Les sanctions de l'UE contre de la Syrie sont «inacceptables», estime Mgr Gollnisch

Les sanctions économiques prises par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie sont «inacceptables» et «contre-productives», affirme Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient à Paris.

Mgr Pascal Gollnisch s’exprimait en marge de la 92e assemblée plénière de la Réunion des associations catholiques d’aide aux chrétiens d’Orient (ROACO) à Rome. Dans une interview accordée à l’agence I.Media, à Rome, le directeur général de l’Œuvre d’Orient déplore les sanctions économiques de l’UE «qui font grandement souffrir une population déjà meurtrie par neuf ans de guerre».

Le pape s’est réjoui de la «voix d’espérance et de consolation» qu’apportent les associations de la ROACO. Quelles sont les décisions prises lors de cette 92e assemblée plénière ?

PG: Nous n’avons pas nécessairement pour but de prendre des décisions, mais parfois cela nous permet des prises de conscience. Je peux en relever deux. En Syrie, l’Union européenne a pris des sanctions économiques. Elles font grandement souffrir une population déjà meurtrie par neuf ans de guerre, comptant plus de 300’000 morts et un million de blessés. On est en train de faire souffrir la population syrienne pour parvenir à des démarches politiciennes qu’on n’a pu obtenir ni par la diplomatie ni par l’intervention militaire.

De telles sanctions économiques sont inacceptables. Elles resserrent en outre la population derrière le président Assad, lui permettant de nourrir un discours anti-occidental. De plus, elles font davantage dépendre la Syrie de l’Iran, seul pays par lequel un certain nombre de denrées peuvent circuler. C’est complétement contre-productif.

Etre aux côtés de la population, pas la sanctionner

Beaucoup de nos agences sont prêtes à demander à leur pays respectifs de repenser la question de ces sanctions. Notre démarche est d’être aux côtés de la population, pas de la sanctionner.

Une deuxième prise de conscience est celle des pratiques financières des Eglises orientales. Ces dernières sont très diverses quant à leurs finances. Dans un même lieu, il peut y avoir des diocèses riches et d’autres pauvres. Donc, le soutien que nous pouvons apporter de la part des chrétiens d’Occident suppose aussi plus d’information, plus de clarté et une pratique financière plus rigoureuse sur la destination des fonds. Cette rigueur, largement répandue en Europe, doit aussi se pratiquer dans les Eglises orientales, car nous sommes contrôlés et nous devons rendre compte de la destination des fonds.

Comment comprenez-vous le coup de sang du pape François lorsqu’il dit que «la colère de Dieu éclatera contre les responsables de pays qui parlent de paix et vendent les armes pour faire des guerres»?

Le pape est dans son rôle pour lutter contre les marchands d’armes. Cela ne date pas d’hier, on pourrait rappeler les déclarations des précédents pontifes à ce sujet. Cela s’inscrit dans une longue tradition. Ce serait bien que ces appels soient entendus. Ce ne sont pas simplement des doux rêves. Il est cependant difficile d’évaluer exactement pour le conflit syrien de savoir qui fournit les armes et quoi comme armes. Il y a beaucoup de rumeurs qui circulent et les évaluations précises sont difficiles. Quels sont les pays qui ont donné des armes à qui et à quel camp, rebelles ou camp du président Assad ? Il y a aussi le conflit au Yémen avec le problème d’armes qui servent à alimenter ce conflit.

C’est extrêmement difficile car il faudrait un consensus international pour renoncer aux ventes d’armes. Le problème politique est compliqué, l’évaluation des faits concrets sur le terrain est compliquée, et il faut vérifier de quoi on parle concrètement. Je souhaiterais qu’il y ait un comité d’enquête pour savoir dans cette région qui donne quelles armes à qui. Il faudrait avoir des moyens d’investigation. Personne ne le maîtrise trafic des armes légères, certaines sont venues de Libye d’autres d’ex-Yougoslavie.

Syrie, Yémen, Ukraine, Crimée

La France affirme ne pas donner d’armes létales aux rebelles. J’entends. Je rappelle que les armes légères ne sont plus fabriquées en France. Ceux qui veulent pointer du doigt la France sur ce sujet feraient bien de constater qu’il n’y a plus de manufacture d’armes légères dans ce pays. Pour équiper l’armée française, on est obligé de faire des appels d’offre internationaux.

Le pape a aussi montré sa vive inquiétude pour l’Ukraine, dont on ne parle plus forcément autant…

On ne peut pas oublier la situation en Crimée qui est quand même sous le statut d’une occupation étrangère avec des prêtres gréco-catholiques qui ont été chassés de leurs églises. La guerre civile a fait de nombreuses victimes, dont on parle peu malgré les dégâts. Et on ne voit pas tellement d’issue pour le moment à cette guerre. On a quand même le sentiment que ce qui pouvait aider à la dépasser – notamment les relations entre la Russie et le ‘groupe Normandie’ (Grande-Bretagne, Allemagne et France) – semble au point mort.

Ce pays est également divisé sur le plan œcuménique avec les orthodoxes proches du Patriarcat de Moscou et les orthodoxes indépendants de Constantinople. Tout cela ne va pas dans le sens d’une paix intérieure. La situation économique est aussi difficile. On attend de voir ce que va donner le nouveau président qui vient d’être élu et le nouveau Parlement. Pour le moment, on est dans une certaine incertitude en ce qui concerne l’avenir. PAD


Le pape François en Irak: un soutien pour la paix

«Cette déclaration nous a beaucoup surpris, même si nous savons que cela fait longtemps que le pape François en a exprimé le désir. Il y a quelques mois, le cardinal Pietro Parolin était allé en Irak, ainsi que le cardinal Sandri, avec des membres de la ROACO. Est-ce que c’est dans l’enthousiasme de la rencontre ou est-ce vraiment un plan précis qui se dessine ? Cette annonce a en tout cas le mérite d’être publique. Si on regarde bien, le pape s’est déjà rendu dans un certain nombre de pays du Proche-Orient. Il est en outre allé en Bulgarie, en Macédoine du Nord, en Roumanie, des pays qui participent à l’Orient chrétien. Cela prouve l’intérêt du pape pour les chrétiens d’Orient. Souvent, lors des rencontres que nous avons avec la ROACO, le pape exprime sa peine de voir les souffrances de ces pays et en particulier celle des chrétiens.

Si ce voyage est rendu possible, ce sera pour les chrétiens locaux un renforcement du sens de leur présence dans leur propre pays. Ce sera aussi certainement un soutien pour tout ce qui va dans le sens de la paix, d’une politique inclusive permettant à tout le monde de coexister. Il s’agit d’un enjeu tant pour la communauté chrétienne que pour l’ensemble du pays. L’intérêt de la communauté chrétienne est que l’ensemble de l’Irak progresse. L’avenir pour les chrétiens n’a de sens que dans une progression de l’ensemble de l’Irak. Par ailleurs, s’il n’y a plus de situation de guerre depuis que ‘Daech’ a été chassé de Mossoul, il reste cependant d’importantes situations de tension. Un voyage du pape peut ainsi aider le pays à affirmer son indépendance au profit d’une politique inclusive, seule voie de futur pour l’Irak». (cath.ch/imedia/pad/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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