Les Eglises commémorent les 400 ans de l'esclavage aux Etats-Unis

Il y a tout juste 400 ans, les premiers Africains arrachés de force à leurs communautés en Angola arrivaient en Virginie, aux Etats-Unis – alors colonie britannique – pour être vendus comme esclaves. Des Eglises baptistes américaines achèveront le 20 août les «40 jours de prière pour la libération des descendants américains de l’esclavage».

Elles ont lancé sur trois ans le «Projet Angela», qui porte le nom de la première de ces esclaves africains arrivés en Virginie le 20 août 1619. Cette date a été retenue pour marquer le début de la période esclavagiste en Amérique du Nord.

Le ‘Projet Angela’

Fort Monroe à Hampton, dans le sud de la Virginie, fera également mémoire, du 23 au 25 août 2019, du passé esclavagiste des Etats-Unis lors d’une célébration qui culminera par la libération symbolique de papillons et une sonnerie de cloches dans tout le pays. Diverses cérémonies, des colloques, des concerts sont également organisés pour faire mémoire de ce chapitre sombre de l’histoire américaine.

Quatre millions d’esclaves

En août 1619, un navire corsaire anglais accostait sur les côtes de Virginie avec une vingtaine d’esclaves africains à bord, dans le but de les vendre. En 1860, quatre millions d’esclaves, vendus dans le cadre du «commerce triangulaire» transatlantique vivaient sur sol américain.

Les Etats-Unis ne déclaraient l’esclavage comme contraire à la Constitution qu’après la fin de la guerre civile de 1865, dite «guerre de Sécession», mais la discrimination envers la population noire n’a jamais vraiment disparue. Ainsi, la richesse intergénérationnelle – transmise de génération en génération – illustre cette disparité: les Etats-uniens blancs, qui représentent environ 63 % de la population, détiennent environ 90 % de la richesse, tandis que les Noirs, qui représentent environ 13 % de la population, en détiennent moins de 3 %.

Le péché originel des Etats-Unis

Alors que l’esclavage est considéré comme le péché originel des Etats-Unis, ses conséquences empoisonnent encore aujourd’hui les relations intercommunautaires. Les prêtres, les évêques et les communautés religieuses se sont également, à l’époque, rendus coupables de l’exploitation de ces hommes et femmes arrachés à leur continent.

 

Au 21ème siècle, l’Eglise catholique aux Etats-Unis ne s’est pas seulement engagée dans la lutte contre les abus envers les enfants et les jeunes. La lutte contre le racisme est tout aussi importante pour les évêques aujourd’hui. Parce qu’ils savent que les prêtres, les évêques et les communautés religieuses des siècles passés possédaient non seulement des esclaves, mais qu’ils étaient aussi activement impliqués dans la traite négrière.

Des esclaves comme «dot» pour entrer au couvent

Après l’arrivée des premiers esclaves africains en Amérique du Nord, il y a 400 ans, des catholiques les ont également achetés et exploités. Certaines jeunes femmes ont reçu en cadeau des esclaves de leurs parents, avant de les emmener au couvent pour leur «dot». Mgr Louis William DuBourg (1766-1833), évêque dans la région de Louisiane, en possédait également et fournissait des esclaves aux Vincentiens du Missouri.

L’Université jésuite de Georgetown à Washington – fondée en 1789, elle est la plus ancienne université catholique des Etats-Unis – disposait d’esclaves noirs au XIXe siècle. Elle a débuté il y a seulement deux ans un processus d’analyse de son rôle dans l’institution de l’esclavage et de son héritage dans la société américaine contemporaine. Elle revisite un passé pas toujours glorieux en fouillant dans ses archives.

L’Université jésuite de Georgetown a vendu des esclaves

Un «groupe de travail sur l’esclavage, la mémoire et la réconciliation" a mis à jour la vente en 1838 de 272 esclaves qui travaillaient dans les plantations jésuites du sud du Maryland. Le produit de la vente est allé à la Province jésuite du Maryland et a été utilisé pour payer des dettes de l’Université, qui était menacée de faillite.

La copie du document de vente des esclaves – on y parle de «nègres» –  a été mise en ligne sur le site internet http://slaveryarchive.georgetown.edu/. On y lit que le 19 juin 1838, le Père Thomas Mulledy, de Georgetown, a accepté de vendre 272 hommes, femmes et enfants à Henry Johnson et Jesse Beatty, de l’Etat de Louisiane.

Entre-temps, d’autres grandes universités du pays, comme Harvard ou Princeton, ont également admis la possession d’esclaves à l’époque et entrepris des recherches institutionnelles.

Les évêques américains ont ignoré l’interdiction du pape

Le fait que dix des douze premiers présidents possédaient des esclaves montre aussi à quel point l’esclavage était profondément ancré dans la société. Même James Monroe, qui était opposé à l’esclavage, a possédé environ 250 esclaves durant sa vie. Les évêques catholiques ont également réagi de manière contradictoire à la bulle papale «In Supremo Apostolatus» par laquelle le pape Grégoire XVI, en 1839, décrivait la traite négrière comme un crime et menaçait de tous les châtiments les ecclésiastiques qui continuaient à y participer.

Les évêques américains n’ont pas appliqué l’interdiction de l’esclavage dans leur propre réalité, mais seulement dans celle d’autres pays, écrivent les agences de presse catholiques germanophones kna et kathpress.

Même après la «guerre de Sécession», dès 1865, quand les esclaves étaient déclarés hommes libres, ils n’ont pendant longtemps pas été reconnus comme égaux par l’Eglise. Ce n’est qu’en 1920 que finalement un séminaire accueillant des jeunes hommes d’origine afro-américaine fut fondé.

Le mouvement des droits civiques a fait bouger les lignes

Un changement ne s’est produit dans l’Eglise américaine qu’avec le développement et le renforcement du mouvement des droits civiques dans les années 1950. En 1958, la Conférence épiscopale catholique se positionne pour la première fois clairement en condamnant le racisme. En 1979, la lettre pastorale «Brothers and Sisters to us», a été suivie, et il y a quelques mois seulement, par la lettre «Ouvrons grands nos cœurs».

Le nombre d’évêques d’origine afro-américaine se situe encore aujourd’hui dans une fourchette inférieure à deux chiffres. A cet égard, il est remarquable que le 4 avril 2019, jour du 51e anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King Jr, le pape François ait nommé à Washington Mgr Wilton Gregory, premier archevêque afro-américain de la capitale des Etats-Unis. (cath.ch/kathpress/kna/be)

 

L’Université catholique de Georgetown vendait des esclaves au XIXe siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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