L'esprit de Cornelius Koch souffle encore

«Le Cercle des amis de Cornelius Koch», une association suisse, se bat depuis près de vingt ans pour un monde plus humain. Dans l’esprit du célèbre prêtre de Suisse alémanique, ses membres militent notamment pour un accueil digne des réfugiés en Europe.

«Nous devons nous mobiliser pour contrer la perte vertigineuse des valeurs de solidarité et d’humanité dans nos sociétés», lance Claude Braun. Ce résident jurassien originaire de Berne est l’un des fondateurs du «Cercle des amis de Cornelius Koch». Il a co-créée l’association en 2001, suite à la mort du prêtre catholique suisse d’origine roumaine, à l’âge de 61 ans. Avec Hannes Reiser et Michael Rössler, Claude Braun voulait poursuivre le combat de «l’abbé des réfugiés». Tous trois, membres de Longo maï, avaient collaborés étroitement pendant des années avec Cornelius Koch. Le défunt prêtre partageait les mêmes idéaux humanistes que ce groupe né des révoltes estudiantines de mai 68, et altermondialiste avant l’heure.

«L’abbé des réfugiés»

Les trois «longo maïens» et le «curé» ont parcouru la Suisse pendant des années pour soutenir un grand nombre d’actions d’aide aux migrants. Avec très peu de moyens, mais beaucoup de soutien dans les milieux associatifs et d’Eglises, le bouillant Père Cornelius organisait des conférences de presse, lançait des récoltes de fonds, et allait à la rencontre des sans-papiers. L’abbé avait le sens de l’action spectaculaire. Il avait notamment organisé une fête du 1er Août pour les étrangers et recouvert d’un voile noir un drapeau suisse en mémoire des victimes du racisme. En marge de l’Eglise, en partie à cause de ses positions très tranchées, il était appelé «l’abbé sans paroisse». Il sillonnait ainsi la Suisse notamment à bord d’une Opel léguée par son complice, l’écrivain bernois Friedrich Dürrenmatt.

Le «Cercle d’amis de Cornelius Koch» s’est donné pour mission de faire perdurer l’esprit du défunt prêtre, explique Claude Braun. Aujourd’hui, l’association compte plus de 3’000 sympathisants. Suite à son décès, Claude Braun, avec Michael Rössler, s’est attelé à l’écriture de la biographie de Cornelius Koch. La sortie, en 2013, du livre Un chrétien subversif. Cornelius Koch, «l’abbé des réfugiés» a été une façon supplémentaire de sensibiliser le public au drame des migrants. «Actuellement, la priorité est de lutter contre le déclin des valeurs d’accueil et de solidarité, face à la montée en puissance des nationalismes et des populismes», explique le Jurassien d’adoption.

Projecteur sur le «délit de solidarité»

Dans ce cadre, l’une des principales actions du «Cercle» est la remise du Prix «Alpes Ouvertes», qui prône la facilitation de l’accès des migrants à travers cette chaîne de montagnes «verrou de l’Europe forteresse».

En 2019, la distinction a donné un coup de projecteur sur le phénomène en croissance du «délit de solidarité». Le Prix a ainsi été remis au groupe des «7 de Briançon». Ces jeunes militants âgés de 22 à 52 ans ont été condamnés à des peines de prison en décembre 2018 par la justice française. Il leur a été reproché d’avoir facilité l’entrée en France, le 22 avril 2018, d’une vingtaine de migrants mêlés aux manifestants en forçant un barrage dressé par les forces de l’ordre. Partie de Clavière, en Italie, la manifestation s’était achevée à Briançon, dans les Hautes-Alpes, où le collectif avait été arrêté. Les «7 de Briançon» s’opposaient également aux actions entreprises à la même période par le groupuscule d’extrême droite «Génération identitaire». Ces derniers se substituaient notamment aux forces de l’ordre en organisant des patrouilles pour stopper les réfugiés tentant de passer la frontière.

Le Prix «Alpes Ouvertes» a été remis aux «7 de Briançon» le 23 avril 2019, au col de Montgenèvre, sur les lieux de l’arrestation du groupe, un an auparavant. 80 personnes ont assisté à la cérémonie, lors de laquelle plusieurs personnalités sont intervenues, dont Don Giusto de la Valle, prêtre catholique italien de la région de Côme et lauréat du Prix 2017. Il accueille dans sa paroisse des centaines de migrants mineurs.

L’ancien conseiller national radical du Tessin Dick Marty s’est également exprimé dans les Alpes françaises.

Alliance pour la dignité humaine

Pour Claude Braun, cette remise de prix avait une forte portée symbolique dans un contexte de criminalisation de l’aide aux réfugiés. Il cite le cas de Carola Rackete, cette jeune capitaine de bateau arrêtée par la police en juin 2019 pour avoir forcé l’entrée d’un port italien afin d’y débarquer des migrants récupérés en mer. L’Allemande est menacée de peine de prison ferme. Plus proche de nous, il rappelle la décision de justice ayant condamné le pasteur neuchâtelois Norbert Valley à 10 jours-amende pour avoir hébergé un requérant d’asile débouté, en août 2018.

«C’est le monde à l’envers! Les personnes qui aident les autres sont envoyées en prison, s’insurge Claude Braun. Si l’on ne fait rien contre ce genre d’injustice, ce sera la porte ouverte à la barbarie sur notre continent». Il se dit cependant rassuré par le fait que des milliers de jeunes, en Suisse et ailleurs, se mobilisent régulièrement pour aider les réfugiés.

Bien que lui-même non croyant, le militant respecte profondément l’engagement de nombreuses personnes dans les Eglises du pays pour les causes de solidarité. Il salue également les efforts du pape François en ce sens. Dans l’esprit de l’œuvre de Cornelius Koch, il appelle de ses vœux une alliance encore plus étroite entre la société civile et les milieux chrétiens contre les atteintes à la dignité humaine, dont les migrants sont des victimes privilégiées. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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