Allemagne: Les évêques défendent le «processus synodal»

La Conférence des évêques catholiques d’Allemagne se réunit à partir du 23 septembre 2019 à Fulda. Au cours de l’Assemblée plénière d’automne, les évêques allemands sont appelés à ratifier les statuts de leur «chemin synodal». La Curie romaine a déjà exprimé ses mises en garde: les thématiques traitées doivent être abordées au niveau de l’Eglise universelle.

Suite à la publication d’un rapport sévère critiquant la manière dont l’Église catholique allemande avait géré les affaires d’abus sexuels, en mars 2019, les évêques allemands avaient décidé de lancer un «processus synodal contraignant», auquel participeront aussi des laïcs. Il vise à ouvrir une profonde réflexion sur des question d’actualité comme le célibat des prêtres, la morale sexuelle, la distribution du pouvoir ou encore la place des femmes dans l’Église .

Par cette initiative, qui débutera en décembre 2019 en collaboration avec le Comité central des catholiques allemands (ZdK), les évêques désirent réagir à la grave crise de confiance provoquée, entre autres, par le scandale des abus sexuels et lancer ainsi un renouveau de l’Eglise catholique.

Critiques de la Curie romaine

À la vielle de la session plénière d’automne des évêques allemands, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, est intervenu auprêt du cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et président de la Conférence des évêques allemands (DBK), s’exprimant contre le processus de réforme à l’ordre du jour.

Dans sa lettre, le cardinal Ouellet exprime plusieurs mises en garde contre une telle démarche inédite. Une note du Conseil pontifical pour les textes législatifs, annexée à la lettre, rappelle en outre que les thèmes traité «n’affectent pas seulement l’Église en Allemagne, mais l’Église universelle». Par conséquent, »ils ne peuvent être l’objet des délibérations ou des décisions d’une Église particulière».

Le primat de l’évangélisation

Les interrogations à propos de la communion avec Rome que le processus suscitent ont poussé le cardinal Reinhard Marx à rencontrer, le 19 septembre 2019, le pape François auquel il a remis une lettre de la Conférence conjointe élargie – l’organisme qui unit à l’épiscopat allemand les membres du Comité central des catholiques allemands. La lettre fait explicitement référence à celle que le pape François avait envoyée le 29 juin 2019 au »peuple de Dieu pèlerin en Allemagne».

La lettre remise par le cardinal Marx au pape François souligne en particulier la volonté «d’initier tout notre chemin à partir du primat de l’évangélisation». Les évêques se disent «déterminés à structurer le chemin synodal comme un processus spirituel. Nous sommes unis à vous dans le sens ecclésial, parce que nous avons bien présent à l’esprit l’unité de toute l’Église».

Dans le texte, les évèques se disent ainsi conscient de devoir «affronter ces questions si nous voulons tirer des enseignements de l’abus de pouvoir spirituel qui secoue profondément notre Église et toute la société, et si nous voulons améliorer les présupposés pour nous évangéliser avant tout nous-mêmes, afin de pouvoir rendre témoignage de manière crédible de la Bonne Nouvelle dans le monde d’aujourd’hui. Nous avons besoin de l’atmosphère d’un dialogue ouvert et respectueux pour chercher ensemble des solutions».

Utile pour l’Eglise universelle

Les réactions ne sont pas faites attendre en Allemagne. Interviewé par le quotidien allemand «Frankfurter Allgemeine Zeitung», Mgr Felix Genn, évêque de Münster, a défendu la «voie synodale» prévue par l’Église catholique en Allemagne, rejetant les critiques du Vatican. «Un approfondissement théologique n’a jamais fait de mal à personne, en particulier à l’Église», a-t-il souligné.

Les Allemands ne prennent donc aucun chemin particulier à ses yeux. Tôt ou tard, les questions posées par les évêques et les laïcs allemands seront aussi discutées dans d’autres pays du monde. «J’espère donc que les résultats de notre réflexion commune pourront également être utiles à l’Église universelle», a expliqué Mgr Felix Genn.

Une question de cohérence

«En tant que Conférence épiscopale allemande, nous ne pouvons pas commander une étude scientifique sur les abus sexuels dans notre Église et de suite passer de façon commode au prochain ordre du jour», a affirmé l’évêque de Münster. «Nous devons et voulons d’abord parcourir le chemin ardu de la réconciliation avec les victimes, mais aussi avec les structures ecclésiales qui ont rendu de tels actes possibles et les ont dissimulés».

Nouvelle répartition du pouvoir en Eglise

«Nous avons besoin d’une nouvelle répartition du pouvoir dans l’Eglise, concrètement d’une nouvelle relation entre les laïcs et les prêtres, entre les travailleurs à plein temps et les bénévoles, entre les hommes et les femmes dans l’Église catholique», a ajouté Mgr Genn. L’évêque allemand a ajouté qu’il était lui-même prêt «à renoncer au pouvoir et à me soumettre à une juridiction administrative ecclésiastique dans laquelle les laïcs auraient alors aussi leur mot à dire».

«Je ne vois pas le danger d’un schime, à l’heure actuelle, poursuit Mgr Genn. Dans l’Église, il y a «une grande unité sur le chemin parcouru, même si certains ne trouvent pas tout juste. Mais ce n’est pas une séparation». En ce moment, «il me semble que beaucoup revendiquent pour eux-mêmes une position ex-cathedra et excluent ainsi d’autres opinions. Cette tentation se trouve en chacun de nous».

Fini avec le contrôle sur les personnes

Le vicaire général d’Essen, Klaus Pfeffer, critique également les tentatives de la Congrégation pour les évêques d’arrêter les réformes de l’Eglise catholique allemande. Dans un entretien donné au journal allemand «Westfalenpost», il a déclaré que quiconque pense qu’en raison de la crise de l’Eglise rien ne doit être changé, ferme les yeux sur la réalité.

«Il est grand temps de parler de l’importance du ministère ordonné, du célibat obligatoire et de l’admission des femmes au ministère», a-t-il affirmé. Selon Mgr Pfeffer, beaucoup de catholiques engagés doutent s’ils doivent rester dans l’Église. Les signaux de Rome à propos de la «voie synodale» projetée ont donc également eu un «effet dévastateur».

Pour le vicaire général du diocèse de la Ruhr, l’Eglise doit dire adieu à la volonté de contrôler les gens. «Il faut cesser de condamner les divorcés qui se remarient ou de punir moralement les personnes qui vivent leur orientation homosexuelle». (cath.ch/kna/lacroix/vaticannews/dp)

Davide Pesenti

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