Shafique Keshavjee en appelle à la résistance face à un islam conquérant

«On ne peut le nier: il y a une longue histoire de mépris des musulmans envers les juifs, les chrétiens et les polythéistes, et cela a fait – et continue de faire – de gros dégâts dans le monde!» Le théologien et écrivain vaudois Shafique Keshavjee, qui a été vivement épinglé suite à la parution de «L’islam conquérant», son dernier ouvrage, est pourtant tout en nuances.

Le spécialiste met bien le curseur entre les courants de l’islam, qui sont très diversifiés: islam sunnite (avec ses écoles juridiques hanafite, malikite, chafiite et hanbalite, dont la wahhabite), chiite (qui a trois courants: le chiisme duodécimain, qui reconnaît 12 imams, le chiisme ismaélien, qui en reconnaît 7 et d’autres successeurs, et le courant zaydiste, qui n’en reconnaît que 5). Et de mentionner encore l’ibadisme, que l’on rencontre principalement à Oman, sans oublier des confessions dissidentes du chiisme, dont l’appartenance à l’islam est parfois contestée par les musulmans eux-mêmes, comme le sont les alévis, les alaouites ou les druzes, ou le soufisme, tendance mystique de l’islam, qui existe  aussi bien dans l’islam sunnite que dans l’islam chiite.

«Une partie de ma famille est musulmane»

Ce spécialiste des religions originaire d’Inde, né au Kenya en 1955 et arrivé en Suisse en 1963, précise d’emblée avoir écrit ce livre pour toute l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. C’est de là qu’il reçoit quantité de réactions positives. Il considère comme non problématiques le soufisme ou l’islam libéral. «Je ne veux pas que mon livre serve à faire des amalgames et soit utilisé pour prêcher la discorde et la haine… Une partie de ma famille est musulmane!»

Il a dans le collimateur non pas une majorité de musulmans pacifiques, mais bien les courants plus radicaux, politiques, révolutionnaires, djihadistes, salafistes ou frèristes (des Frères musulmans), et leurs soutiens en Arabie saoudite, au Qatar ou en Turquie.

L’aveuglement de l’Occident

«Je mets en cause le grand aveuglement des Etats-Unis, qui ont choisi comme alliée l’Arabie saoudite, qui promeut un islam très conservateur, qui fait beaucoup de ravages dans le monde. Il faut savoir que l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 Etats, a une stratégie très claire de conquête de l’Occident. On ne veut pas voir cette réalité, car d’importants intérêts économiques sont en jeu. Nos élites, nos universitaires, sont aveuglés, ils n’étudient pas leurs textes, alors qu’il faudrait résister face à cette politique de conquête qui n’a rien à voir avec un islam de paix!»

De la Péninsule arabique se propage un islam très conquérant, qui a de grands moyens financiers, ce qui lui permet de créer un peu partout des centres spirituels et des mosquées. «Dans beaucoup de ces lieux, on n’y prêche pas la cohabitation avec les autres religions, bien au contraire. On demande aux fidèles, par exemple, de ne plus fêter Noël avec les chrétiens, de ne plus les saluer…»

«L’intérêt financier avant la défense de nos valeurs»

Shafique Keshavjee sort alors des statistiques montrant que les plus grands exportateurs d’armes sont des pays chrétiens, et leurs clients, la plupart du temps, des pays musulmans. «Les besoins économiques sont tellement forts qu’ils entrent rapidement en contradiction avec les principes moraux et les valeurs chrétiennes et démocratiques des pays exportateurs. Il n’y a pas que les Etats-Unis qui trahissent leurs valeurs en vendant des armes à ce genre de pays».

La Suisse occupe ainsi le 11e rang mondial des exportateurs d’armes, vers des pays comme le Pakistan, les Emirats arabes unis, Bahrein, Arabie saoudite, ces derniers pays étant engagés dans la guerre au Yémen, qui a produit un drame humanitaire sans précédent. «Le problème, face à l’islam conquérant, c’est notre lâcheté, notre avidité à faire de l’argent, au risque de perdre nos racines!»

