Pape François: le cléricalisme, «véritable perversion» dans l'Eglise

Lors de son voyage au bord de l’océan Indien, début septembre 2019, le pape François a sévèrement critiqué le cléricalisme, «véritable perversion» dans l’Eglise. Ces propos sont tirés d’échanges avec les jésuites du Mozambique et de Madagascar, publiés le 26 septembre 2019 par la revue jésuite italienne La Civiltà Cattolica.

Depuis son élection en 2013, le premier pape jésuite de l’histoire a pris l’habitude de rencontrer les membres de la Compagnie de Jésus des pays qu’il visite. Lors de son voyage sur les bords de l’océan Indien, il s’est ainsi entretenu avec les jésuites du Mozambique le 5 septembre et avec ceux de Madagascar trois jours plus tard. Comme à l’accoutumée, le Père Antonio Spadaro, directeur de La Civiltà Cattolica, était présent et a retranscrit ces échanges. Ceux-ci ont aussi été publiés en français par les éditions Parole et Silence, basées aux Plans sur Bex, dans le canton de Vaud.

Fixation sur le sexe

Au cours de ces rencontres, le successeur de Pierre a eu des mots particulièrement virulents contre le cléricalisme. Selon lui, il s’agit d’une «véritable perversion» dans l’Eglise, où le pasteur se met «toujours devant» les fidèles et «punit d’excommunication» ceux qui s’écartent. Le cléricalisme, a-t-il asséné, «condamne, sépare, frustre, méprise le peuple de Dieu». Et d’insister : «Le cléricalisme ne prend pas en compte le peuple de Dieu». Cette attitude, a-t-il condamné, ne prend pas en compte la «souveraineté du saint peuple de Dieu».

Pour le pape argentin, le cléricalisme «rigide» cache souvent de «graves problèmes», de «profonds déséquilibres» et des «problèmes moraux». Une dimension de ce phénomène, a-t-il illustré, est une «fixation exclusive» sur le sixième commandement (l’interdiction de l’adultère). D’autres péchés semblant pourtant plus «angéliques» sont selon lui plus graves. «Nous nous concentrons sur le sexe et nous ne donnons pas de poids à l’injustice sociale, la calomnie, les commérages, les mensonges. L’Eglise a aujourd’hui besoin d’une conversion profonde sur cet aspect». Enfin, a-t-il également considéré, le cléricalisme est «fondamentalement hypocrite».

Evangélisation et prosélytisme

Devant les jésuites mozambicains, l’évêque de Rome a également affirmé que le prosélytisme était incapable de créer un parcours religieux dans la liberté. Cette approche, s’est-il attristé, «assujettit» et «ne fait pas de distinction entre le for interne et le for externe». A l’inverse, «l’évangélisation libère!», s’est-il réjoui. En effet, celle-ci a Dieu comme protagoniste et «ne viole jamais la conscience». Ainsi, le prosélyte agit en «esclave» alors que celui qui évangélise agit en fils du Père. Le prosélytisme «n’est pas chrétien», a-t-il résumé.

A cette occasion, le pape a été interrogé sur les groupes chrétiens qui ont une «vision théologique» de la prospérité. Selon lui, existent ainsi des «sectes» qui tout en enseignant le Christ ont un message qui n’est pas chrétien. En prêchant la prospérité, elles ont «précisément» le message que Jésus dénonçait chez les pharisiens. A l’inverse, a-t-il tenu à préciser, existent des groupes protestants qui favorisent un «œcuménisme sérieux, ouvert et positif».

«Je suis et reste un pécheur»

Lors de ces échanges, le pontife a également dénoncé la xénophobie et l’aporophobie (une attitude d’hostilité à l’égard des pauvres) comme faisant désormais partie d’une «mentalité populiste». Pour lui, ces attitudes détruisent l’unité et veulent faire d’un pays «une salle d’opération ou tout est stérilisé». Et pourtant, «nous ne pouvons pas vivre asphyxiés par une culture aseptisée».

Dans le même sens, il a mis en garde contre les «idéologies abstraites de musée ou de laboratoire». Cela relève des colonisations «idéologiques» qui vont à l’encontre de «l’expression spontanée» du peuple. «L’idéologie nous fait perdre notre identité, (…) le peuple est souverain dans ses expressions, art, culture et sagesse», a-t-il détaillé.

Enfin, le pape François a été interrogé sur sa relation avec Dieu depuis son élection au ministère pétrinien. «L’élection comme pape ne m’a pas converti soudainement afin de me rendre moins pécheur qu’avant. Je suis et reste un pécheur.» Pour lui en effet, il n’y a «rien de magique à être élu pape». (cath.ch/imedia/xln/rz)

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