Le synode sur l’Amazonie devrait étudier la question des viri probati        

Le synode sur l’Amazonie, qui se tiendra à Rome en octobre 2019, devrait étudier la question des viri probati, à savoir l’ordination d’hommes mariés d’un certain âge «ayant fait leurs preuves» au plan humain et pastoral.

Afin de passer en Amazonie d’une «pastorale de la visite» à une «pastorale de la présence», il faut étudier la question des viri probati et des ministères qui peuvent être confiés aux femmes, affirme l’Instrumentum laboris (le document de travail) du synode sur l’Amazonie. Dévoilé le 17 juin 2019, ce document de trois parties et 147 paragraphes guidera les travaux des Pères synodaux réunis au Vatican du 7 au 28 octobre.

L’évangélisation en Amérique latine, estime l’Instrumentum laboris, a constitué un «don de la Providence». En effet, en dépit de l’avidité de certains colonisateurs, l’élan missionnaire a favorisé la formation de communautés chrétiennes. En outre ceux-ci ont permis la création de lois protégeant les peuples autochtones de certains abus. Toutefois, une «connivence» entre l’annonce de l’Evangile et les puissances opprimantes a souvent existé et ainsi a «obscurci» la Bonne Nouvelle (n.6). Avec ce synode, l’Eglise a l’opportunité historique de se différencier clairement des nouvelles puissances colonisatrices et d’ouvrir de nouveaux chemins pour présenter le Christ (n.7).

Refus d’une «tradition coloniale monoculturelle et cléricale»

Pour cela, l’Eglise doit être «inculturée et interculturelle» (n.107) afin d’avoir un «visage amazonien» (n.109). Pour cela, il faut abandonner une «tradition coloniale monoculturelle, cléricale et imposante» pour parvenir à une Eglise «polyèdre» (n.110). En effet, si certains missionnaires ont laissé une trace profonde (n.116) dans le cœur des indigènes, une «blessure ouverte» due à la cruauté du passé subsiste, ainsi qu’une mentalité coloniale et patriarcale. Cela exige donc un processus de «conversion et réconciliation» (n.117), en dépassant les «positions rigides» (n.119).

Ordination d’anciens, de préférence indigènes

Selon le document de travail du synode, il est donc nécessaire de passer d’une «pastorale de la visite» à une «pastorale de la présence» (n.128). Ainsi, si le célibat des prêtres est un don pour l’Eglise, il est demandé que soit étudiée «la possibilité d’ordination d’anciens, de préférence indigènes, respectés et acceptés par leur communauté, même s’ils ont déjà une famille constituée et stable». C’est donc la question des viri probati que ce document demande de considérer lors de l’assemblée synodale d’octobre prochain.

Il est également demandé d’étudier le type de ministère officiel qui pourrait être confié aux femmes. Leur voix doit être écoutée et leur leadership garanti, par exemple dans le domaine de la formation: théologie, catéchisme, liturgie et école de foi et de politique. Plus largement, le protagonisme des laïcs doit être valorisé et ceux-ci doivent être formés pour être des animateurs de communauté crédibles et coresponsables (n.129).

Réorganiser le pouvoir dans l’Eglise

Le document demande ainsi de se pencher sur l’organisation du pouvoir au sein de l’Eglise. En particulier, est interrogé le fait que la juridiction sacramentelle, judiciaire et administrative soit toujours liée au sacrement de l’ordre (n.128).

De même, l’Instrumentum laboris propose que les rites et symboles liturgiques des indigènes soient incorporés dans la liturgie catholique. Ainsi, les célébrations doivent être festives, avec les chants, danses et habits typiques de ces populations. Le rite eucharistique par exemple pourrait être adapté à ces cultures.

