L’Eglise doit parler de l’existence de l’âme, demande la généticienne Alexandra Henrion-Caude

«Si l’Eglise exprime haut et fort l’existence de l’âme dès le commencement de la vie, à sa conception, alors sa position s’éclaire pour tous», estime Alexandra Henrion-Caude, directrice de recherche à l’INSERM, l’Institut français de la santé et de la recherche médicale.

Cette généticienne de l’INSERM, membre de l’Association des Scientifiques Chrétiens, est intervenue au colloque Yes to life! (Oui à la vie !, en anglais), organisé du 23 au 25 mai 2019 aux abords du Vatican. Elle a répondu à l’agence I.Media.

Concernant le commencement de la vie, comment science et foi peuvent-elles collaborer ?

Pour la science, la vie commence dès la cellule-œuf, c’est-à-dire dès la première cellule d’un être vivant, formée de la fusion des deux gamètes des parents. Cette cellule – le zygote – contient déjà tout le patrimoine génétique propre, unique, exclusif, irremplaçable du nouvel individu. La réalité à la fois biologique et humaine du zygote est donc indiscutable et incontournable.

La vérité scientifique, qui est en soi une participation à la Vérité divine, vient donc nourrir l’anthropologie chrétienne: pour qui croit en l’âme, celle-ci est donc présente dès le début. C’est la grande affirmation que doit proclamer la foi, et en particulier la foi catholique. Le mystère de l’Annonciation permet notamment de comprendre cela: comment imaginer que Marie ait d’abord reçu un embryon puis l’Esprit du Christ ? Non ! Elle a porté tout le Christ en elle après la visite de l’ange. Un Christ fait chair sans intervalle de temps dans l’assomption des constitutifs de sa condition humaine.

En apportant sa connaissance de la nature humaine du zygote, la science peut donc affermir la foi à professer «qu’âme et corps Il nous créa».

Quelle doit donc être l’approche de l’Eglise catholique ?

Si elle veut vraiment être audible, l’Eglise doit nous parler avec force de l’existence de l’âme. L’âme seule permet de comprendre véritablement les positions de l’Eglise sur les possibilités actuelles, qui traitent l’embryon comme un amas de cellules et non plus comme l’individu qu’il est pourtant. C’est de cette déconsidération de son humanité, que nos sociétés tirent la justification à toutes les formes d’externalisation de la prise en charge du tout petit embryon, et le privent de sa filiation naturelle.

Si l’Eglise exprime haut et fort l’existence de l’âme dès le commencement de la vie, à sa conception, alors sa position s’éclaire pour tous, et ne peut donc plus être vue comme un refus du progrès, mais bien comme la protection de cette âme. Sinon, pourquoi refuser les possibilités en cours et à venir ?

C’est d’autant plus nécessaire que les méthodes de PMA impliquent la destruction et la congélation de plusieurs embryons à chaque projet parental. Depuis 1978, huit millions de personnes sont nées par fécondation in vitro (FIV). Et le recours à la FIV explose: selon les estimations, la FIV devrait représenter entre 1,5% et 3,5% des naissances dans le monde à l’horizon 2100. Cela implique donc la mort ou le sursis de mort par congélation d’embryons – autant de personnes, corps et âme.

Par ailleurs, la revendication de l’existence de l’âme n’a rien de particulièrement catholique: elle se retrouve déjà chez les philosophes grecs. Plus loin encore, cette revendication de l’âme explique la quête de Dieu dans toutes les sociétés humaines, y compris préhistoriques.

Outre par des discours, comment l’Eglise peut-elle revendiquer l’existence de l’âme ?

Un premier geste à faire, très important, est de prendre soin de l’âme des enfants non-nés, non-baptisés, c’est-à-dire de leur vie éternelle. Puisqu’ils ne sont pas baptisés, l’Eglise se doit de célébrer l’eucharistie pour eux, et de prier. L’idée est venue au Père Soubias, en 2015 au cours d’un pèlerinage en Terre Sainte, à Bethléem: avec lui et d’autres prêtres, nous avons créé à plusieurs endroits dans le monde – notamment en Angleterre, à Maurice et en France, des lieux de mémoire et de consolation pour ces enfants.

A Paris, à Notre-Dame-des-Victoires, à Notre-Dame-de-la-Croix, à Nice, à Sainte-Jeanne d’Arc, à Mougins, à Notre-Dame-de-Vie, ce sont près de 10’000 enfants pour lesquels des messes sont célébrées. Un site internet explique le sens de ces lieux de mémoire et les recense. De plus, prendre soin de ces enfants, c’est aussi prendre soin de leurs familles.

Ce premier geste conduit au second: partager l’humanité de ces enfants non-nés. Là encore, la science peut aider la foi à comprendre que dès la conception, le zygote, comme nous, avons inscrit la mémoire de Dieu, définie par saint Augustin comme le Memoriam Dei. Ainsi, notre génome est imprégné par une mémoire, c’est ce que nous appelons l’épigénétique. Comprendre la vie de ces tout-petits non-nés permet de comprendre la nôtre dans tous ses niveaux, dans sa dignité, sa sacralité et sa transcendance. (cath.ch/imedia/xln/be)

Jacques Berset

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