Le travail c'est la santé?

Le travail c’est la santé dit un refrain bien connu, ne rien faire c’est la conserver. Or justement, connaissez-vous beaucoup de personnes qui ne font RIEN? Mis à part les quelques inévitables passionnés de l’observation du gazon qui pousse, personnellement je ne connais pas beaucoup d’inactifs, même si certains d’entre eux ne sont pas sur ce que les économistes appellent «le marché du travail». Ainsi, l’activité, l’action est connaturel à l’humanité, quelle que soit l’époque ou la latitude géographique. Ceci étant, la forme et le contexte institutionnel de cette activité varient grandement dans le temps et dans l’espace, mais cela reste la même activité. Pour le chrétien, ce travail a une double signification, celle de la transformation créatrice du monde et celui de la rédemption et de la transformation intérieure de l’acteur.

«Le travail est partout, pas seulement dans le salariat»

Les circonstances historiques qui ont présidé à la création de l’Organisation internationale du travail (OIT) lors de la conférence de Versailles, il y a 100 ans, ont fait que le travail salarié a été au cœur des préoccupations et du mode de fonctionnement de l’organisation. Aujourd’hui, le monde n’est plus le même: le travail salarié caractéristique du «compromis fordiste» est en voie de fragmentation voire de disparition dans les pays du Nord, sans parler de son inexistence, mis à part les armées des fonctionnaires, dans les pays du Sud. La réalité émergente du travail est la fragmentation, l’éphémère, et le non-formel. Cela est vrai depuis longtemps dans le Sud et apparaît aussi de plus en plus clairement dans les pays du Nord. Avec du retard, une prise de conscience est en cours: le travail est partout, pas seulement dans le salariat et pas seulement dans le domaine d’un rapport formalisé. Dans ce travail, deux défis restent à relever: celui de l’informalité et celui de l’économie domestique. Mais pour l’heure il s’agit de deux pans de travail qui reste en grande partie «invisible» et peu ou pas reconnu.

D’après les travaux récents conduits sous les auspices de l’OIT, plus de 60% de l’activité du marché du travail se fait au niveau mondial dans l’informalité. Seule 40% se ferait dans le cadre du salariat. Il s’agit donc des formes dominantes, et non d’un résidu comme le terme de «in-formalité» pourrait le laisser croire. Il est donc urgent de remettre les pendules à l’heure et d’accorder à ces formes une place de choix dans les politiques, souvent plus sociales qu’économiques, y compris dans les pays dits développés.

«Il est urgent d’actualiser l’image que nous avons de la réalité du travail»

Le deuxième défi est celui des activités qui sont assurés dans la sphère domestique, à commencer par l’éducation, les soins, la subsistance, la prise en charge des aînés. Combien de conversation où des mères de familles se mettent en retrait et affirment «ne pas travailler», alors qu’elles mènent tambour battant la maisonnée de deux ou trois générations. Ces habitudes de langage traduisent plus qu’une habitude: une institutionnalisation systématique de l’impasse que l’on fait sur l’importance de l’économie domestique, ce qui équivaut à lui refuser tout rôle et reconnaissance économique. Or, des estimations convergentes montrent que ces activités absorbent au moins autant de temps que le travail salarié et informel.

Il est donc urgent d’actualiser l’image que nous avons de la réalité du travail effectué en Suisse et dans le monde. Cela est indispensable pour reconnaître ces efforts et activités à leur vraie valeur, de ciment sans lequel aucune société n’est possible.

Paul H. Dembinski

10 juillet 2019

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