Le Vorbourg, haut-lieu de l'identité jurassienne

Les catholiques jurassiens commémorent cette année les 150 ans du couronnement solennel de Notre-Dame du Vorbourg. Haut-lieu de la foi, le Vorbourg est aussi intimement ancré dans la culture, les traditions et l’histoire politique du Jura. Depuis un siècle et demi, des milliers de pèlerins y affluent au mois de septembre à l’occasion des fêtes du Vorbourg.

En 1869, l’évêque de Bâle, Mgr Eugène Lachat, ancien curé de Delémont, demande au pape Pie IX, l’autorisation de couronner la Vierge du Vorbourg située sur un promontoire aux portes de la cité jurassienne. Le couronnement, le 12 septembre, est une cérémonie grandiose. L’évêque, accompagné de l’Abbé du monastère de Mariastein et de nombreux prêtres jurassiens, conduit la procession à laquelle les fidèles accourent de toutes les localités voisines. Une neuvaine a précédé la célébration et durant la semaine suivante une grand-messe est chantée chaque jour pour les diverses paroisses de la région. La ville de Delémont est pavoisée pendant le jour et illuminée la nuit.

Démonstration de foi, démonstration de force

Démonstration de foi et de piété, le couronnement est aussi une démonstration de force des catholiques jurassiens face aux autorités bernoises. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, la tension n’a cessé de monter entre l’Eglise et les gouvernements libéraux établis dans les divers cantons suisses. Rattachés au canton de Berne depuis 1815, les Jurassiens brandissent leur religion catholique comme signe identitaire. Spoliations des biens ecclésiastiques, saisie des couvents, fermetures d’écoles, vexations contre le clergé, les occasions ne manquent pas pour soulever les foules. En 1869, le Jura est à la veille de la tourmente du Kulturkampf qui submergera l’Eglise jurassienne en 1873-1874.

Un évêque en exil, des prêtres chassés

En réponse à la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale par le concile Vatican I en juillet 1870, les cantons du diocèse de Bâle (sauf Zoug et Lucerne) destituent Mgr Lachat en 1873. L’évêque s’exile à Lucerne d’où il continue à diriger le diocèse. Commence alors une période de résistance pour les catholiques jurassiens dont le Vorbourg est un des lieux emblématiques.

En juillet 1873, le curé Vautrey de Delémont brave les interdits et monte en pèlerinage au Vorbourg. La préfecture n’ose pas intervenir. En janvier 1874, le Conseil exécutif bernois révoque tous les prêtres jurassiens qui soutiennent Lachat et les expulse du canton.

La «profanation» de la chapelle du Vorbourg par un prêtre de l’Eglise catholique-chrétienne schismatique entouré du préfet protestant, d’une escouade de gendarmes et de quelques fidèles cause la vive indignation des catholiques. Face à la résistance, l’Eglise catholique-chrétienne ne parvint pas à s’implanter durablement dans le Jura. Après quelques années, les prêtres dissidents furent contraints de retourner à la vie civile.

Après l’adoption de la nouvelle Constitution fédérale de 1874 qui faisait droit à la plupart des revendications des radicaux, la tension baissa à nouveau et l’Eglise catholique retrouva ses droits dans le Jura. En 1879, pour les dix ans du couronnement de la Vierge du Vorbourg, les festivités furent à nouveau organisées normalement, selon un modèle qui n’a presque pas changé jusqu’à nos jours.

Le symbole d’un peuple et d’une Eglise

«Ce sanctuaire me paraît être le symbole d’un peuple et d’une Eglise. Et c’est cette symbiose entre les deux qui fait la force de ce pèlerinage», expliquait à l’APIC en 1999 le prédicateur des semaines du Vorbourg, Jean Didierlaurent, un rédemptoriste de Lyon.

L’historien Jean-Louis Rais, ancien conservateur du Musée jurassien à Delémont, décrivait Le Vorbourg comme le centre de l’unité historique du peuple jurassien. Du Jura des sept districts, tels qu’ils apparaissaient, unis, sous les princes-évêques de Bâle, y compris avec le Laufonnais de langue allemande, aujourd’hui rattaché à Bâle-Campagne, et le Jura Sud, demeuré bernois. Les vitraux de la chapelle portent ainsi les armoiries des sept districts qui entourent celle du Jura.

