Les Eglises de l’émigration russe antibolchévique rejoignent Moscou

Les ponts sont désormais coupés entre l’Archevêché des Eglises orthodoxes russes en Europe Occidentale (AEOREO) et le patriarche Bartholomée de Constantinople. Cet ancien exarchat du Patriarcat Œcuménique de Constantinople basé à Paris, issu de l’émigration russe antibolchévique fuyant la Révolution de 1917, va, par une ironie de l’histoire, rejoindre le Patriarcat de Moscou.

L’Assemblée Générale de l’AEOREO s’apprête en effet à décider, le 7 septembre 2019, «l’acceptation de l’Acte de Communion avec le Patriarcat de Moscou», un projet de rattachement élaboré durant six mois par la commission mixte «Archevêché-Patriarcat de Moscou». L’Archevêché des Eglises orthodoxes russes en Europe Occidentale vivait depuis 1931 sous l’autorité du Patriarcat de Constantinople, tout en préservant une large autonomie.

Point de non-retour

Mais le 27 novembre 2018, le Saint Synode du Patriarcat de Constantinople décidait d’abroger cet exarchat – à la surprise générale -, ce qui a suscité un grand désarroi parmi les fidèles. Le Patriarcat Œcuménique signait ainsi la disparition de l’Archevêché et ordonnait le rattachement de ses paroisses aux métropoles grecques dans les pays où elles se trouvent.

Le Conseil de l’Archevêché, composé des évêques et de 12 membres élus 6 clercs (prêtres ou diacres) et 6 laïcs, s’est inquiété de l’avenir de ses paroisses de tradition russe en Europe occidentale. Ainsi, le 23février 2019, l’Archevêché, réuni en assemblée extraordinaire, décidait à une écrasante majorité de refuser sa dissolution. La situation a connu un point de non-retour après que toutes les tentatives de conciliation aient échoué.

L’archevêque «démissionné» pour insubordination

Le refus de la dissolution, un acte d’insubordination pour le Patriarcat Œcuménique, a valu à Mgr Jean de Charioupolis (de son nom civil Jean Renneteau), d’être démis de ses fonctions à la tête de l’AEOREO par le patriarche Bartholomée le 29 août 2019.

Bartholomée, prenant acte de la volonté de Mgr Jean de Charioupolis de se placer «sous l’omophore (l’autorité canonique, ndlr) de sa Béatitude le Patriarche de Moscou et de toute la Russie», lui signifie alors sa mise en «congé canonique», «à titre personnel et uniquement pour lui». Le «démissionné» relève pour sa part n’avoir pas sollicité un tel «congé» et n’avoir pas été consulté préalablement à cette décision.

Les pouvoirs transmis à Mgr Emmanuel, métropolite de France

«Cela signifie, peut-on lire dans sa ‘lettre patriarcale’, qu’à présent, votre Excellence n’est plus responsable de quelque manière que ce soit des affaires des paroisses de tradition russe en Europe occidentale».  L’Archevêché, qui ne compte qu’une centaine de paroisses en Europe, est désormais dirigé par Mgr Emmanuel, métropolite de France du Patriarcat Œcuménique.

Mgr Emmanuel écrit le 3 septembre 2019 que «ce congé canonique souligne le fait que dorénavant l’archevêque Jean n’a aucune relation avec le Patriarcat Œcuménique et avec les communautés de l’ancien exarchat».

Les promesses de Moscou

«Aussi, à ce jour, son Excellence, l’archevêque Jean ne possède plus aucune autorité spirituelle ni administrative sur les communautés dont il avait précédemment la charge. L’administration de ces communautés en France est transférée à la Métropole orthodoxe de France du Patriarcat Œcuménique. Sa Sainteté le Patriarche m’a désigné pour assurer la fonction de locum tenens durant cette période de transition», relève Mgr Emmanuel.

Le Patriarcat de Moscou promet, en cas de rattachement de l’AEOREO, de maintenir Mgr Jean de Charioupolis dans ses fonctions d’archevêque, et de lui conserver une certaine autonomie. Mais le rattachement au Patriarcat de Moscou risque également de provoquer de nombreux départs au sein de l’Archevêché. (cath.ch/orthodoxie.com/be)

Jacques Berset

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