«Les églises aident à remplir le vide», estime le cinéaste Christof Schaub

Architecture de l’infini, du réalisateur zurichois Christof Schaub sort dans les salles romandes mercredi 10 avril 2019. Un film contemplatif qui s’intéresse à ces lieux où l’éternité se dévoile: quelques églises, médiévales ou contemporaines, et l’un ou l’autre musée.

Les architectes des œuvres contemporaines, inspirés par leurs aïeux médiévaux, tiennent aussi une place centrale dans le dernier film du réalisateur suisse. Autant d’artistes qui parlent de l’infini «mieux que les prêtres ou les savants».  En miroir de l’infini, c’est aussi l’expérience de la finitude que Christof Schaub aborde dans une introspection méditative, sur le seuil de la foi. Interview.

D’où vous vient l’intérêt pour les églises?
Christoph Schaub: C’est d’abord un intérêt pour l’architecture et l’émotion qu’elle peut procurer. Ce n’est pas la première fois que je travaille sur ce thème. Avec ce film, j’aborde l’architecture dans sa capacité à évoquer autre chose. C’est aussi un intérêt pour les églises en tant que telles. Quand je découvre une église, je veux y entrer, prendre le temps de l’observer. Et il y a une troisième raison, plus personnelle, que j’évoque dans le film. Mon père est mort lorsque j’étais enfant. Je ne suis pas allé à son enterrement. Je voulais qu’il soit fier de moi, je suis donc allé à l’école. Pendant longtemps, un «lieu d’adieu» m’a manqué. Aujourd’hui, je sais qu’il existe des lieux où l’on peut remplir le vide et faire mémoire.

C’est à cela que «sert» une église?
Effectivement, mais c’est aussi un point central. C’est particulièrement vrai dans un village. Elle y joue un rôle social: on s’y rencontre. Mais pour beaucoup, les églises appartiennent au passé.

L’architecte américain James Turrell, l’un de vos interlocuteurs, affirme que les artistes «parlent mieux de l’infini que les prêtres». Pourquoi d’après vous?
C’est un message provocant. Peut-être parce que l’Eglise comme institution est aussi du côté de l’idéologie et du pouvoir. L’art n’est pas étranger à la spiritualité. Or, dans leur expression, les artistes ne parlent pas au nom d’une institution. Il ont plus de liberté.

Vous-même, vous considérez-vous comme un artiste?
C’est une question difficile. Comme réalisateur, je cherche aussi une liberté d’expression. Mais, dans le monde du cinéma, il y a des règles et un marché. L’artiste est plus libre. Son expression peut se départir des règles ou des institutions comme le cinéma ou la télévision, qui cherchent à gagner de l’argent. Naturellement, il y a des films plus libres, plus proches de l’art. Mais il faut aussi pouvoir trouver son public, sinon cela n’a pas de sens.  

Cette transcendance, que vous explorez à travers l’architecture, peut-elle aussi se vivre au cinéma?
Oui, parce que le cinéma est aussi un lieu qui permet d’entrer dans un autre monde. On peut s’évader à travers une histoire, sa dramaturgie et sa mise en scène – mise en scène qui, au passage, n’est pas étrangère à la liturgie catholique, avec ses couleurs, ses odeurs et ses sons.

Qu’avez-vous cherché à transmettre à travers ce film?
Peut-être la nécessité de se désencombrer, de ménager des espaces vierges. Beaucoup de gens souffrent aujourd’hui du rythme effréné de nos sociétés. La visite d’une église ou d’un musée peut nous aider à nous reconnecter à des émotions plus profondes. (cath.ch/pp)


Avant-premières et séances spéciales en présence de Christoph Schaub:

Neuchâtel, 10 avril 18h00, Apollo
Avant-Première, en présence du réalisateur

La Chaux-de-Fonds, 10 avril 20h30, Scala
Avant-Première, en présence du réalisateur

Genève, 11 avril 19h45, Les Scala
Séance spéciale en présence du réalisateur

Fribourg, 01 mai 18h, Rex
Séance spéciale en présence du réalisateur

Lausanne, 09 mai 18h30, Pathé Les Galeries
Séance spéciale en présence du réalisateur


Christoph Schaub

Christoph Schaub a débuté sa carrière au cinéma dans les années 1980, lors du mouvement de la jeunesse zurichoise. Jeune cinéaste engagé politiquement, il produit ses premiers films au Videoladen de Zurich. Quelques années plus tard, il découvre sa fascination pour les films d’architecture et étudie des œuvres d’architectes de renom tels que Santiago Calatrava et Oscar Niemeyer. Son premier film d’architecture fut Il girasole: una casa vicino a Verona. Christoph Schaub est connu du grand public suisse pour ses comédies à succès comme La disparition de Julia ou plus récemment Amur senza fin. C’est cette polyvalence qui a été honorée en 2018 par les Journées de Soleure qui lui consacrait une grande rétrospective.

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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