Qui succédera à Mgr Vitus Huonder à la tête du diocèse de Coire?

Le mandat de Mgr Vitus Huonder à la tête du diocèse de Coire arrivera à son terme le 21 avril 2019. Selon la procédure propre au diocèse, son successeur sera élu sur une liste de trois candidats, par les 24 chanoines du chapitre cathédral. Mais qui sont ces hommes. Kath.ch en présente les figures proéminentes, dont plusieurs sont cités parmi les potentiels candidats.

Martin Grichting, (1967) vicaire général du diocèse de Coire depuis 2009, est sans conteste une des figures dominantes du chapitre. Le canoniste zurichois, nommé par Mgr Huonder, avait été pressenti pour le poste de 2e évêque auxiliaire en 2010. Face aux oppositions, cette nomination avait été abandonnée. Il est connu surtout comme détracteur du système dual, typique de l’Eglise catholique en Suisse où des corporations ecclésiastiques de droit civil ‘doublent’ la structure ecclésiale des paroisses et des diocèses. Pour lui, l’Eglise catholique devrait être libre de gérer elle-même ses propres affaires, notamment en matière financière, sans dépendre de l’approbation ou du soutien de structures civiles. Cette position lui a valu pas mal d’inimitié dans le diocèse. Ces opposants craignent plus que tout sa nomination comme évêque de Coire.

Un traditionaliste ou un progressiste?

Roland Graf (1961) n’appartient pas à la direction diocésaine, mais il en est proche comme secrétaire du «Cercle des prêtres de Coire» qui rassemble les fidèles de Mgr Huonder. Curé d’Unteriberg, dans le canton de Schwytz, il a été nommé chanoine par Mgr Huonder. Proche de milieux de protection de la vie, il a été parmi les organisateurs de la «Marche pour la vie» qui réunit chaque année les militants anti-avortement de diverses confessions chrétiennes.

Franz Imhof (1964) préside le «Cercle des prêtres de Coire». Le curé d’Attinghausen, dans le canton d’Uri a également été nommé au chapitre par Mgr Huonder. Il est cependant peu connu dans le public.

Issu du canton de Zurich, Andreas Rellstab (1966) a été deux ans et demi vicaire général pour les Grisons avant de quitter ce poste en 2011 suite à des divergences avec Mgr Huonder. Aujourd’hui, il est curé de l’unité pastorale Saint Antoine- Couronnement de la Vierge à Zurich. Il est membre du comité du ‘Forum des prêtres du diocèse de Coire’ un groupement libre dans lequel se retrouvent régulièrement 80 prêtres du diocèse. Il est également connu comme ancien animateur et prédicateur des émissions religieuses à la radio et à la télévision alémanique. Il pourrait passer pour un candidat de compromis.

Andreas Fuchs (1970) est peu connu du grand public. L’ancien curé de Wetzikon et Gossau dans le canton de Zürich a repris depuis 2011 le poste de vicaire général des Grisons. Il appartient à la communauté des «Servi delle soffrenza», un institut séculier qui s’inspire de la spiritualité du Padre Pio. Nommé par Mgr Huonder, il a également des liens avec le sanctuaire de pèlerinage traditionnel de Wigratzbad, au sud de l’Allemagne.

L’influence des anciens

Joseph Maria Bonnemain (1948) a occupé de nombreuses fonctions et offices au sein du diocèse. Présent à Coire depuis 1989, cet ancien médecin, membre de l’Opus Dei, a vu passer quatre évêques. Dans son rôle d’official (juge ecclésiastique), il a été au cœur de toutes les affaires. Membre du Conseil épiscopal, il a été au front sur de nombreux thèmes. Au plan national, il est secrétaire de la Commission d’experts «Abus sexuels dans le contexte ecclésial» de la Conférence des évêques suisses. Depuis 2011, il est également vicaire épiscopal pour les relations avec les corporations ecclésiastiques et les cantons. A défaut de l’être lui-même, il pourrait être un faiseur de roi.

Christoph Casetti, (1943) a fait lui aussi une longue carrière dans le diocèse de Coire. Prévôt du chapitre, il a été pendant 22 ans porte-parole de l’évêque jusqu’en 2010. Membre du Conseil épiscopal, il est vicaire épiscopal pour la transmission de la foi et la catéchèse. Il a trouvé un champ d’action privilégié dans la pastorale du mariage et de la famille. En 2014, il a joué un rôle important pour sortir de la crise le séminaire diocésain St-Luzi, après la démission de son poste de recteur de l’évêque auxiliaire Marian Eleganti. Il est également connu au-delà du diocèse pour son activité d’exorciste. Etant donné son âge, il ne peut cependant pas être considéré comme candidat à l’épiscopat.

Parmi les anciens influents, figure également Franz Stampfli (1935). Membre du chapitre diocésain depuis 1977, il en est le doyen de fonction. Il a été prêtre dans diverses paroisses et communautés. De 1973 à 1994 il été secrétaire du vicariat général de Zurich. Aimant le débat théologique, le Zurichois a également été actif dans les médias. Aujourd’hui prêtre retraité, il est resté néanmoins administrateur paroissial d’Herrliberg dans le canton de Zurich.

