Suisse: Plaidoyer pour la concertation entre la RKZ et les évêques

La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) estime que la concertation entre elle et la Conférence des évêques suisses (CES) – que l’on connaît sous le nom de «système dual» – est «incontournable». C’est même «le garant de l’Eglise de demain», a déclaré le 9 septembre 2019 à Berne Luc Humbel, président de la RKZ.

Lors de la rencontre nationale annuelle de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), le 9 septembre, a examiné les opportunités et les points de tension du système dual sous différents angles.  

Nombreux sont les gens, y compris les catholiques, à ne pas connaître cette particularité de l’Eglise catholique en Suisse: la responsabilité de l’institution est assumée conjointement par deux entités, soit une entité pastorale et une entité de droit public ecclésiastique. La rencontre nationale annuelle de la RKZ a permis d’expliciter cette particularité du système suisse.

Une «révolution» nécessaire

Rien de moins qu’une «révolution» est nécessaire à la réussite du système dual, a résumé Philippe Eckert, directeur désigné du CHUV, l’Hôpital universitaire de Lausanne. Mgr Felix Gmür, président de la Conférence des évêques, et Luc Humbel, président de la RKZ, ont souligné que c’est exactement de cela dont a besoin l’Eglise catholique.

Les conflits font sans cesse la une de l’actualité de l’Eglise catholique. Il s’agit souvent de divergences de vue entre les deux entités responsables dans le système dual, comme dans le cas de «l’affaire Haas», concernant l’élection contestée de l’ancien évêque de Coire, ou dans le différend sur le «Vade-mecum» concernant la collaboration de l’Eglise catholique avec les corporations de droit public ecclésiastique, qui a vu les autorités de droit public ecclésiastique – la RKZ –  »être confrontées aux exigences des responsables pastoraux sans avoir été consultées au préalable».

«Dans de telles circonstances, on peut avoir l’impression que le système dual tient plus de la malédiction que de la bénédiction», a reconnu Renata Asal, vice-présidente de la RKZ, dans son message d’introduction. Ce sujet n’a toutefois pas été choisi pour cette raison. Au contraire, elle est convaincue que «c’est précisément dans la situation que traverse actuellement l’Eglise catholique que la coopération duale entre les responsables pastoraux et les autorités de droit public ecclésiastique peut contribuer à sa pérennité».

Développer de nouvelles façons de penser et d’agir

Philippe Eckert, directeur désigné de l’Hôpital universitaire de Lausanne, a présenté la vision d’un système dual doté d’une toute autre mission. Les hôpitaux sont sous pression, pas seulement à cause des progrès fulgurants de la médecine ou de l’explosion des coûts. Il est impératif de développer de nouvelles façons de penser et d’agir, car les patients exigent aujourd’hui une vision globale, une prise en charge d’égal à égal et une vraie collaboration.

Il est nécessaire de dépasser les ordres hiérarchiques et la pensée en silo entre les médecins, le personnel soignant et l’administration. Philippe Eckert n’hésite pas à citer les facteurs de réussite pour un changement radical: le dialogue et la confiance. «Reconnaître les compétences et les expériences des uns et des autres est l’une des clés. Etablir le dialogue, et affronter les conflits ensemble, l’autre». Il est important de trouver un langage commun, de développer une même vision et de définir ensemble une stratégie pour appliquer cette vision au quotidien. Alors seulement, le changement devient possible.

Béatrice Métraux, conseillère d’Etat en charge des relations avec les Eglises dans le canton de Vaud, confirme la vision des participants: «Il faut un dialogue intense. Et cela ne se fait pas toujours sans quelques grincement de dents», a-t-elle déclaré, avec un clin d’œil. Pourtant ces efforts donnent naissance à des solutions durables.

Daniel Kosch, secrétaire général de la RKZ | © Maurice Page

Utiliser les forces des uns et des autres

Mgr Felix Gmür a présenté les points de tension et les opportunités inhérents au système dual. Aujourd’hui, l’Eglise est très souvent considérée comme faisant partie du secteur des services, mais un grand nombre de ses actions ne suivent pas le principe du calcul coûts-bénéfices. Parallèlement, les moyens financiers et les structures démocratiques contribuent à renforcer l’Eglise locale.

«Nous ne pourrons vraiment tirer parti des opportunités du système dual que si nous écoutons, discernons, cherchons à comprendre et expliquons», souligne Mgr Gmür. «La recherche du consensus est essentielle. Cela demande des efforts et du temps, de la ténacité et un dialogue marqué par un réel intérêt pour l’opinion de l’autre».

Le système dual, garant de l’Eglise de demain

Luc Humbel, président de la RKZ, s’inquiète de la crise actuelle dans l’Eglise | © Werner Rolli

Ce désir de dialogue et d’implication mutuelle a aussi été mis en évidence par le président de la RKZ. Luc Humbel estime que le système dual a le grand avantage de permettre aux fidèles de participer à la vie de l’Eglise, en donnant leur avis aux assemblées de paroisse ou en tant que membres des autorités.

Selon lui, cet engagement est à prendre en compte aussi dans l’optique de la «voie synodale» que veut emprunter la Conférence des évêques suisses pour accueillir les préoccupations des croyants face à la crise de l’Eglise catholique. La crédibilité du projet serait menacée sans la coopération des autorités de droit public ecclésiastique: il n’y aurait pas de vue d’ensemble. «Une Eglise dans laquelle la participation de plein droit et coresponsable des croyants n’est pas souhaitée ne peut pas être mon Eglise!»  

Exercer la collaboration duale de manière ludique

Le secrétaire général de la RKZ, Daniel Kosch, a conclu cette rencontre en invitant les nombreux participants présents à exercer la collaboration duale de manière ludique. Des situations quotidiennes, mais pas toujours graves, permettent de tester des recommandations en vue de prendre des décisions en équipe. Le mode de fonctionnement dual de l’Eglise catholique en Suisse est unique en son genre et riche de potentialités, estime le secrétaire général. Au quotidien, il arrive qu’il soit source de problèmes et de tensions. Et de proposer le jeu de cartes de la RKZ qui permet «d’aborder pour une fois les liens de concertation avec des yeux différents». (cath.ch/rkz/be)

Jacques Berset

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