Synode pour l’Amazonie: (r)évolution ou «nouveaux chemins»?

Le pape François célèbre le 6 octobre 2019 la messe d’ouverture de l’assemblée spéciale du Synode des évêques pour la région panamazonique. Annoncé dès 2017, ce synode a depuis fait couler beaucoup d’encre, notamment car il abordera la question des ‘viri probati’ – l’ordination d’hommes mariés d’âge mûr.

Par sa superficie, ses environnements, le nombre de pays qu’elle occupe, son rôle dans le climat ou encore les populations qui l’occupent, l’Amazonie est un territoire absolument unique sur terre. C’est aussi un espace où environnement et habitants sont menacés par l’exploitation des ressources et par le changement climatique.

Auteur de l’encyclique Laudato si’ (2015) dont le leitmotiv est «tout est lié», le pape François a voulu un synode sur l’Amazonie pour réfléchir à «de nouveaux chemins pour l’Eglise et pour une écologie intégrale». Cette préoccupation pour ce gigantesque territoire lui a été soufflée dès la conférence d’Aparecida de 2007, par le cardinal Claudio Hummes. Proche du pape dont il était le voisin lors du dernier conclave, le Brésilien est ainsi à l’origine de ce synode dont il sera le rapporteur général et donc un des acteurs-clefs.

Cette assemblée synodale veut se tenir sur deux jambes: évangélisation du gigantesque territoire et préoccupation pour l’environnement et ceux qui y vivent. Il s’agit donc avant tout d’un synode pastoral, dont l’enjeu fondamental est double: comment évangéliser les habitants de l’Amazonie tout en leur permettant d’y vivre de façon durable? Il s’agira donc de trouver des pistes qui répondent aux deux parties de la question, et non à l’une au détriment de l’autre.

«Visage amazonien»

Un des principaux problèmes de l’Eglise en Amazonie est ainsi que certaines populations vivent très éloignées les unes des autres, ne recevant la visite d’un prêtre qu’une fois par an, voire encore moins. De plus, il s’agit très souvent de missionnaires, les vocations sacerdotales ou religieuses étant très peu nombreuses dans ces zones. Il s’agit donc de trouver des pistes pour donner un «visage amazonien» à l’Eglise et assurer une présence pastorale dans ces communautés.

Tout l’enjeu est de savoir comment s’incarne cette présence pastorale. Faut-il des prêtres pour assurer une présence sacramentelle, ou faut-il se ›contenter’ d’une action centrée sur la Parole et la prière? Si la présence sacramentelle régulière est nécessaire, comment pallier le manque de prêtres? En ordonnant des membres de la communauté, reconnus pour leur piété, quand bien même ils seraient mariés? Tout l’enjeu de ces fameux ‘viri probati’ se trouve là.

Autre grand enjeu relevé par les médias: la question des femmes. Comme l’indiquent la plupart des personnes engagées en Amazonie, la présence catholique sur place est essentiellement permise et transmise par les femmes. Faut-il réfléchir à un «ministère officiel» pour elles, comme invite à y réfléchir l’Instrumentum laboris (le document de travail préparatoire du Synode)? Entre ‘viri probati’ et femmes, les «nouveaux ministères» auxquels ce document demande de penser ont largement fait polémique.

Les réponses de François

S’il ne cesse de demander à faire preuve de «créativité» pour ce synode, le pape François ne semble pas forcément prêt à changer les cadres au sein desquels cette créativité doit s’exercer – même si certains évêques ou épiscopats le poussent fortement en ce sens. Sur les ‘viri probati’, le pontife semble ouvert au dialogue, même s’il n’est pas sûr qu’il soit convaincu lui-même de l’utilité et de l’opportunité d’aller dans cette direction. Quant aux femmes, il appelle fréquemment à leur donner plus de place dans l’Eglise.

Comme souvent, le pape semble avoir donné ses positions par un moyen détourné, le tout récent motu prorio Apertuit illis, instituant le Dimanche de la Parole de Dieu. Dans ce document magistériel, il estime «urgent» que les fidèles deviennent «familiers et intimes» de l’Ecriture Sainte. Il demande également de réfléchir à des ministères en ce sens, qui pourraient notamment être confiés à des femmes. Sur cette base, il est possible de réfléchir à de nouvelles pistes pastorales pour l’Amazonie, sans renoncer au célibat des prêtres ni conférer l’ordination à des femmes.

