L’arcane au goût du jour

Un reportage m’emmène à Nagasaki, où les catholiques de cette ville célèbrent le 150ème anniversaire de la découverte de chrétiens secrets, cachés pendant trois siècles sur un archipel perdu de la mer du Japon. Ils pratiquaient leur foi sans prêtre, sans Bible, sans sacrement, pour échapper à une persécution qui interdisait leur religion sous prétexte qu’elle était «mauvaise» pour le Japon.

Aujourd’hui encore, l’infime minorité catholique japonaise supporte avec gêne ce grief ancestral et éprouve toutes les peines du monde à s’en défaire. D’où le piétinement de l’évangélisation au pays du soleil levant. Malgré la liberté de conscience et de religion désormais reconnue. La conversion au catholicisme n’entraîne pas d’exclusion sociale ou familiale, du moment qu’elle ne déborde pas la sphère strictement intime et privée de la personne. En règle générale, on ne parle pas publiquement de religion au Japon. Même la liturgie officielle de l’Eglise s’en tient à ce devoir de réserve. Elle applique sobrement et à la lettre le rituel, se gardant bien de toute expression spontanée ou ostentatoire.

Au temps des persécutions «romaines», les chrétiens étaient eux aussi calomniés, traités d’»ennemis du genre humain». Mais ils ont relevé la tête et se sont défendus ouvertement. La fameuse Lettre à Diognète en fournit une preuve évidente. Cependant, leur religion avait pris racine au sein de leur Empire, tandis que le chritianisme a débarqué au Japon avec d’autres marchandises importées par les navires portugais. Ceci expliquerait-il cela?

«La tentation qui guette les catholiques est de se recroqueviller dans leurs églises»

Je m’interroge. La révélation d’actes pédophiles reprochés à certains ministres de l’Eglise catholique vaut à cette communauté une réputation sulfureuse. Comme si «catho» était devenu synonyme de «pervers». Peut-on imaginer une évangélisation dans un contexte si négatif? Comme au Japon, la tentation qui guette les catholiques de nos régions est de se recroqueviller dans leurs églises et chapelles, honteux et silencieux. Ils pourraient même être tentés d’adopter l’ancienne discipline de l’arcane qui en période de persécution imposait aux chrétiens un secret rigoureux sur leur foi et leurs pratiques. Comme le faisaient les anciens chrétiens du Japon.

Mais comparaison n’est pas raison. Tous les cathos ne sont pas des pervers. Mais d’aucuns éprouvent du plaisir (?) à le croire. Je vous laisse le soin d’en chercher les raisons.

Guy Musy

4 septembre 2019

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