Des origines millénaires

Les origines du Vorbourg et l’attachement de la population jurassienne à ce lieu remontent bien avant le XIXe siècle. Dans les environs se trouvaient des fortifications remontant probablement à l’époque romaine. La tradition rapporte la construction d’une chapelle au XI siècle sur l’emplacement du choeur actuel du sanctuaire. Le château auquel elle appartenait étant propriété des comtes d’Eguisheim. La chapelle fut consacrée dit-on en 1049 par Léon IX, pape de 1049 à 1054, ressortissant lui-même de cette famille.

Au cours des siècles qui suivirent, la chapelle, dédiée à l’ermite jurassien saint Imier, et le château subirent à plusieurs reprises, des déprédations ou des dommages de la nature, spécialement lors du tremblement de terre du 18 octobre 1356 qui détruisit la ville de Bâle. En 1586, l’édifice restauré est à nouveau consacré par l’évêque auxiliaire de Bâle. La dévotion mariale semble s’être développée surtout au XVIIe siècle. La statue de Notre Dame du Vorbourg serait un don du pharmacien soleurois Hans Gerig Ziegler, en 1674. La riche tradition des ex-voto peints déposés à la chapelle remonte également à cette époque. Après les troubles de la Révolution et de l’occupation française, pendant lesquels la statue est cachée, la chapelle est rouverte au culte. Elle subira encore plusieurs agrandissements et aménagements au XXe siècle.

Le Vorbourg c’est la simplicité

Au-delà des grandes célébrations et de son importance pour l’identité jurassienne, le Vorbourg séduit aussi pour sa simplicité. L’accueil est primordial car, «au Vorbourg, tout le monde doit se sentir à la maison», souligne l’abbé Bernard Miserez, actuel gardien du lieu depuis 2018. «Les gens se retrouvent pleinement dans la simplicité. On est sur un terrain qui leur correspond, ils échangent. A bien y regarder, les êtres humains sont faits pour la simplicité. On vient au monde avec cette marque de Dieu».(cath.ch/mp)


Fêtes du Vorbourg 2019

Les fêtes du Vorbourg auront lieu cette année du 8 au 15 septembre. Cette année marque les 150 ans du couronnement de la statue de la Vierge par Mgr Lachat.

A cette occasion, Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle présidera la messe solennelle du jubilé le jeudi 12 septembre à 19h30 à la chapelle. Elle sera animée par la chorale des enfants «A Cœur Joie» de Soyhières-les-Riedes.

Le thème retenu est «avec Marie, témoins de la lumière». Le prédicateur de la semaine sera le dominicain Guy Musy.


Le couronnement de la Vierge

L’épisode du couronnement de la Vierge est inconnu des Écritures, il est évoqué dans les textes apocryphes. Il est lié au développement du culte marial au Ve siècle. La couronne de Marie est mentionnée dès le VIe siècle comme corona virginum. L’Assomption, fêtée le 15 août, célèbre la mort, la résurrection, l’entrée au ciel et le couronnement de la Vierge Marie.

Depuis le Moyen Age tardif, la pratique de couronner les images et des statues est un des moyens les plus répandus pour signaler le statut particulier des représentations cultuelles. D’une certaine façon, le don de bijoux et de vêtements à la Vierge Marie, vise à lui constituer une dot particulière. Cet usage est remis en valeur au XVIIe siècle dans le cadre de la Contre-Réforme qui redonne une grande place aux images et à la piété populaire.

Au XIXe siècle, face à l’émergence d’une société laïque, voire anticléricale, l’Eglise se lance dans une vive bataille contre le modernisme. Se développe alors une religion très démonstrative basée sur les sens, avec de grands pèlerinages, de nombreuses manifestations populaires.

En 1854, le pape Pie IX a défini le dogme de l’Immaculée Conception ‘confirmé’ en 1858 lors de l’apparition de Marie à Lourdes où elle se présente sous ce vocable. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle la dévotion mariale connaît une grande effervescence dans l’Eglise catholique. (cath.ch/mp)

Maurice Page

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