Dénoncer la théologie de la prospérité

En ce sens, les sacrements doivent être accessibles à tous, en dépassant toute rigidité qui exclut. Cela suppose notamment que soient changés les critères de sélection et de préparation des ministres autorisés à célébrer l’eucharistie (n.126). Il est également demandé que les homélies s’adaptent aux indigènes et qu’ouvrent de nouvelles radios ecclésiales promouvant ces cultures indigènes (n.123).

Les Amazoniens, rappelle par ailleurs le document, ne vivent pas seulement en zones rurales mais aussi dans des zones urbaines où ils sont de plus en plus nombreux à émigrer. Là aussi, une meilleure organisation pastorale est nécessaire, ce qui demande notamment de se demander si la structure paroissiale est la plus adaptée (n.134).

Une pastorale spécifique pour les indigènes serait plutôt nécessaire dans ces villes (n.135), d’autant que ceux-ci sont attirés par la croissance rapide des Eglises pentecôtistes (n.133), notamment due au manque de prêtres (n.138). A propos du dialogue œcuménique, le document dénonce tant la «théologie de la prospérité» que les tendances fatalistes de certaines communautés chrétiennes (n.137).

«Non-retour» environnemental

Avant ces pistes concrètes, l’Instrumentum laboris dresse un état des lieux de l’histoire de l’Amazonie et de sa situation actuelle. La première partie rappelle ainsi l’étendue du territoire – 7,8 millions de km2 sur huit pays – (n.10). Source de richesse pour toute la planète, cette région est en pourtant menacée à la fois sur le plan environnemental et sur le plan humain par la violation des droits des peuples autochtones, estime le document.

Consultés, ces peuples dénoncent également un point de non-retour environnemental, avec une déforestation d’entre 15 et 20 % de l’Amazonie. Après l’Arctique, cette région est de plus la deuxième région la plus vulnérable en termes de changement climatique pour des raisons anthropiques, note le document (n.20).

Nécessité d’une «conversion écologique complète»

La seconde partie du document de travail dresse la liste des graves problèmes causés par les attentats contre la vie sur le territoire de l’Amazonie. La situation actuelle appelle de toute urgence une «conversion écologique complète» (n.44). Pétrole, gaz, bois, ou encore or attirent les intérêts de différents acteurs guidés par un modèle économique basé sur la consommation et la maximisation du profit (n.50).

Ces derniers font de cette région des «territoires volés» (n.45) et participent à engendrer d’autres maux tels que le trafic de drogue et différentes activités illégales liées au modèle de développement de l’extraction (n.59).

Mettre en œuvre une écologie intégrale

Face à cela, comment sauver ce territoire ?, interroge le document (n.56). Ce dernier prône l’écologie intégrale (n.47): mettre en relation les êtres humains, la Création et Dieu. «Un aspect fondamental de la racine du péché de l’être humain réside dans le fait de se détacher de la nature et ne pas la reconnaître comme une partie de soi, l’exploiter sans limites, rompant ainsi l’alliance originelle avec la création et avec Dieu», explique ainsi l’Instrumentum laboris (n.99).

L’Eglise entend donc assumer sa mission en proposant des lignes d’actions institutionnelles, en concevant des programmes de formation pour ses agents pastoraux et ses fidèles mais également en dénonçant la violation des droits de l’homme et la destruction par extraction (n.56).

De plus, afin de prendre soin de l’Amazonie, les communautés indigènes devraient être considérées comme des «interlocuteurs indispensables», car c’est précisément elles qui s’occupent le mieux de leurs territoires (n.49). Les populations locales sont pourtant touchées par le phénomène migratoire, explique par ailleurs le document qui regrette que cette réalité soit trop peu analysée d’un point de vue pastoral (n.63). Ce phénomène peut notamment déstabiliser les familles (n.67) – hier victimes de colonialisme, et aujourd’hui de néo-colonialisme (n.76) – en privant les jeunes de la figure d’un père parti à la recherche d’un travail (n.67). (cath.ch/imedia/cg/pad/xln/be)

Jacques Berset

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