Brasserie de l’abbaye de Saint-Maurice: production 1

Le chanoine Olivier Roduit et l’équipe de la nouvelle «Brasserie de l’Abbaye de Saint-Maurice SA» ont présenté, le 17 septembre 2019, trois bières issues de recettes savamment travaillées en lien avec l’histoire de l’abbaye. La production de la bière devrait aider le monastère à consolider une situation financière difficile.

«Nous sommes dans un pays de tradition vinicole et non brassicole», répondait inlassablement le recteur de l’Abbaye de Saint-Maurice, Olivier Roduit, à son confrère bavarois qui l’incitait à lancer la bière. Le chanoine a pourtant ouvert la conférence de presse pour présenter une gamme de trois bières produites par le monastère agaunois… dans une ancienne cave à vin transformée en brasserie.

Situation financière difficile

«La première vraie bière d’abbaye de Suisse» précise l’élégant dossier de presse mis à disposition. L’idée maintes fois repoussée prend la forme d’une réflexion en 2017 alors que la situation financière fragile de l’abbaye, «contrairement à ce tout le monde pense», nécessite de nouveaux revenus.

En avril 2018, le procureur de l’abbaye s’entoure alors d’une petite équipe pour concrétiser le projet. «Nous sommes partis en mode start-up», s’amuse le chanoine. La Brasserie de l’Abbaye de Saint-Maurice voit le jour sous la forme d’une SA en mai 2019, détenue à 100% par le monastère. Un comptable, Céline Darbellay, une jeune femme diplômée d’HEC de Lausanne et un maître brasseur se lancent dans l’aventure. «Les derniers travaux de réfection de la cave ont été achevés la semaine passée», indique la jeune directrice.

Un document de 1244 mentionne «une vigne, verger et pressoir en Cries». Une autre charte, de 1731, cite «le grand pressoir de Cries». Il s’agit indiscutablement de la cave dans laquelle a été installée la brasserie. L’antique propriété de l’Abbaye de Saint-Maurice, entourée d’un imposant vignoble lui appartenant, offre un splendide panorama sur la ville, l’Abbaye de Saint-Maurice et la cime de l’Est.

L’investissement est proche des six chiffres, concède-t-on du bout des lèvres sans en dire plus. Les revenus permettront de pérenniser la situation financière de l’institution. L’équipe espère générer un rendement de 7 à 10% d’ici trois ans.

Créneau unique

En lançant une bière artisanale sur un marché très concurrentiel, Olivier Roduit et son équipe font un pari audacieux. Les nombreuses brasseries artisanales que compte en effet la Romandie rivalisent d’inventivité et développent des bières dont la qualité s’améliore continuellement.

«Nous sommes un créneau spécifique de bière d’abbaye. Ce qui nous rend unique», argumente le recteur. Avec Benjamin Levaux, le maître brasseur belge engagé en juillet 2018, le chanoine mise sur la qualité, le temps et l’amélioration constante du produit.

La tendance n’est pas nouvelle, le public sélectionne de plus en plus les bons produits. Nous allons devoir beaucoup travailler, reconnaît le spécialiste du brassin. Un pool de professionnels dégusteront régulièrement les bières et nous travaillerons en fonction des retours du marché», assure le maître brasseur. «Ici nous buvons la production 1».

Trois bières

Benjamin Levaux travaille sur la «Febris» (»fièvre» en latin), une bière ambrée, «expressive au goût de noisettes et de malt grillé», annonce le dossier de presse. Le trio de bières présentées comprend également la «Candide» (»pur» en latin) en référence à l’ami de Maurice, une bière blanche dont la levure a été prélevée sur un parchemin datant de 1319. La DXV (515 en latin), une bière d’abbaye triple, complète la vitrine. Les trois recettes ont été élaborées par un maître brasseur américain qui a, depuis, quitté la brasserie.

Le cycle de production sera plutôt lent. Huit semaines s’écouleront entre le brassage et l’embouteillage. Le temps, en référence à l’histoire millénaire de l’abbaye, et la qualité reviennent souvent dans l’argumentaire des communicants du jour.

La bière ne se retrouvera pas d’emblée dans les rayons réfrigérés des supermarchés suisses. Progressivement, la distribution s’étendra à la région, puis au Valais avant que l’équipe n’envisage des horizons plus lointains. Le prix des flacons, en vente à la boutique de l’abbaye, variera entre 4,5 et 5 francs.

Avec une salle de brassage de 20 hectolitres et 10 fermenteurs, la brasserie pourra sortir jusqu’à 600’000 bouteilles par an. La production en fût n’est pas encore prévue. Les flacons seront disponibles à la vente au marché monastique de Saint-Maurice, à l’occasion de la fête patronale de l’abbaye dès le week-end prochain. (cath.ch/bh)

Benjamin Levaux, maître brasseur, va faire évoluer la production pour rester au plus près de la demande du marché.

En mode ‘R&D
Benjamin Levaux est né il y a 42 ans en Belgique, près de Liège. Après avoir suivi des cours de chimie sur la fermentation, il s’intéresse à la bière. A tel point qu’il y consacre son travail de maturité. Un proche lui permet de faire un stage de trois jours à l’abbaye de Chimay. «Une belle entrée en matière», sourit-il. Sa vocation est née. Il obtient un diplôme d’ingénieur industriel en chimie, avec option biochimie et spécialisation en brasserie. Il a travaillé comme ingénieur contrôle qualité à l’Abbaye d’Orval. Le maître brasseur vit en Suisse depuis 2007, où il travaillé à Lausanne et à Sion pour un groupe de microbrasseries.
«Travailler sur un tel projet est un véritable défi technique et commercial: il faut adapter et produire dans des cuves de 2’000 litres des recettes élaborées dans des cuves de 700 litres. Beaucoup de paramètres changent. C’est un travail constant, en mode ‘R&D’ (recherche et développement)».

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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