Chaque voix compte

Guido Schelleman (1939), ancien professeur au Collège de Schwytz et Peter Camezind (1961) administrateur paroissial représentent le canton de Schwytz au sein du chapitre diocésain.

Paul Schlienger (1962) enfin est le dernier arrivé au sein du chapitre cathédral. Administrateur paroissial de Stierva, dans les Grisons, il a été nommé en 2018 par Mgr Huonder. Il est connu aussi comme recteur de la chapelle de pèlerinage de Ziteil où cet ancien cuisinier accueille chaque été les marcheurs à 2434 mètres d’altitude.

Les 13 autres chanoines, la plupart nettement plus âgés, ne devraient pas avoir d’influence décisive sur le vote. Il n’en reste pas moins que chaque voix compte.

Dix des 24 chanoines nommés par Mgr Huonder

Au cours de son épiscopat de près de douze ans, Mgr Vitus Huonder a nommé dix des 24 membres du chapitre diocésain. A partir de ce chiffre, on peut effectivement mesurer l’influence de l’évêque actuel sur la composition et l’orientation du chapitre, admet le vicaire général Bonnemain.

Hugo Gehring, doyen de Winterthur, interrogé par kath.ch est nettement plus critique. Selon lui, lors de la nomination des chanoines, Mgr Huonder a exclusivement pensé à des gens adhérant à sa ligne sans condition et prêts à élire Martin Grichting comme évêque.

Mgr Peter Henrici, évêque auxiliaire émérite à Zurich, est à peine plus diplomate. «Coire est un diocèse composé de trois régions très différentes et deux d’entre elles, Zurich et la Suisse centrale, n’en faisaient pas partie historiquement. Elle ne sont qu’administrées’ par Coire. Il faudrait d’abord résoudre cette question. On a besoin comme évêque de Coire d’une personnalité qui ait l’autorité nécessaire. Les trois parties du diocèse doivent pouvoir se reconnaître en lui. Ensuite, on pourra ouvrir le dialogue entre les trois régions pour trouver une solution. Le chapitre cathédral de Coire n’est en aucune manière représentatif de l’ensemble», expliquait-il à kath.ch en janvier.

Werner Inderbitzin, porte-parole de la Conférence de Biberbrugg, (l’assemblée des corporations ecclésiastiques cantonales du diocèse de Coire), reste prudent. Il ne connaît que quelques-uns des chanoines. Il lui est donc difficile d’estimer comment les nominations de Mgr Huonder peuvent influencer l’élection de l’évêque. Il pense néanmoins que tous les chanoines nommés par Mgr Huonder ne sont forcément satisfaits de la situation actuelle du diocèse.

Candidats de l’extérieur?

Même si l’élection de l’évêque de Coire se déroule sous le sceau du secret pontifical le plus absolu, de nombreuses voix se lancent dans les pronostics. Concrètement, le nonce apostolique en Suisse est chargé d’établir la liste de trois noms (terna) qui sera transmise pour approbation à Rome, avant de revenir à Coire pour l’élection par le chapitre diocésain.

Selon les observateurs, lors de l’élection de 2007, les deux autres candidats figurant sur la liste avec Vitus Huonder, ne possédaient clairement pas les qualités requises pour accéder à l’épiscopat. Le choix de Mgr Huonder se serait ainsi imposé par défaut. Beaucoup craignent la répétition d’un scénario analogue au profit de Martin Grichting.

C’est probablement la raison pour laquelle ils voient une solution possible dans des candidatures extérieures au diocèse. Deux noms sont régulièrement cités: Celui de Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg et celui d’Urban Federer, Abbé d’Einsiedeln.

La désignation de Mgr de Raemy serait, une répétition de celle de Mgr Amédée Grab, déplacé de Fribourg à Coire, pour succéder à Mgr Wolfgang Haas, en 1998. Bien que dans une ligne assez classique et romaine, Mgr de Raemy est apprécié pour son ouverture au dialogue et surtout pour ses qualités de polyglotte. L’ancien chapelain de la Garde suisse, qui fêtera cette année ses 60 ans, a ses entrées à Rome où il est bien connu.

Urban Federer, Abbé d’Einsiedeln, a la faveur des progressistes. Il milite pour une Eglise ouverte, en phase avec la société. Il a observé avec inquiétude la faille grandissante entre les catholiques zurichois et le diocèse de Coire. Ses chances de figurer sur la terna sont-elles bien réelles? Pas mal de gens en doutent.

D’autres verraient bien encore le Père Mauro Jöhri, ancien ministre général des capucins. Mais le religieux d’origine grisonne l’a exclu lui-même assez clairement. A 71 ans, il n’aspire qu’a redevenir un simple frère.

Du côté des réformateurs, on se contenterait aussi volontiers de la désignation d’un simple administrateur diocésain chargé de remettre les choses à plat et de préparer l’élection d’un nouvel évêque dans des conditions plus sereines. (cath.ch/kath.ch/bl/mp)

Maurice Page

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