Homélie du 6 octobre 2019 (Lc 17, 5-10)

Chanoine Guy Luisier – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Ni Dieu ni maître… proclament les mouvements anarchistes depuis le 19e siècle !
Plus facile à dire qu’à faire. Pas si simple. Libres, oui, mais la prise de conscience de notre liberté passe par une bonne prise de conscience de notre relation avec ce qui nous est supérieur, avec tout ce dont nous dépendons.

L’homme n’a pas beaucoup de choix. Soit il est serviteur, soit il est esclave. Le service ennoblit le serviteur par les qualités que le maître irradie.L’esclavage dégrade l’esclave par les défauts et les violences que maître distille.

Les joies du service

Plutôt que d’insister sur les méfaits des esclavages matériels, psychologiques et spirituels d’aujourd’hui penchons-nous un peu sur les joies, les étonnements et les rayonnements du service.

Mets-toi au service de Dieu et tu te verras grandir dans tes aspirations fondamentales.

C’est un des résumés possibles du message général de Jésus. Mais ce résumé ne reçoit qu’un écho très relatif dans les structures de notre monde occidental, où tout est fait pour que l’homme croie qu’il peut trouver en lui-même ses propres raisons de vivre et d’avancer. Or celles-ci se trouvent toujours dans Celui qui nous a fait et qui est à nos côtés, dans une maîtrise totale de l’univers et de l’histoire.

Dire que Dieu a une maîtrise totale de l’univers et de l’histoire paraît incongru aujourd’hui. Et pourtant on sait bien que dire que l’homme a une quelconque maîtrise de l’univers et de l’histoire est encore plus incongru !

Une relation de simplicité avec ce Maître passionné de nous

Si humblement nous acceptons que Dieu est le Maître et que notre salut est dans une relation de simplicité et de vérité avec ce Maître passionné de nous, alors nous sommes pleinement libres, en voie de plein épanouissement.

J’ai mieux compris le paradoxe de cette attitude lorsqu’on m’a raconté cette jolie anecdote, qui est en fait une parabole :

Un jour un jeune garçon veut rendre service à son père en embellissant le jardin de la famille. Or il y a bien à faire et après la tondeuse, la taille des haies et le soin des fleurs et des légumes, voilà que notre garçon veut déplacer une grosse jardinière en béton pour la mettre dans un autre endroit. Ce n’est pas facile. Le Père qui le voit de loin lui crie : Ce sera difficile mais fais tout ce qui est en ton pouvoir. Alors le jeune s’évertue à pousser et tirer le grand récipient en béton qui ne bouge qu’un petit peu.

Le Père lui crie de nouveau : Fais tout ce qui est en ton pouvoir.

Le jeune va chercher des planches pour faire levier, des rondelles de bois pour faire glisser mais c’est toujours l’échec, sous les yeux du Père. Alors humilié le jeune s’asseoit sur le gazon et pleure.
Le Père s’approche, lui met la main sur les épaules et lui dit doucement.

Je t’ai dit de faire tout ce qui était en ton pouvoir. Il y a quelque chose qui était en ton pouvoir et que tu n’as pas fait, c’est de me demander de t’aider !

Belle leçon, belle histoire, belle parabole de notre relation à Dieu.

Ce monde, c’est ensemble, avec Lui, qui nous devons le transformer. Nos vies, nos relations, c’est ensemble et avec Lui que nous devons les transformer, les bonifier, les embellir et les épanouir.

Or ce n’est pas facile d’avoir une relation simple avec Dieu : Souvent tout se bloque devant nos déceptions de ne pas être à la hauteur : mais qu’est-ce que je dois faire pour arriver au bout de mon service, pour contenter Dieu… La question est fausse et c’est là que se trouve la fine pointe de l’évangile d’aujourd’hui.

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ›Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ »

Nous n’avons fait que notre devoir. C’est à–dire nous avons accepté que Dieu est le Seigneur et Maître de ce que nous faisons, de ce qui nous voudrions faire, et aussi de ce que nous n’arrivons pas à faire, pas à bien faire.

Nous sommes de simples serviteurs.

Peut-être savez-vous que les traducteurs ont sué pour trouver l’épithète qui convienne. Il y a cinq possibles : serviteurs inutiles, serviteurs quelconque, serviteur disponibles, serviteurs sans profit et simples serviteurs qui est la traduction que nous propose la liturgie actuelle.

Chaque mot dit quelque chose de juste mais traduit imparfaitement l’idée de Jésus. Ce que Jésus a surtout devant les yeux, c’est la bonté du Maitre souverain qui veut utiliser même des serviteurs sans profit pour lui, si simples et si quelconques, si inutiles finalement face à la grandeur de l’œuvre.

Cette œuvre, son œuvre, c’est de mener à la lumière toutes les parcelles de sa création.

C’est de cela que nous devons être missionnaires. Inlassablement.


27e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques :
Habacuc 1, 2-3 ; 2, 2-4 ; Psaume 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9 ;2 Timothée 1, 6-8.13-14 ; Luc 17, 5-10

https://www.cath.ch/homelie-du-6-octobre-2019-lc-17-5-10/