«Dans le passé, l’Eglise s’est pensée en tant qu’institution totalisante» a expliqué Jean-Jacques Theurillat, vicaire épiscopal du Jura pastoral, devant les participants réunis au Centre St-Thomas de Strasbourg (France). «Dans un tel contexte, toute la réalité était comprise à l’intérieur du cadre ecclésial».
Or, aujourd’hui la société occidentale se retrouve dans un modèle pluraliste. «Lorsque nous sommes actifs dans la pastorale, nous sommes de plus en plus confrontés à des regards différents.» Le but de la session est l’approfondissement et l’ouverture à cette pluralité. «Nous devons être attentifs au fait que si nous ne pensons qu’à l’intérieur de l’Eglise, nous ne sommes plus fidèles à la mission que nous avons», a-t-il souligné.
Une mission qui, selon l’abbé jurassien, s’articule autour de l’accueil, de l’écoute et du respect de ce que vit la personne que les agents pastoraux rencontrent dans leur quotidien. «Ce constat doit nous inciter à parler entre nous, à faire valoir nos opinions en respectant la diversité, pour qu’elles prennent corps là où nous sommes engagés», a affirmé le vicaire épiscopal du Jura pastoral.
L’approche sociologique a été mis au cœur des travaux de la session, visant un objectif clair: permettre aux participants de mieux saisir les raisons profondes et les grands enjeux des mutations qui marquent notre société.
Au cours de la première journée, Anne-Sophie Lamine, professeure de sociologie à l’Université de Strasbourg, a mis en évidence les conséquences de la mondialisation sur les modes de vie contemporains. «Confrontation avec des façons différentes de penser, instantanéité et simplification de l’information, digitalisation et polarisation politiques représentent des transformations sociétales majeurs qui impactent également l’Eglise catholique», a-t-elle expliqué.
«L’archipel catholique est complexe. Les outils sociologiques tentent d’analyser cette réalité. Ils permettent notamment de développer une attention particulière vis-à-vis de la diversité interne de l’Eglise catholique, en mettant le doigt sur la dimension systémique du problème», a soutenu la professeure française. Car la «dimension systémique a une importante part de responsabilité dans la crise actuelle du catholicisme», a-t-elle expliqué.
Précisant qu’un système est plus que la somme de ses éléments, l’invitée a donc présenté trois aspects qui favorisent la crise actuelle de l’Eglise: le corporatisme, c’est-à-dire la non-séparation des pouvoirs; «la dimension genrée» et l’approche de la sexualité humaine de l’Eglise catholique; la place donnée au sein de l’institution au secret. Considérés conjointement, comme le démontrent les scandales récents, ces éléments ont contribué de manière significative «à une mise en œuvre insuffisante de protections contre les abus sexuels» a-t-elle affirmé.
Selon Anne Sophie Lamine, des analyses sociologiques pourrait favoriser la création d’instances de réglementation ou l’introduction d’une gradualité dans le jugement éthique porté sur actes qui attentent à la personne. Cette prise en compte permettrait ainsi de dépasser la dimension systémique.
«La crise actuelle du catholicisme n’est pas isolée, elle traverse toutes les institutions. Et aujourd’hui, surtout pour les jeunes, devenir chrétien est un acte subversif», a relevé Virginie Le Corre durant la deuxième partie de la session. Evoquant l’individualisme contemporain et le désenchantement qui conduit à la perte de confiance, l’invitée a illustré «la crise de l’autorité». Une crise qui oblige à mettre sa confiance dans les compétences de différents experts.
«Dans le monde contemporain, il n’existe plus de grandes trames collectives qui fondent les autorités», a poursuivi la chercheuse française. On est confrontés à des «identités narratives», où chacun se raconte et doit justifier ses choix personnels. «Chacun est libre de se définir, en dépassant des conceptions fixes qui demeurent toutefois rassurantes, car le retour à des affiliations passées, qui offrent une ossature identitaire, est plus confortable».
Thématisant les défis actuels autour des questions du genre, des sexualités et des atteintes au corps, la doctorante de l’Université de Strasbourg a ainsi mis en évidence que la société impose la liberté, la liberté de revendiquer sa propre identité et d’assumer ce que l’on veut. «Mais trop de liberté tue la liberté, car souvent on ne sait pas quoi en faire!» a-t-elle ajouté.
La perte des repères collectifs appelle donc à un retour à des valeurs qui rassurent, ainsi qu’à une recherche d’une reconnaissance collective. Dans ce sens, selon la conférencière, adhérer à un système qui présente des catégories fixes, comme c’est le cas pour la foi chrétienne, est aussi un signe de liberté. (cath.ch/dp)
«Quelles transformations vit le monde contemporain?»
Les trois jours de formation des agents pastoraux du Jura pastoral au Centre St-Thomas de Strasbourg portaient cette année le titre: «Quelles transformations vit le monde contemporain»? Apports théoriques, groupes de partage et ateliers thématiques pratiques dans la ville de Strasbourg ont permis de traiter la thématique complexe.
Lieu d’échanges et de coordination
La session de formation a été l’occasion propice pour présenter le rapport final élaboré à l’adresse du Vicariat par le Groupe de réflexion sur le deuil périnatal ainsi que le riche programme de l’année jubilaire mis en place à l’occasion du 1400ème anniversaire de la mort de St-Ursanne qui débutera le 15 décembre 2019 avec une célébration œcuménique présidée par le Cardinal Kurt Koch, ancien évêque de Bâle et ancien président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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