A son retour de Macédoine du Nord, le pape François salue la mémoire de Jean Vanier

Le pape François a exprimé sa gratitude pour le témoignage rendu par Jean Vanier, lors de la conférence de presse organisée dans l’avion qui le ramenait de Skopje, en Macédoine du Nord, le 7 mai 2019. Le fondateur de l’Arche, a estimé le pontife, a su «lire l’exigence chrétienne à partir du mystère de la mort, de la croix, de la maladie».

Jean Vanier était récemment entré en soins palliatifs et est mort à l’âge de 90 ans. Accueillant des personnes ayant un handicap mental, l’Arche qu’il fonde en 1964, est aujourd’hui présente dans 37 pays. Jean Vanier est également le cofondateur de Foi et Lumière, un regroupement de communautés de prière et de pèlerinage, toujours avec des personnes atteintes d’un handicap mental.

Dans sa conférence de presse d’une trentaine de minutes, le pape a notamment parlé de la mort de Jean Vanier, du diaconat féminin, du rapport avec les orthodoxes, du cardinal croate Stepinac (Verbatim).

Sur Jean Vanier

J’étais au courant de la maladie de Jean Vanier. Je l’ai appelé la semaine dernière. Il m’a écouté, mais pouvait à peine à parler. Je voudrais exprimer ma gratitude pour ce témoignage. Un homme qui a su lire l’exigence chrétienne à partir du mystère de la mort, de la croix, de la maladie. A partir du mystère de ceux qui sont dévalorisés et mis au rebut du monde. Il ne travaillait pas seulement pour ces derniers, mais aussi pour ceux qui, avant de naître, peuvent être condamnés à mort. Il a vécu sa vie comme ça. Simplement merci à lui et à Dieu pour nous avoir donné cet homme au grand témoignage.

Sur le diaconat féminin

La commission a travaillé presque deux ans, et tous pensaient différemment mais ont travaillé ensemble. Ils se sont mis d’accord jusqu’à un certain point. Chacun a sa propre vision. Sur le diaconat féminin il y a une façon de le concevoir, mais pas sur la même vision du diaconat masculin. Par exemple les formules d’ordination diaconales féminines trouvées par la commission ne sont pas les mêmes que pour l’ordination masculine. Elles ressemblent plus à la bénédiction abbatiale d’une abbesse. C’est le résultat de certains d’entre eux. D’autres disent que c’est bien une formule diaconale. Il y avait des diaconesses au début, mais sont-ce des ordinations sacramentelles ou non? Ils en discutent, mais ce n’est pas clair. (…) Il est fondamental d’avoir la certitude que ce soit une ordination comme l’ordination masculine. Certains disent qu’il y a un doute. Mais allons de l’avant. Je n’ai pas peur d’étudier. Mais jusqu’à maintenant, ça ne va pas.

Une chose intéressante. Certains théologiens il y a trente ans en arrière disaient qu’il n’y avait pas de diaconesses, car les femmes était au second plan dans l’Eglise. Mais pas seulement dans l’Eglise. Mais c’est curieux, à cette époque il y avait de nombreuses prêtresses païennes. Le sacerdoce féminin dans les cultes païens était à l’ordre du jour. Comment comprendre qu’ayant ce sacerdoce féminin païen, cela ne se voit pas dans le christianisme. C’est ce qu’ils sont en train d’étudier. Varietas delectat!

Sur le rapport avec les orthodoxes

En général, les rapports sont bons et il y a de la bonne volonté. Sincèrement, j’ai rencontré parmi les patriarches des hommes de Dieu. Dans mon cœur j’ai une préférence pour Elie II de Géorgie, Bartholomée, Cyrille, ce sont de grands patriarches qui rendent témoignage, des hommes de Dieu. Bien sûr, vous pourrez me dire: celui-là à bien trop de défauts, il est trop politique, etc. Mais on a tous des défauts, moi y compris. Moi, chez les patriarches, j’ai trouvé des frères, certains, je ne veux pas exagérer, mais de vrais saints. Puis il existe des choses historiques entre nos Eglises. Certaines anciennes. Par exemple aujourd’hui, le président me disait que le schisme d’Occident à commencé en Macédoine. Et aujourd’hui vient le pape pour la première fois (rires) pour recoudre le schisme, pour dire que nous sommes frères. Parce qu’on ne peut pas adorer la sainte trinité sans les mains unies des frères. Ce n’est pas ma seule conviction, mais aussi celle des patriarches. C’est une grande chose.

