L'Eglise d'Algérie aujourd'hui: au service du peuple algérien, dans la discrétion

«Nous ne sommes aujourd’hui en Algérie que quelques milliers de catholiques, au milieu de 42 millions d’Algériens musulmans. Nous devons avant tout être au service des Algériens et de ceux qui sont venus pour étudier et travailler avec eux», confie à cath.ch Mgr Henri Teissier.

L’évêque franco-algérien était présent à Fribourg, où il a collaboré à la mise sur pied des Journées d’étude sur «Mgr Léon-Etienne Duval face aux conflits», organisées par la chaire d’histoire de l’Eglise, avec le professeur dominicain Paul-Bernard Hodel et son assistant Pascal Ortelli. Mgr Duval, né en 1903 à Chênex, en Haute-Savoie, et mort le 30 mai 1996 à Alger, a été archevêque d’Alger de 1954 à 1988.

L’Eglise a la confiance des Algériens

«Nombre d’Algériens viennent nous rencontrer: des centaines se rendent à la basilique Notre-Dame d’Afrique, à Alger, des cars entiers de musulmans vont visiter le monastère de Tibhirine, qui est un lieu de rencontre et de présence fraternelle en milieu musulman, assure l’archevêque émérite d’Alger. Beaucoup nous approchent, parce qu’ils ont confiance en nous. Mais pour l’Eglise algérienne, le temps des conversions de masse est depuis longtemps terminé!».

«L’histoire de l’Eglise algérienne durant la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, l’engagement de Mgr Léon-Etienne Duval, nommé

archevêque d’Alger en 1954, année du déclenchement de la révolution, sa préoccupation face à la misère d’une grande majorité de la population musulmane, puis sa dénonciation dès le mois de janvier 1955 de la torture et des exécutions sommaires ont montré aux Algériens que l’Eglise était crédible, sincère, poursuit-il. Certains viennent nous voir aujourd’hui aussi parce qu’ils sont déçus de ce qu’est devenu leur société… «

Refus du prosélytisme

Né en 1929 à Lyon, évêque d’Oran de 1972 à 1980, évêque coadjuteur d’Alger et archevêque d’Alger de 1988 à 2008, Mgr Teissier, ordonné prêtre pour le diocèse d’Alger en 1955, au début de la guerre d’Alégrie, est envoyé en Egypte par Mgr Duval pour  apprendre l’arabe à l’Institut dominicain du Caire. Il a obtenu la nationalité algérienne, tout comme le cardinal Duval, un vingtaine de prêtres et une trentaine de soeurs clarisses. Ces dernières ont quitté le pays en 1995, quand la guerre civile faisait rage et après une vague d’assassinats de religieux et de religieuses par les islamistes armés.

«Notre présence est marquée par la discrétion et le refus du prosélytisme. Il s’agit de vivre avec la population et à son service, dans le respect de sa culture et de la religion musulmane», précise l’archevêque émérite, qui fêtera ses 90 ans le 21 juillet prochain.

L’Eglise catholique algérienne – dont la majorité des paroissiens aux quatre coins du pays viennent d’Afrique subsaharienne – entretient des relations oecuméniques avec les Eglises historiques – réformés, luthériens, anglicans, coptes, etc. – et accueille dans la discrétion quelques néophytes algériens qui désirent connaître le Christ.

Les évangéliques dans le collimateur des autorités

La situation est par contre plus délicate avec certains courants évangéliques qui font du prosélytisme, principalement en milieu kabyle. Ceux-là sont dans le collimateur des autorités.  Ils ont souvent connu le christianisme par la télévision ou par le passage de pasteurs itinérants venus de l’étranger.

Les évangéliques – qui ont de grandes difficultés à trouver des lieux de culte, les autorités leur refusant le permis de construire – seraient plusieurs dizaines de milliers et se réclament de leurs origines berbères. Certains d’entre eux se convertissent uniquement pour obtenir un visa pour l’Europe ou l’Amérique, confie, sous le sceau de l’anonymat, une participante algérienne au colloque. JB


Le diocèse d’Alger

Le diocèse d’Alger comprend actuellement cinquante prêtres et religieux, 75 religieuses et quelques milliers de chrétiens avec à leur tête un jésuite, Mgr Paul Desfarges, de nationalité franco-algérienne, archevêque depuis le 24 décembre 2016. Le diocèse met en œuvre des relations de service et de respect réciproque avec la société algérienne, notamment à travers des formations pour les jeunes filles rurales, des centres pour handicapés, des bibliothèques pour étudiants ou lycéens.

18 martyrs durant la «décennie noire»

Le diocèse a compté 18 victimes parmi les religieux et les religieuses pendant la crise algérienne, que l’on appelle communément la «décennie noire» ou les «années de braise» (1992-2002), qui a fait, selon les sources, jusqu’à 150’000 morts.