«L’Occident doit se réveiller»

Le théologien protestant veut que les pays occidentaux se réveillent et gardent leur identité. Si l’islam conquérant progresse si facilement en Occident, affirme-t-il, «c’est parce qu’il fait face à un vide spirituel. Un membre d’al Qaïda a dit que si ces pays étaient vraiment chrétiens, son mouvement ne pourrait pas avancer de cette façon». Il interpelle également les musulmans, en leur demandant de faire un travail de mise à jour de leurs textes fondamentaux. «Qu’ils abrogent les textes qui prônent la violence contre les non musulmans, leur soumission voire leur extermination!»

«C’est une tâche ardue, il faut le reconnaître. Mais, de leur côté, les chrétiens ont fait le travail. L’Ancien Testament est lu à la lumière du Nouveau Testament. Pendant les trois premiers siècles de l’ère chrétienne, les chrétiens minoritaires vivaient pacifiquement,  puis quand le christianisme est devenu la religion de l’Empire, les chrétiens sont devenus à leur tour des persécuteurs. Mais, à la différence du Coran, qui est la parole incrée, éternelle, inaltérable et explicite d’Allah, transmise par un unique Messager, la Bible, pour les chrétiens, est un Livre de livres, à la fois inspirés de Dieu et profondément humains. A la différence des textes fondateurs de l’islam, rien dans le Nouveau Testament ne justifie la conquête par la violence psychologique ou militaire!»

«Neutraliser» les textes violents de la tradition musulmane

Comme les chrétiens ont dû le faire avec quelques textes du Nouveau Testament qui ont pu justifier les nombreuses atrocités commises à l’égard de non-chrétiens, en particulier des juifs, les musulmans sont instamment invités à «mettre à distance et à neutraliser» les textes violents de leur tradition. JB


La situation vaudoise pas abordée

«Je ne parle pas dans mon livre ‘L’islam conquérant’  de la situation vaudoise, où l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM), a déposé une demande pour sa reconnaissance par l’Etat de Vaud. Ce n’est pas mon propos». Et de relever par ailleurs que l’UVAM représente l’islam organisé, et de loin pas l’ensemble des musulmans du canton.

Mais le pasteur Keshavjee  demande toutefois que ces communautés, qui sollicitent la reconnaissance officielle de l’Etat, se positionnent explicitement sur certains sujets, comme celui des couples mixtes. Un chrétien qui épouse une musulmane ne devrait pas être obligé de se convertir à l’islam, affirme-t-il. Ces couples, dès qu’ils sont en contact avec des centres islamiques, subissent de fortes pressions. «Je demande à ces communautés de donner concrètement la priorité aux droits de l’Homme et à liberté religieuse de chacun».

Les déclarations iréniques sur la paix et la convivialité sont insuffisantes

Ne se contentant pas de déclarations iréniques sur la paix et la convivialité, Shafique Keshavjee demande depuis des années que l’on aborde au sein d’instances de dialogue, comme la Maison de l’Articlier, à Lausanne, dont il est co-fondateur, «les questions qui fâchent». Mais malgré des années de dialogue interreligieux, «on préfère éviter d’aller au fond des choses et de remettre en question les textes fondateurs de l’islam qui font problème».

L’ancien pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) regrette qu’à la Maison de l’Arzillier, le pluralisme de l’islam ne soit pas représenté au sein du comité. Du côté musulman, on ne trouve actuellement que des représentants du sunnisme, et pas du chiisme, de l’islam libéral ou du courant soufi. Il n’y a pas non plus de représentants de l’hindouisme et du bouddhisme depuis des années. Malgré les critiques de son comité, qui déplore que son livre porterait atteinte à la convivialité entre les communautés, Shafique Keshavjee reste membre de l’association de l’Arzillier. Un certain nombre d’anciens membres du comité lui ont fait part de leur solidarité et de leur soutien. (cath.ch/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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