Sur le cardinal Stepinac

Au sujet de la canonisation du cardinal Stepinac [l’archevêque de Zagreb, en Croatie, de 1937 à 1960 et cardinal à partir de 1952, reste pour certains une figure controversée, ndlr], l’Eglise l’a proclamé bienheureux. On peut le prier, il est bienheureux. Mais à un certain point du procès de canonisation, Il y a toujours des points pas clairs, sur le plan historique. Moi, qui dois signer la canonisation, c’est ma responsabilité, j’ai prié, réfléchi, demandé conseil. J’ai compris que je devais demander de l’aide au patriarche Irénée de Serbie. C’est un grand patriarche. Il a donné son aide. Nous avons créé une commission, et avons travaillé ensemble parce que la seule chose qui nous intéresse, c’est la vérité!  A quoi cela sert une déclaration de sainteté si la vérité n’est pas claire. Nous savons que c’est un homme bon, bienheureux. Avant tout, la commission a été faite, maintenant on étudie d’autres points. Nous les approfondissons pour que la vérité soit claire. Je n’ai pas peur de la vérité, seulement du jugement de Dieu.

Sur la Bulgarie et la Macédoine

Deux pays très différents. La Bulgarie est une nation de tradition séculaire. La Macédoine également, mais pas comme nation, plutôt comme peuple. Elle a réussi à se constituer en nation, c’est une belle lutte. Pour nous chrétiens, la Macédoine est un symbole de l’entrée du christianisme dans l’Occident. C’est un Macédonien qui est apparu à saint Paul en rêve, lui disant «Viens chez nous ! viens chez nous !», alors qu’il se rendait en Asie. C’est un mystère, la raison pour laquelle il l’a appelé. Le peuple macédonien est fier de cela. Ne perdez pas une opportunité de dire que le christianisme est entré en Europe par chez vous, par votre porte!

La Bulgarie a dû beaucoup lutter pour obtenir son identité comme nation. Le seul fait est qu’en 1823, plus ou moins 200’000 Russes sont morts pour reprendre le pays de la main des Turcs. Pensez un peu ce que cela signifie 200’000… tant de luttes et de sang pour l’indépendance. La Macédoine avait l’identité et maintenant elle s’est constitué en nation malgré tous ces problèmes que nous connaissons au sujet de son nom, etc.

Tous les deux sont des communautés chrétiennes orthodoxes et catholiques avec aussi des musulmans. Le pourcentage des orthodoxes est le plus fort dans ces deux pays. Les musulmans sont moins et les catholiques sont les moins nombreux. Une chose que j’ai vue dans ces nations, ce sont les bons rapports entre les différentes fois. En Bulgarie, nous l’avons vu lors de la prière pour la paix. Ça a été quelque chose de normal pour les Bulgares, parce qu’ils ont tous de bons rapports, chacun a le droit d’exprimer sa propre religion et bénéficie du droit d’être respecté, cela m’a frappé fortement.

Puis le patriarche Néophyte est un grand homme de Dieu, cela m’a édifié. En Macédoine, une phrase du président m’a marqué: ici il n’y a pas besoin de tolérance des religions, il y a le respect, on se respecte. Dans notre monde d’aujourd’hui, le respect manque énormément, par exemple le respect des droits humains, de tant de choses, des enfants, des anciens.

Sur le voyage

J’ai été touché par deux expériences durant ce voyage, qui m’ont beaucoup consolé. Avec les pauvres en Macédoine, au mémorial de Mère Teresa. Voir la gentillesse des sœurs, elles soignaient les pauvres sans paternalisme. Une douceur! Avec la capacité de caresser les pauvres. La tendresse de ces soeurs. Aujourd’hui nous nous sommes habitués à nous insulter, les politiques, les voisins entre eux, mais aussi dans les familles. Je ne sais pas si il y a une culture de l’insulte. Mais l’insulte est une arme à la main, tout comme la calomnie. Voir ces sœurs qui prenaient soin d’une personne comme si c’était Jésus. A un jeune, brave, la supérieure a dit: il est gentil, mais il boit trop. Elle a dit cela avec la tendresse d’une mère. Elle m’a fait sentir l’Eglise mère. Je l’ai senti là. Je remercie la Macédoine d’avoir ce trésor.

Une autre expérience: la première communion. J’ai été ému parce que ma mémoire est retournée un 8 octobre 1944, lors de ma première communion, quand nous entrions dans l’église en chantant. J’ai vu ces enfants qui s’ouvrent à la vie avec une décision sacramentelle. L’Eglise protège les enfants, ils doivent grandir, ce sont le futur, de l’Eglise et de la Bulgarie. (cath.ch/imedia/ah/be)

Jacques Berset

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