Un catholique s’est échappé!

Jean Pierre Denis, journaliste, directeur du magazine La Vie, sait de quoi il parle quand il porte son regard sur ce qui reste du catholicisme français. De l’avis général, »une religion en voie d’évaporation».

Son père mourant le pria avant de fermer ses yeux de lui montrer le chemin, au milieu des ruines et des gravats.  Cette ultime supplique paternelle encouragea le fils à sortir du bois où il se cachait, passer du silence à l’attestation. Autrement dit, se déclarer catho sans honte ni reproche. Mais sans prosélytisme aussi. Denis avoue ne rien transmettre, mais donne simplement ce qu’on lui demande ou ce qu’il croit déceler comme attente.

Dans une société «fluide», désacralisée et spirituellement anémique, des millions d’humains, sans même qu’ils ne le crient, ont faim d’un Dieu dont le nom ne se prononce ni ne s’écrit dans leur langue. Le journaliste veut répondre à cette attente inexprimée et encourage les derniers cathos à sortir de leur ghetto cadenassé pour conduire à la source d’eau vive tant d’hommes et de femmes qui, à l’image de son père, n’en connaissent pas ou plus le chemin.

«Jean-Pierre Denis, c’est certain, agacera quelques lecteurs»

Une démarche qui ne va pas de soi. Sept tentations retiennent les «vieux croyants». Tout d’abord, le déni de la crise ecclésiale, puis la croyance naïve en l’éternel retour des beaux jours. La tentation peut être l’auto-complaisance: nous sommes les meilleurs, à quoi bon nous soucier des autres? Mais encore la séduction d’un catholicisme social et politique à la Maurras, quoique sans Dieu. Ou se contenter de rites saisonniers folkloriques, à moins qu’on ne cède à l’attrait d’une sécularisation tranquille qui dilue la foi en «valeurs» fades et sans reliefs. Et pour finir, la pire tentation, celle du découragement geignard et pleurnichard, alors qu’il y a tant de ressources inexploitées et de trésors cachés dans le subconscient catholique français. Et notre journaliste de se plaire à explorer ces mines oubliées ou désaffectées: clochers romans qui émergent d’un village inhabité, bons petits saints qui dorment sur les pages jaunies des almanachs et des calendriers. Et tant d’autres merveilleuses trouvailles et retrouvailles.

Jean-Pierre Denis, c’est certain, agacera quelques lecteurs. Il en prend son parti, situant avec précision son poste d’observation: «Pour ma part, je me sens de moins en moins apte à arbitrer les élégances. Je préfère me retirer sur la pointe des mots. Habiter quelque part entre l’admiration sans adulation, la critique bienveillante et le silence sans abdication». Du haut de son perchoir, face à la jungle ou la toundra ecclésiale, le journaliste sourit et, comme il l’avait fait pour son père, lève la main et montre un chemin pour sortir de l’impasse.

Guy Musy

 19 juin 2019

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