Esprit créateur

Les chrétiens sont des créateurs. Disons plutôt: ils devraient l’être. ‘Viens Esprit créateur’, l’appel de Pentecôte ne veut pas dire que nous devons nous accrocher à ce qui est, nous contenter d’une piété intérieure, mais que nous devons nous ouvrir à ce qui pourrait être, dans tous les domaines de la vie et du monde.

Essayons de donner quelques clefs de cet esprit de créativité typique d’un christianisme vivant.

Les chrétiens sont appelés à faire preuve de créativité artistique. Je commence à dessein par cet aspect-là, que l’on a tendance à mentionner en fin de parcours. Trop souvent, nous avons laissé la créativité à l’anarchisme, à l’athéisme, à un expressionnisme déconnecté de la chair, de la grâce, de l’Esprit. Peut-être, la contribution chrétienne à l’art pourrait-elle prendre la forme d’une révolution esthétique, d’un profond renouvellement, qui ne se passe pas seulement dans le domaine des icônes ou des vitraux, mais dans celui de l’art profane lui-même? Je ne parle pas ici d’un art chrétien ou sacré, mais d’une subversion de l’art, du dedans.

La créativité chrétienne est aussi à l’œuvre dans le domaine social et économique. Les chrétiens ne sont pas juste des «followers», qui disent «j’aime» à tout bout de champ, ou des «Neinsager» prophétiques. Ce sont d’abord des innovateurs, qui proposent des changements dans la manière d’organiser et d’orienter la société, qui donnent des exemples de nouvelles formes de partage et de responsabilité dans le domaine économique.

«La passion actuelle pour le climat a quelque chose de dramatique»

Et si les chrétiens faisaient preuve d’une même créativité dans le champ politique? Au lieu de ressasser les dogmes partisans ou de se replier sur les contreforts étroits d’une foi sans épaisseur, ne pourraient-ils insuffler dans la vie politique un souffle nouveau, fait de liberté, d’audace et de solidarité? De nos jours, la politique est devenue ennuyeuse à force de juridisme ou de technocratie, ou alors elle succombe à un pathos nationaliste ou à l’inverse cosmopolitique dénué de tout sens de l’incarnation. La politique est faite par les hommes et par les femmes, pour les humains eux-mêmes.

La passion actuelle pour le climat a quelque chose de dramatique et même d’un peu pathétique. Les analyses climatologiques semblent nourrir chez de nombreuses personnes un catastrophisme sans rémission. Il ne nous reste que deux types de réponse possibles: ou bien nous nous mobilisons comme un seul homme pour sauver nous-mêmes la planète, ou bien nous sombrons dans le pessimisme le plus délétère. Denis de Rougemont nous a appris à vivre dans l’esprit d’un pessimisme actif. Si l’avenir est notre affaire, il ne dépend pas pour autant de notre simple volonté et de notre seule action. L›avenir nous concerne, en tant qu’il est à la fois terriblement certain et heureusement encore ouvert. C’est ici que s’insère l’esprit de création, l’engagement minutieux et fidèle, sans titanisme. Nous savons que nous sommes mortels et que ce monde–ci n’est pas destiné à durer éternellement. De cette manière seulement nous trouverons le sens de la création et notre vocation de créateurs. Nous nous renouvellerons alors aussi nous-mêmes, par une recréation psychique et par un développement personnel à la hauteur des défis écrasants du temps présent.

Denis Müller

22 mai 2019

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