Autour d’un petit noyau de chrétiens algériens, la communauté est de plus en plus internationale, en particulier à travers la présence dans le seul diocèse d’Alger d’un groupe de plusieurs centaines d’étudiants africains chrétiens venant de plus d’une vingtaine de pays du sud du Sahara. Une quarantaine de livres ont été publiés depuis 1995 pour présenter la vie des chrétiens d’Algérie soulignant particulièrement la signification des relations de service et d’amitié vécues avec la population musulmane. Notre Dame d’Afrique reste le trait d’union populaire pour tous avec sa devise: Notre Dame d’Afrique, priez pour nous et pour les musulmans!

Le diocèse d’Oran

Le diocèse d’Oran, dirigé actuellement par le dominicain stéphanois Jean Paul Vesco, franco-algérien, a été créé au temps de la colonisation française en 1866, avec celui de Constantine, en démembrant l’unique diocèse d’Alger, érigé en 1838.

En 1962, après le départ massif des Européens, à l’indépendance de l’Algérie, l’Eglise d’Oranie, comme de toute l’Algérie, a travaillé à l’édification du pays en mettant ses compétences et ses institutions scolaires, sociales et médicales au service des Algériens devenus indépendants. La nationalisation des secteurs de l’éducation et de la santé dans les années 1975-76 a encore changé le visage de l’Eglise qui a remis toutes ses institutions à l’Etat algérien. Puis elle a partagé avec le peuple algérien l’épreuve des «années noires» du terrorisme: son évêque, le dominicain Pierre Claverie, a été assassiné le 1er août 1996, avec son chauffeur et ami musulman Mohamed Bouchikhi.

Cette Eglise aujourd’hui est petite par le nombre de ses fidèles et sa dizaine de prêtres. Elle est cependant très jeune et très internationale: des étudiants et des migrants de tout le continent africain, quelques communautés de religieuses venues de quatre continents, quelques travailleurs expatriés et quelques rares Algériens. Elle a aussi une dimension très œcuménique, car elle rassemble protestants et catholiques pour le culte.

Le diocèse de Constantine

Le diocèse de Constantine – l’évêque réside dans cette ville, plus grande ville de l’Est de l’Algérie – porte également le nom d’Hippone, puis que se trouve dans ce diocèse l’antique Hippone –aujourd’hui Annaba – dont saint Augustin fut évêque au 5ème siècle. Evêque de Constantine depuis 2009, Mgr Paul Desfarges a été nommé archevêque d’Alger le 24 décembre 2016 et a été remplacé par le Père Jean-Marie Jehl, curé de Batna, élu administrateur dans l’attente de la nomination d’un nouvel évêque. Des catholiques vivent dans toute la région, avec des lieux de culte et communautés à Constantine, Annaba, Bejaia, Sétif, Batna, Tébessa et Skikda.

 

Le nombre de chrétiens est de 2 à 300 fidèles, dont la plupart sont des étrangers même s’ils sont là depuis longtemps. Le diocèse compte 19 prêtres, 37 religieuses et de quelques laïcs vivant dans le pays depuis longtemps, dont certains depuis leur naissance. Les laïcs les plus nombreux sont des étudiants d’Afrique subsaharienne. Ils partagent, sur les campus universitaires, la vie de leurs camarades algériens.

Ces communautés vivent en solidarité avec la population locale par l’habitat, le travail ou la participation à l’une ou l’autre association de promotion féminine, d’aide aux handicapés… à Constantine, une petite bibliothèque accueille des étudiants, principalement en anglais et en sciences islamiques. A Annaba, les Petites Sœurs des Pauvres tiennent une maison pour personnes âgées. Située sur la colline d’Hippone, cette maison jouxte la basilique Saint Augustin, récemment restaurée. Celle-ci reçoit 15’000 visiteurs par an, depuis des écoliers jusqu’à des participants de colloques internationaux.

Le diocèse de Laghouat-Ghardaïa

Le diocèse de Laghouat-Ghardaïa, dirigé par un Père blanc d’origine britannique, Mgr John MacWilliam, compte quelque 2’000 catholiques, 0,02% de la population, avec 18 prêtres, 33 religieuses et 23 religieux non prêtres. Il s’étend sur une superficie de plus de deux millions de km². Il recouvre la partie Sud de l’Algérie, dans le Sahara. Le territoire n’est pas vide, car dans les oasis et villes qui le composent (Djelfa, Laghouat, Ghardaïa, Ouargla, Bechar, Tamanrasset)  vivent quelque 4,2 millions d’habitants, soit 10% de la population algérienne pour 90 % du territoire national.

La petite communauté catholique oeuvre dans un milieu entièrement musulman, et les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs actifs dans le diocèse sont tous engagés dans la pastorale de la rencontre avec leurs frères et sœurs musulmans. La communauté chrétienne est surtout formée par les migrants sub-sahariens et les employés des sociétés pétrolières. L’Eglise de Laghouat a été le lieu de naissance de la famille spirituelle de Charles de Foucauld. En effet celui-ci a vécu 15 ans dans le sud algérien avant d’y mourir le 1er décembre 1916. Son tombeau se trouve à El-Meniaa (ancienne El-Golea). Les traces de sa vie à Tamanrasset font du diocèse un lieu touristique pour les uns et de pèlerinage pour les autres. (cath.ch/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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