Le fiasco britannique

La Chambre des Communes vient de refuser pour la troisième fois l’accord signé par Theresa May avec les autorités européennes. Pour faire pression sur les députés et rallier certains opposants comme Boris Johnson, le premier ministre avait pourtant mis sa démission dans la balance. Cet échec est essentiellement dû à la division du parti conservateur sur le sujet des rapports entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne. Et Theresa May n’a pas réussi depuis deux ans à refaire l’unité de son parti sur cette question. Cette division oppose grosso modo les idéologues aux réalistes.

Les idéologues ultralibéraux veulent une marche solitaire de leur pays dans le monde contemporain. Ils pensent que la Grande-Bretagne peut jouer sa carte seule au milieu des marchés. Ils refusent le multilatéralisme et s’inspirent de Donald Trump. Dans un monde sans règle, où seuls prévaudront les rapports de force, la Grande-Bretagne saura tirer son épingle du jeu en pratiquant une concurrence fiscale et sociale débridée vis-à-vis de ses voisins européens. Ces nostalgiques de l’Angleterre impériale croient que leur pays sera plus prospère en se tournant vers le reste du monde.

Que pèse la Grande- Bretagne vis-à-vis du monde asiatique?

Les réalistes prennent en compte le fait que la Grande-Bretagne tisse l’essentiel de ses relations économiques et sociales avec l’Union européenne. Ils pensent donc que de bonnes relations bilatérales avec elle sont indispensables. Ils savent aussi que le royaume est profondément divisé. L’Ecosse regarde vers l’Europe et l’Irlande du Nord ne peut se permettre de faire renaître une frontière avec sa voisine du Sud qui fait partie de l’UE. Ils ont enfin conscience que le parti travailliste est en embuscade et cherche à provoquer une crise politique pour revenir au pouvoir. Une séparation de l’Union sans accord serait de ce point de vue du pain béni pour lui.

Theresa May a fait comme si le conflit au sein de son parti ne jetait pas aux oubliettes le bien commun du pays. Dans une telle cacophonie, elle ne pouvait réussir sa séparation d’avec l’Union européenne. Mais plus fondamentalement la majorité de ses concitoyens n’a pas compris que le monde avait profondément changé au tournant des années 2000. L’histoire ne repasse pas les plats. L’Union européenne ne disparaîtra pas malgré ses défauts et le «Brexit». Les pays d’Europe orientale en ont trop besoin vis-à-vis de la Russie. Les Italiens et les Français chercheront à en amender les règles mais ils ne la quitteront pas car le sort économique et politique de ces deux pays est intimement lié à celui de l’Europe. Nous ne sommes plus en 1940 où l’empire anglais couvrait un bon tiers du globe et était une puissance mondiale. En 2019 la Grande- Bretagne risque de se retrouver seule. Que pèse-t-elle vis-à-vis du monde asiatique? Elle était intéressante comme tête de pont de ce monde dans l’Union. En sortant de l’Union, elle perd son intérêt.

Le parti conservateur a fait preuve d’un rare aveuglement en négligeant cette nouvelle donne géopolitique et en particulier l’émergence de l’Inde et de la Chine. Il a complètement oublié le sort de ses concitoyens vivant en Europe. L’histoire lui imputera une lourde responsabilité dans les difficultés que va rencontrer la Grande-Bretagne, quelle que soit l’issue de cette crise. Les anti-européens du parti ont prôné un divorce dont ils n’ont nullement mesuré les conséquences. Comme dans un divorce, le pays sera obligé de solder le passé avant de pouvoir se construire un avenir.

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