avortives».

Des victimes culpabilisées

Je pense à Diane qui, lors de sa première confession, a dû s’agenouiller au pied du prêtre et le masturber pour avoir le pardon.

Il y a Carlos qui a été victime sexuelle de son formateur durant tout son noviciat et le matin même de sa profession religieuse, son abuseur l’a invité à des activités perverses.  Quand je l’ai vu dix années plus tard, il en était profondément perturbé.

Saint Père, je pourrais écrire des centaines de pages pour énumérer seulement les victimes dans l’Église.

De plus les victimes se sentaient coupables avec la peur d’être damnées. Je me sens de plus en plus souffrante devant tant de désastres.

Heureusement je crois profondément que Dieu m’habite et je lui confie de soulager les souffrances des victimes et de leurs abuseurs.  Mais quoi faire ?

Le silence est lourd

La vérité libère. Il faut guérir le monde impliqué. Je crois que grand nombre de victimes ont besoin d’entendre votre message. Vous avez déjà imploré le pardon mais c’est déjà oublié et ça ne guérit pas les blessures profondes laissées en silence.

Pour le moins, les blessés de la vie ont besoin d’entendre de vous qu’ils ne sont pas condamnés mais aimés de Dieu.

Merci Saint Père pour votre accueil. J’ai besoin de votre bénédiction et appui pour que votre parole puisse atteindre les cœurs percés, bafoués. J’aime mon Église mais le silence est lourd. Il faut se convertir à l’Amour de Dieu.

Avec affection et reconnaissance,»

Marie-Paul Ross, m.i.c.


Spiritualité et sexualité: Marie-Paul Ross, une sœur atypique

En 2014, Sr Marie-Paul Ross avait été l’invitée de l’émission Hautes fréquences de RTSreligion

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Rédaction

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