Lc 1, 26-38 | « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils »
Combien de temps encore sonnera-t-on l’angelus de midi dans nos clochers urbains? Il y a belle lurette que s’est tu celui du soir assimilé à un couvre-feu désuet et qu’on a ballonné celui de l’aurore comme on muselle un réveil matin intempestif. La chance de survie du tintement du milieu du jour tient sans doute à nos estomacs qui attendent ce joyeux signal pour se mettre à table et, plus encore, à l’ignorance généralisée du sens de cette coutume. De nos jours, seuls quelques rares érudits en connaissent l’origine. Si nos laïcards impénitents soupçonnaient que cette sonnerie répand la bonne nouvelle de l’incarnation, ils auraient tôt fait de faire campagne pour mettre fin à ce qui ne saurait être à leurs oreilles qu’une intolérable et intolérante pollution sonore de leur ciel républicain.
«Angelus Domini nutiavit Mariae! L’ange du Seigneur annonce à Marie!» Telle est bien la joyeuse et bonne nouvelle que nos amies de bronze ont mission de rappeler à toute volée. C’est par cette annonce que notre aventure chrétienne a commencé. La première qui en reçut la confidence fut une jeune villageoise promise en mariage à un obscur charpentier de Galilée. Depuis, la nouvelle n’a fait que se répandre et se démultiplier, jusqu’à toucher aujourd’hui notre cœur étonné.
Quel est le contenu de cette nouvelle? Un message inédit, surprenant et quasi incroyable. Jamais entendu dans le cours multimillénaire de l’histoire des religions. Un Dieu se fait chair; il devient l’un de nous. Chair, avez-vous bien entendu? Non pas idée éthérée, philosophie compliquée, vétuste sagesse, mystique absconse ou morale ressassée et rabâchée. Mais Parole faite chair. Non pas parole écrite sur du papier bible ou peinte sur de vieux parchemins. Mais un Dieu tissé dans les méandres sublimes et douloureux de notre humanité charnelle et qui ne s’en séparera plus jamais. Car cette histoire d’incarnation ne s’achèvera qu’en résurrection. Résurrection de la chair, bien évidemment!
Voilà ce que chantent nos cloches du matin, du soir et de midi. Saurons-nous les écouter et non seulement les entendre? Découvrir sous leurs voix un Dieu qui palpite dans le coeur d’un nouveau-né et qui faiblit dans celui d’un mourant. Corps d’athlète, de star, de jeunes mariés, mais aussi corps violés, torturés et meurtris. Autant de tabernacles du Dieu vivant. Nous l’appelons Emmanuel, parce qu’il est de tous nos voyages, compagnon de chaque heure et de toute saison. Comme les mages, à nous de le trouver et l’adorer.
Je ne saurais mieux terminer cette méditations que par la péroraison qui achevait tous nos prêches d’autrefois: «C’est la grâce que je vous souhaite!». Je me la souhaite à moi aussi!
Guy Musy
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