Nombreuses critiques de la part de l’Église après le massacre de 62 détenus

Le 29 juillet, un massacre au Centre de détention régional d’Altamira, dans l’État du Pará, au cœur de l’Amazonie a fait 62 morts parmi les détenus, dont 16 décapités. Après la réaction de la Pastorale carcérale locale, les critiques et témoignages abondent de la part de différentes composantes de l’Église.

La rébellion qui a duré près de cinq heures a débuté le matin par une bagarre entre factions criminelles ennemies qui occupent pourtant deux ailes distinctes de l’établissement. D’après l’Intendance supérieure du système pénitentiaire de l’État du Para (Susipe), des détenus d’une de ces factions ont envahi le secteur de l’autre, incendiant les cellules et causant la mort par asphyxie 41 détenus. Armés de machettes, des membres de la bande rivale ont réagi en décapitant 16 personnes.

«Ce massacre est un cri»

Dans un communiqué publié par la Conférence Nationale des Évêques du Brésil (CNBB), Région Nord 2 et l’archevêché de Belém, les prélats ont estimé que «ce massacre, qui n’est hélas pas isolé, est un cri de plus accusant la gestion inefficace des prisons brésiliennes, caractérisée par des fugues, des rebellions des tensions, l’inactivité des détenus, les structures dans un piteux état, la surpopulation carcérale et la négligence pédagogique».

Les évêques se sont notamment appuyés sur un rapport du Conseil National de Justice (CNJ) publié en juillet et qualifiant de «mauvaises» les conditions d’incarcération dans cet établissement, en plus d’une surpopulation record. «L’unité d’Altamira, indique ainsi le rapport du CNJ, dont la capacité d’accueil est de 200 détenus en accueillait 311», peu de temps avent le massacre.

«Non à l’incarcération de masse»

Dans ce sens, les évêques ont affirmé «rejeter avec véhémence la culture de l’incarcération de masse, tout comme l’idéologie de répression, au lieu de la promotion d’une culture préventive à l’intérieur et à l’extérieur des établissements pénitenciers».

En outre, les prélats ont souligné que «la culture répressive n’a pas de consistance pour, de manière isolée, répondre à la gravité et à l’ampleur des causes de la violence qui sont multiples et profondes». D’où, à leurs yeux, la nécessité de «promouvoir des politiques publiques intégrées» et «l’urgence de promouvoir la prévention à travers des programmes sociaux tournés vers l’appui à la famille, à l’enfance et à la jeunesse».

Pour cela, les évêques ont indiqué que le Brésil a «besoin d’un système pénal à la hauteur de la dignité humaine pour qu’une profonde rémission existe dans l’esprit et le cœur de chaque détenu». Et de conclure: «que le sang répandu dans les prisons soit le terreau d’un système pénal plus humain et cohérent avec la dignité de la personne humaine».

«L’angoisse des femmes de détenus»

Le Père Patricion Brenan a évidemment souscrit aux propos des prélats. Ce prêtre irlandais de la société du Verbe Divin, arrivé en Amazonie depuis plus de 40 ans, réalise depuis quatre ans un travail d’évangélisation tous les lundi dans la prison d’Altamira. Présent, ce 29 juillet, devant les grilles de l’établissement d’Altamira alors que les violences étaient perpétrées à l’intérieur, le prêtre se rappelle de la tension et de l’angoisse des familles.

«C’était angoissant de voir ces femmes désespérées, impuissantes, sans savoir si leurs proches étaient morts ou vivants. Nous sommes restés la journée entière sans avoir la moindre information», a regretté le prêtre. Lui qui connaît cet établissement comme peu de gens, s’est rapidement rendu compte que «les conditions d’incarcération étaient très difficiles pour l’équilibre d’un détenu». «Il y a beaucoup de gens et peu d’espace, poursuit le Père Patricio. Les détenus sont jusqu’à 30 dans une cellule prévue pour 10».

«Quatre détenus dans une cellule individuelle»

Le Père José Amaro connaît bien la situation de la prison d’Altamira. L’ancien prêtre d’Anapu, une petite ville située à 80 km d’Altamira, sur la route transamazonienne y a en effet été incarcéré du 27 mars au 29 juin 2018 dans cet établissement pénitentiaire. Il a ensuite été remis en liberté à la faveur d’un Habeas Corpus. Il est notamment accusé d’invasions illégales de terres et d’extorsion de fonds, sur la (seule) base de témoignages de grands propriétaires de la région.

Dans l’édition dominicale du grand quotidien la «Folha de Sao Paulo», le prêtre évoque quelques aspects de la vie à l’intérieur de la prison d’Altamira. «Lorsque je suis arrivé à la prison, on m’a demandé de me déchausser et d’enlever ma montre. Quelques jours plus tard, un nouveau détenu est arrivé, mais lui a pu garder ses chaussures». Deux mesures différentes pour la même situation. Le Père Amaro raconte ensuite qu’il a été mis dans une cellule de 4 mètres sur 4, normalement réservée à une personne. «Mais nous étions quatre au total, tous détenus provisoires».

Entre faim et chaleur étouffante

«Pour la nourriture, le matin on avait un pain, un café et un verre de lait. Au déjeuner, un peu de farine (de manioc) et un morceau de poulet ou de viande. Même chose le soir». Nourriture moyenne et en faible quantité. «Beaucoup de gens ont faim en prison. En fait, celui qui n’a pas de visite n’a pas suffisamment à manger (…)». Donc tous ceux qui, comme le Père Amaro, recevaient de la nourriture de l’extérieur en gardaient une partie. «On demandait au gardien de la distribuer à ceux qui n’avaient rien. Mais c’était très peu par rapport aux besoins et au nombre de détenus». 

Le Père Amaro se souvient également de la chaleur. Pourtant habitué à la moiteur de la région amazonienne, le prêtre se souvient d’une chaleur accablante. «Il y avait un petit ventilateur branché en permanence. Durant la journée, les murs chauffaient. Impossible de porter ne serait qu’un tee-shirt. Juste un short. Il existe un système de cellules dans des containers. C’est absurde. Il y en avait au moins trois avec seulement une petite fenêtre». (cath.ch/jcg/pp)

Rédaction

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