Cardinal Poupard: «Derrière les flammes qui détruisent», celle de la foi continue à vivre»

Au lendemain de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le cardinal français Paul Poupard, président émérite du Conseil pontifical de la culture, estime que «ces heures pesantes» comportent aussi «une grâce». Derrière les flammes qui détruisent, celle de la foi continue à vivre. Le haut prélat s’est confié à I.MEDIA, le 16 avril 2019.

Suite à cet évènement tragique, quel est votre état d’esprit?
Hier soir, je suis resté pendant une heure et demi à voir cette tragédie inimaginable. Je dois confesser que j’avais de la peine à croire que ce soit vrai. C’est tellement une chose incroyable, impensable et naturellement une douleur très profonde. Notre-Dame, ce ne sont pas seulement des pierres qui ont une âme, c’est l’âme de la France, c’est l’âme de l’Europe. Je voyais ces images de ces jeunes agenouillés, en prière. Et je me dis que plus que les flammes qui détruisent, c’est la flamme de la foi, de l’espérance qui continue à vivre.

Avez-vous vécu des moments particuliers dans cette cathédrale?
Cet édifice représente tant de souvenirs pour moi. A Notre-Dame, le pape Jean Paul II m’a envoyé présider les funérailles du cher Père de Lubac puis du cardinal Jean-Marie Lustiger quelques années plus tard. Durant ces deux évènements, je me souviens du peuple de Dieu rassemblé. Le cardinal Lustiger m’avait aussi invité à donner de nombreuses conférences de Carême. Je me souviens de ces messes du dimanche remplies de fidèles, la lumière dans la rosace… C’est un ensemble de sentiments qui s’entrechoquent.

Quel lien existe-t-il entre Notre-Dame de Paris et le Saint-Siège?
Notre-Dame de Paris est le symbole de l’Eglise de la France, c’est le symbole de la France. Me vient en mémoire le discours extraordinaire que fit le cardinal Eugenio Pacelli (le futur pape Pie XII ndlr) quand le pape Pie XI l’avait mandaté comme envoyé spécial pour consacrer la basilique de Lisieux. ll s’était alors arrêté à Paris et avait chanté avec le lyrisme qui était le sien dans cette cathédrale.

Nombreuses ont été les réactions témoignant de l’attachement des Français à cet édifice. Comment les lisez-vous?
Ces réactions attestent de façon extraordinaire de l’éloquence du drame. Vous savez, j’ai été chargé du dialogue avec les non-croyants. Ainsi, j’ai bien ressenti, durant toutes ces années, comme hier soir, que par-delà tout ce qui nous sépare, il y a quelque chose de plus profond qui nous unit. Notre-Dame, on ne peut pas l’enfermer dans l’intramondain, il y a quelque chose de plus. Les tours de Notre-Dame unissent le ciel et la terre à travers Notre-Dame, la vierge, justement. J’ai observé que d’autres personnes de traditions différentes la vénèrent aussi. C’est quelque chose d’extraordinaire, un symbole très fort qui est une réalité pour les croyants.

Comment regarder cet événement avec les yeux de la foi?
Je revois les images de ces centaines de jeunes qui spontanément sont tombés à genoux et se sont mis à prier. La philosophe Simone Weil parlait de «la pesanteur et de la grâce». En ces heures très pesantes que nous vivons, c’est aussi une grâce. Chaque événement ne peut pas se réduire à son entité matérielle. Le bienheureux cardinal John Henry Newman disait toujours que «le réel, c’est l’invisible». Notre-Dame de Paris c’est comme l’invisible rendu visible à nos yeux.

Cette lecture spirituelle s’impose à nous avec force et je suis convaincu qu’elle va continuer à habiter le cœur de tous pendant longtemps. On ne peut pas anticiper sur l’avenir mais je pense que Dieu nous parle aussi à travers les évènements. Saint Augustin dit que Dieu est assez fort pour tirer le bien du mal. Je me rappelle de cette année tragique de 1940 durant laquelle les troupes nazies ont envahi la France. A ce moment-là, tout le gouvernement de l’époque qui était radical-socialiste s’est précipité à Notre-Dame. A travers l’épreuve se révèlent des choses qui étaient enfouies. On croyait qu’elles étaient mortes mais elles ne le sont pas. (cath.ch/imedia/cg/mp)

 

Maurice Page

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