Le grand art des religieux de Suisse

Avec l’exposition «Départ vers le lointain» (Aufbruch ins Weite), le monastère bénédictin de Mariastein, dans le canton de Soleure, met en lumière l’art issu de la vie consacrée en Suisse. Le visiteur peut admirer, au fil des salles de l’hôtel de l’abbaye, des œuvres de grande qualité.

Mariastein est le principal lieu de pèlerinage du nord-ouest de la Suisse. Il attire de nombreux pèlerins depuis le premier miracle qui s’y produisit, il y a 600 ans. Dans la grotte de la Chapelle des Grâces, ils cherchent auprès de la Vierge force et consolation. Des religieux bénédictins y vivent en communauté depuis 1648.

Au-delà du religieux

Depuis peu, ce lieu idyllique, proche de l’Allemagne et de la France, attire également les amateurs d’art. Des œuvres de douze religieuses et religieux vivant dans divers monastères de Suisse y sont actuellement exposées.

L’équipe autour de Pia Zeugin, curatrice de l’exposition, historienne de l’art et employée par le monastère de Mariastein, a proposé aux religieux le titre «Départ vers le lointain». Une idée qui les a tout de suite enthousiasmés, assure la curatrice. «Se relever, se rassembler et prendre un nouveau départ, autant de thèmes fondamentaux pour les personnes engagées dans la vie religieuse». Des éléments qui vont au-delà du religieux, car ils surviennent également dans le cycle de vie de beaucoup de personnes et sont donc concernants pour le plus grand nombre.

C’est notamment le cas des peintures, pour la plupart abstraites, de Chantal Hug, exposées au Klosterhotel Kreuz. Pour Pia Zeugin, les titres de ces oeuvres, tels que «Préserver la lueur» (Die Glut bewahren), «Vraiment libre» (Wirklich frei) ou encore «Un nouvel an» (Ein neues Jahr), démontrent qu’elles touchent tous les aspects de la vie.

«Départ vers le lointain» parle également d’une manière particulière à Chantal Hug, qui a récemment déménagé, avec ses consoeurs, au couvent de Sarnen (OW), après avoir vécu de longues années à Melchtal (OW).

Quand la technique rencontre la foi

Huit des douze religieuses et religieux exposés ont suivi une formation artistique classique. «Beaucoup d’entre eux étaient déjà artistes avant d’entrer dans les ordres et ont fréquenté des écoles de beaux-arts», commente Pia Zeugin. Pour elle, cette sensibilité associée à une formation théologique, a permis l’éclosion d’un art d’une grande qualité et profondeur.

Le bénédictin Eugen Bollin, de l’Abbaye d’Engelberg (OW), a notamment bénéficié d’une instruction artistique professionnelle. A présent âgé de 80 ans, il a enseigné le dessin au monastère obwaldien dès les années 1970. Ses œuvres d’une grande modernité font la part belle à l’abstraction. Il développe le thème de «Départ vers le lointain» à partir du portait d’une ancienne écolière à laquelle il porte une grande admiration. «Cette femme s’engage courageusement dans l’Eglise. Pour le Frère Eugen, elle symbolise l’élan dont l’Eglise a besoin», commente la curatrice.

Jean-Sébastien Charrière, un autre bénédictin d’Einsiedeln, dont les tableaux grands formats ornent les murs du restaurant de l’hôtel Kreuz, a également achevé des études de beaux-arts. Sa peinture «Ephatta! Ouvre toi» évoque le courant de la Grâce, la Trinité, qui unit le ciel et la terre et les oiseaux qui tendent vers le ciel. «Un artiste intellectuel qui crée à partir de sa foi», souligne Pia Zeugin. Pour l’historienne de l’art, son deuxième tableau, intitulé «Départ vers le lointain» (Aufbruch ins Weite) représente «un élan symbolique vers la liberté».

La dominicaine Caritas Müller a étudié l’art céramique dans une haute école, avant d’entrer au couvent St-Pierre et Paul, à Cazis (GR) en 1961. Son relief en céramique «Projetée dans le feu de la Pentecôte» (Im Pfingstfeuer gesendet), est accroché à l’entrée du réfectoire.

Au bout d’un couloir, à l’arrière de l’hôtel de Mariastein, le visiteur peut admirer les tableaux grand format de Sœur Gielia Degonda. La religieuse d’Ingenbohl (SZ) a elle aussi bénéficié d’une formation artistique avant son entrée au couvent. Pia Zeugin remarque que son art est fortement marqué par un aspect fondamental de la foi: le passage des ténèbres à la lumière, du désespoir à l’espérance. Un concept spectaculairement représenté dans les dégradés de couleurs, en particulier dans le tableau «Alla Clarezia».

Le lointain et l’inattendu

Les deux cisterciennes Ruth Nussbaumer et Luzia Güller du couvent d’Eschenbach (LU) forment dans l’exposition une heureuse association, mariant motifs abstraits et floraux. Toutes deux ont été autorisées à fréquenter l’école de design de Lucerne et travaillent encore aujourd’hui dans l’atelier du monastère.

L’exposition présente également des religieuses et religieux venus à l’art par certains détours. C’est le cas de Beat Pfammater du monastère de Wesemlin (LU), dont les tableaux sont caractérisés par des couleurs très intenses. Le religieux âgé aujourd’hui de 52 ans était déjà actif en tant qu’artiste alors qu’il n’était encore que portier au monastère capucin de Brigue-Glis (VS).

Marianne Borer, du couvent de Baldegg (AG), est spécialisée dans les fleurs. La franciscaine a commencé à peindre à l’aquarelle à l’âge de 71 ans. Sous le titre «Les saisons»(Die Jahreszeiten), ces peintures petit format développent des thèmes printaniers. Pour l’artiste, «le cycle de la nature symbolise aussi la mort et la résurrection», explique Pia Zeugin. Aujourd’hui âgée de 91 ans, elle continue de peindre.

L’exposition donne ainsi toujours l’occasion de partir dans le lointain, et dans l’inattendu.

L’exposition «Départ vers le lointain» (Aufbruch ins Weite) est encore visible jusqu’au 31 octobre 2019. (cath.ch/kath/vr/rz)

Raphaël Zbinden

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