Face aux abus, les Frères de Saint-Jean de Genève amorcent une réforme de fond

Trois des six frères du prieuré de Genève ont pris part au chapitre général des Frères de Saint Jean qui s’est achevé le 10 mai 2019. «Nous ne sommes plus dans une phase de sidération suite aux révélations d’abus sexuels concernant notre fondateur le Père Marie-Dominique Philippe et de nombreux membres de la communauté», a expliqué à cath.ch Frère Jean-Marie Crespin, curé de la paroisse St-François de Sales, à Genève.

Le Frère Jean Marie estime lui-même avoir passé la phase de deuil pour ouvrir désormais la page des réformes. Le message du chapitre général est le fruit de la discussion des 52 frères venus du monde entier. Pour ceux qui n’étaient pas dans le gouvernement de la congrégation, ni dans la commission SOS-abus, le choc de la révélation des turpitudes du fondateur et de nombreux confrères a été dur. Il a provoqué sidération, colère et incompréhension. «Aujourd’hui, je ne peux pas affirmer que tout le monde est pacifié sur cette question. Mais nous devons affronter le problème en face.»

Une dimension systémique

Le Frère Jean-Marie l’a fait dans sa paroisse St-François de Sales, à Genève. Immédiatement après la diffusion du reportage télévisé sur les religieuses abusées, il est intervenu en chaire lors des messes dominicales pour condamner les déviances du Père Philippe. «Dans l’assemblée un couple m’a interpellé pour me reprocher d’oser l’attaquer ainsi.»

Il faut dire que la communauté de Genève a été elle-même touchée par des révélations d’abus. «Je ne peux pas m’exprimer d’avantage puisque la justice a tranché sur un vice de forme, mais cela démontre bien qu’une culture de l’abus existait au sein de la congrégation. L’abus n’est d’ailleurs pas seulement sexuel, il commence par l’abus spirituel et d’autorité. Il y a aussi abus lorsqu’une personne sert d’autorité et d’unique référence dans tous les domaines, notamment philosophique et théologique. Oui, ce phénomène a une dimension systémique.»

Nettoyer le fond culturel

Membre depuis 35 ans de la congrégation, Frère Jean-Marie explique néanmoins ne jamais s’être senti en position de subordination face au Père Philippe. «Mais j’ai eu la chance de faire des études universitaires et de développer mon esprit critique. Ce qui n’est pas le cas de tous dans la communauté.»

Pour lui, l’étape suivante consiste à nettoyer ce fond culturel. «Nous avons amorcé le processus, mais cela ne sera pas simple. Il y a la partie consciente, mais aussi une part inconsciente. Pour cela, nous aurons besoin de l’aide de personnes extérieures. Cela a déjà été le cas lors du chapitre qui poursuivra ce travail au cours d’une deuxième session en octobre.»

«Au sein du prieuré de Genève, la discussion est facilitée, parce que trois d’entre nous ont participé à ce chapitre général et que moi-même je viens de terminer mon mandat au sein du Conseil du Prieur général. Par conséquent, nous sommes déjà en route depuis un certain temps.» (cath.ch/mp)

Maurice Page

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