L’assemblée synodale reste malgré tout libre des suggestions qu’elle veut adresser au successeur de Pierre. Toutefois, si la question de l’ordination des femmes semble exclue par la (quasi-)totalité des participants, les ‘viri probati’ ont certains soutiens, mais qui semblent minoritaires. Pour nombre de participants, ce n’est pas une question taboue, mais plutôt une réponse inadaptée à l’Amazonie: la question n’est pas tant le manque de prêtres que l’appropriation de l’Evangile par les populations indigènes. Tel doit pour eux être le but du synode.

Huis clos

Ces questions importantes car très médiatiques ne doivent pas pour autant faire oublier l’aspect environnemental de ce synode. N’en déplaise au président brésilien Jair Bolsonaro, le pape François considère en effet que les problèmes de l’Amazonie ne concernent pas seulement les pays de la région, mais sont un «problème mondial». Il faudra donc que l’assemblée synodale trouve le moyen de lancer des appels à la protection et à la préservation de l’immense territoire, alors que la tendance actuelle semble plutôt être à une accélération de l’exploitation.

Les 185 Pères synodaux auront trois semaines pour réfléchir à ces questions. Ils pourront échanger avec parrhesia – c’est-à-dire avec courage et vérité – grâce au huis clos qui les protège de la crainte des réactions publiques et des médias. Quoi qu’il en soit, le fruit de leurs réflexions ne sera qu’un ensemble de suggestions remis au pontife. Ce sera ensuite à lui de décider ce qu’il choisit d’en faire et ce sur quoi il apposera le sceau magistériel. (cath.ch/imedia/xln/rz)

Synode sur l’Amazonie: pas le premier du genre

Le Synode sur l’Amazonie, réuni du 6 au 27 octobre 2019, n’est pas le premier du genre. La convocation à Rome d’évêques d’un continent ou d’une région est un «classique» de l’Eglise catholique. Tour d’horizon des synodes précédents.
Depuis le concile Vatican II, les papes successifs ont pris l’habitude de convoquer des synodes – ou réunions d’évêques à Rome. Le premier du genre eut lieu, sous le pontificat de saint Jean Paul II, du 14 au 31 janvier 1980. Il s’agissait d’un «Synode particulier pour les Pays-Bas».
L’Europe, plus largement, a déjà bénéficié de deux Synodes particuliers, toujours avec Jean Paul II. Le premier, du 28 novembre – 14 décembre 1991, et le second, du 1er au 23 octobre 1999. De cette double assemblée est née l’exhortation apostolique Ecclesia in Europa.

Deux fois l’Afrique

Autre continent au centre des préoccupations, l’Afrique. Deux synodes, du 10 avril au 8 mai 1994 (Jean Paul II) et du 4 au 25 octobre 2009 (Benoît XVI) ont vu les évêques converger vers Rome. Les exhortations Ecclesia in Africa, puis Africae Munus recueilleront les fruits de ces rencontres.
Le Liban, du 26 novembre au 14 décembre 1995, motivera également un Synode particulier, suivi de l’exhortation Ecclesia in Libanon.
Le continent suivant sur la liste des Synodes récents sera l’Amérique, au centre des discussions entre évêques, du 16 novembre au 12 décembre 1997. Il en résultera l’exhortation apostolique Ecclesia in America.
L’Asie a été le continent suivant. Du 19 avril au 14 mai 1998, les évêques se préoccupèrent de l’évangélisation dans le monde asiatique, avec comme aboutissement l’exhortation Ecclesia in Asia.

Océanie et Moyen-Orient

Dernier continent à bénéficier d’une assemblée spéciale, l’Océanie. En cette même année 1998, du 22 novembre au 12 décembre, les évêques du cinquième continent se rassemblent, suivis d’Ecclesia in Oceania.
Retour à des préoccupations régionales avec l’Assemblée spéciale pour le Moyen-Orient. Benoît XVI convoque les évêques du 10 au 24 octobre 2010. L’exhortation Ecclesia in Medio Oriente en donne les grande lignes. BL

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