Le vin, c'est un produit de la Création!, lance le dominicain Philippe Lefebvre (5/8)    

Le vin, c’est un produit de la Création, ce n’est pas un aliment ordinaire. Tout y est: le soleil, le sol, l’effort pour le produire et l’élever. Cela demande de la science, mais aussi de la contemplation! Quand on parle du vin, le Père Philippe Lefebvre est intarissable.

Le professeur d’Ancien Testament à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, où il enseigne depuis une quinzaine d’années, n’est pourtant pas né au milieu des vignobles du Bordelais, de Champagne ou de Bourgogne. Il est originaire de Saint-Pol-sur-Ternoise, petite bourgade du Nord-Pas-de-Calais. C’est la deuxième région brassicole de France après l’Alsace, «mais il n’y a pas que la bière, on boit aussi du vin en Artois!», plaisante le religieux dominicain. Qui dit la fascination pour le vin qu’il a toujours eue dans sa vie religieuse. Et cette passion, il l’a même couchée sur papier dans un petit livre paru aux éditions Nouvelle Cité, Ce que dit la Bible sur… Le vin.

Les religions, que ce soit le christianisme, le judaïsme ou l’islam, ont toujours entretenu avec le vin des relations passionnelles, si ce n’est un rapport plein d’ambiguïtés. Mais pour les catholiques, l’impérieuse nécessité de posséder du vin pour célébrer la messe a conduit les communautés religieuses – tant féminines que masculines – à développer des vignobles dès les débuts de l’ère chrétienne.

Toute une science s’est développée autour du vin

La culture de la vigne remonte à bien plus longtemps que le christianisme. On en trouve les premières traces en Perse, au VIème  millénaire avant Jésus-Christ. Depuis l’Antiquité, précise le dominicain œnophile, toute une science s’est développée autour de ce breuvage, notamment pour comprendre le processus de fermentation.

«Réussir à faire du vin dans des époques troublées par les guerres, les invasions, les ravages des animaux, c’était quasiment miraculeux!» Sans compter les maladies de la vigne comme le mildiou, l’oïdium ou le botrytis…  Produire du vin demandait et demande, aujourd’hui encore, beaucoup d’abnégation. «Le vin, avec tout l’effort que l’on y met, c’est un peu comme notre sang…», entend-on d’ailleurs dans le milieu viticole.

Le vin et la vigne sont au cœur du christianisme

Pour l’amateur de bons vins, produire du vin, c’est jouer avec les éléments de la nature. Et lire un texte biblique, c’est la même chose: «cela vient de loin, c’est un produit du terroir… Pour moi, il y a un lien métaphysique entre le vin et le texte biblique». Le vin et la vigne sont au cœur du christianisme et plus généralement dans toutes les religions du Livre: judaïsme, christianisme et islam. Les évocations du vin sont légion tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament.

Les termes hébreux yayin ou tirosh, pour désigner le vin, se trouvent plus de 170 fois dans l’Ancien Testament et une quarantaine de fois dans le Nouveau Testament.  «Tes seins, qu’ils soient des grappes de raisin, le parfum de ton souffle, celui des pommes; tes discours un vin exquis», chante le Cantique des Cantiques (7,7). Le mot carmel vient de l’hébreu biblique kèrèm, qui signifie vignoble. En effet, la Bible est peuplée de mots se référant au vin, et, au-delà, à des lieux liés à la vigne, aux pressoirs.

Le Livre des Nombres (chapitre 13) montre que la Terre Promise est marquée d’emblée par la vigne: «Ils allèrent jusqu’à la vallée d’Eshkol où ils coupèrent un sarment et une grappe de raisin. Ils la portaient à deux au moyen d’une perche. (…) On appela cet endroit la vallée d’Eshkol (c’est-à-dire: la Grappe) à cause de la grappe que les fils d’Israël avaient coupée là-bas».

«Ce n’est pas par hasard que Jésus a choisi le pain et le vin»

Aux yeux du religieux dominicain, ce n’est pas par hasard que Jésus a choisi le pain et le vin. La vigne, dans la Bible, n’est pas seulement un décor, c’est beaucoup plus qu’un simple paysage, «c’est un lieu de pensée, d’expérience, de théologie… Les paraboles de Jésus sont liées au travail de la terre. Travailler la vigne suppose l’engagement de personnes intelligentes, en phase avec la nature. En effet, les auteurs bibliques pensent avec les choses, les éléments concrets de la nature». Et puis le vin, rappelle le professeur Lefebvre, c’est aussi toute une sociabilité. «On boit avec d’autres, cela crée une communauté. Cela a un sens du point de vue chrétien!»

Dans la Bible, admet le bibliste de Fribourg, il y a bien d’autres binômes: le miel et l’eau, le lait et le miel, par exemple. «Jésus aurait pu choisir un de ces éléments symboliques, mais il a choisi le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes ! Alors, du point de vue chrétien, c’est assez central…» Ils sont au cœur de la célébration de l’Eucharistie.  JB


Isaïe 5.7 | Bible de Jérusalem

Israël, vigne de l’Éternel

1 Que je chante à mon bien-aimé le chant de mon ami pour sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne, sur un coteau fertile.

2 Il la bêcha, il l’épierra, il y planta du raisin vermeil. Au milieu il bâtit une tour, il y creusa même un pressoir. Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages.

3 Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne.

4 Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait ? Pourquoi espérais-je avoir de beaux raisins, et a-t-elle donné des raisins sauvages ?

5 Et maintenant, que je vous apprenne ce que je vais faire à ma vigne ! en ôter la haie pour qu’on vienne la brouter, en briser la clôture pour qu’on la piétine;

6 j’en ferai un maquis: elle ne sera ni taillée ni sarclée, ronces et épines y croîtront, j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.

7 Eh bien ! la vigne de Yahvé Sabaot, c’est la maison d’Israël, et l’homme de Juda, c’est son plant de choix. Il attendait le droit et voici l’iniquité, la justice et voici les cris. (cath.ch/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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