Lausanne: Sant'Egidio dénonce la situation des Roms depuis l'interdiction de la mendicité  

La communauté Sant’Egidio de Lausanne a dénoncé le 8 avril 2019, Journée internationale des Roms, la situation des enfants de ces familles venues de Roumanie depuis l’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud, le 1er novembre 2018. Depuis cette date, les enfants Roms ont déserté l’école, tant ceux qui sont restés en Suisse que ceux qui se sont installés en France et en Allemagne ou sont retournés en Roumanie.

Sant’Egidio à Lausanne s’engage depuis 1990 auprès des plus démunis (migrants, Roms, personnes âgées). Ce mouvement chrétien œcuménique, qui accompagne et soutient de nombreuses personnes Roms depuis de nombreuses années, connaît particulièrement bien leur situation.

Dans la région lausannoise, de 2014 à 2018, 18 enfants ont pu être scolarisés dans le cadre de «Droit à l’école, droit à un avenir», un programme lancé par Sant’ Egidio. Il avait pour but de faciliter l’accès à l’école aux enfants des personnes pratiquant la mendicité à Lausanne. Un système de parrainage avait été mis en place pour financer les frais d’assurance-maladie (obligatoire) et de scolarisation.

Un seul enfant a poursuivi sa scolarité

L’entrée en vigueur de l’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud a mis un terme au développement de ce programme. Au 2 novembre 2018, seul un enfant a poursuivi sa scolarité dans la région lausannoise, déplore Sant’Egidio.

Durant les cinq derniers mois, explique Sant’Egidio, la plupart des familles que la communauté suivait ont dû déménager plusieurs fois. «La plupart d’entre elles ont opté pour la France, où elles vivent souvent dans des conditions de logement plus précaires que dans la région lausannoise. A notre connaissance, aucun enfant n’a pu y être scolarisé. Idem pour les quelques familles ayant opté pour l’Allemagne ou la Roumanie: les enfants ne vont plus à l’école!»

La situation des Roms s’est partout dégradée

Quelques familles ont fait le choix de rester à Lausanne ou dans les communes environnantes, mais leurs conditions de vie se sont dégradées. Il est plus difficile de réunir l’argent nécessaire à se nourrir et à payer une place dans un abri de nuit. Et rares sont ceux qui ont trouvé un travail. «Concrètement, cela signifie plus de nuits au froid pour les hommes, les femmes et les enfants. Cette précarité est une entrave majeure à la scolarisation».

De ce fait – «et avec beaucoup de regrets» – Sant’Egidio doit se contenter d’offrir un appui scolaire aux enfants présents à Lausanne et environs. Elle n’est plus en mesure de mettre en place une scolarisation avec tous les défis que cela implique.

Ne pas criminaliser la pauvreté

Par cette interdiction, affirme la communauté chrétienne, le «problème Rom» n’a pas été résolu, mais simplement déplacé et «pour la majorité, il a été accentué». De nombreuses personnes Roms reviennent actuellement à Lausanne tant la situation s’est détériorée ailleurs en Europe.

Sant’Egidio considère que «tant que la société n’est pas équitable et n’offre pas une place digne à chacun, elle ne peut interdire la mendicité pratiquée par ses membres les plus vulnérables». Raison pour laquelle, avec d’autres organisations, elle a introduit un recours à la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Les autorités sont interpellées

La Communauté S. Egidio attend des autorités de véritables politiques et des stratégies de soutien sous la forme de mise en place d’aides structurées d’accompagnement et d’assistance pour les plus vulnérables de notre société. «Un soutien aux familles Roms qui scolarisent leurs enfants serait un progrès indéniable. En particulier dans le domaine de l’hébergement et dans l’aide à la recherche d’un emploi».

Pour les militants lausannois de la cause des Roms, on ne lutte pas contre la pauvreté en s’attaquant aux pauvres, qui n’ont aujourd’hui, pour certains, pas d’autre moyen de survie que la mendicité.

Offrir des alternatives crédibles

«Interdire la mendicité sans offrir une alternative crédible, c’est mépriser le pauvre, nier son existence et se déresponsabiliser». Et Sant’Egidio de citer l’Ancien Testament: «Il y aura toujours des indigents dans le pays; c’est pourquoi je te donne ce commandement: tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l’indigent dans ton pays» (Deutéronome 15-11).

Ces dernières années, en collaboration avec l’association Opre Rrom et l’espace multiculturel des Eglises (Point  d’Appui), Sant’Egidio tente d’améliorer la situation de vie des familles Roms à Lausanne, en particulier par la scolarisation de leurs enfants et l’accompagnement de jeunes adultes sur le marché du travail. (cath.ch/com/be)

Jacques Berset

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