Des enfants en situation de pauvreté reçus au Palais fédéral

Sous l’égide du Mouvement ATD Quart Monde, une délégation d’enfants est reçue le 17 octobre par Marina Carobbio, la présidente du Conseil national, à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère. Accompagnés de parents, ils rappellent la responsabilité de tous dans la lutte contre la pauvreté.

En Suisse, plus de 100’000 enfants vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Alors que notre pays caracole en troisième position des pays les plus riches du monde, plus de 8% de la population y vit dans la précarité.Avec un total de 670’000 personnes touchées, le phénomène a même pris de l’ampleur. En 2017, il est passé de 7,5 à 8,2% de la population, soit une hausse de 10% en un an, selon l’Office fédéral de la statistique. 

Or en signant l’Agenda mondial 2030 pour le développement durable de l’ONU, la Suisse s’est engagée à réduire de moitié la pauvreté au cours des dix prochaines années. Pour y parvenir, elle doit mieux intégrer dans l’économie et la société́ les personnes les plus défavorisées et leur offrir de meilleures chances. C’est ce à quoi s’attelle, aux côtés d’autres ONG, le Mouvement ATD Quart Monde (Agir Tous pour la Dignité), dont le siège suisse se trouve à Treyvaux, dans le canton de Fribourg.

La famille, ta ressource principale 

Anne-Claire Brand, d’ATD Quart Monde, coordonne la délégation. Elle a aidé les quelque trente enfants à se préparer à cette rencontre avec Marina Carobbio, la socialiste tessinoise. Venus de Genève, Fribourg, Porrentruy, Le Locle, Bâle, Rorschach et Winterthur, ils ont tous lu et médité sur la Déclaration universelle des droits de l’homme. Certains ont témoigné de leur situation:«Petit, raconte ce jeune de Lausanne, tu n’as pas conscience que tu viens d’un milieu précaire. Mais dès que tu es confronté aux autres à l’école, tu t’en rends compte. A partir d’un certain âge, tu réalises que tes parents essaient de faire tout ce qu’ils peuvent pour toi, mais que la situation leur pèse beaucoup. J’avais envie de les aider. La ressource principale pour surmonter tout ça, c’est ta famille, car elle sait ce que tu vis.»

Marina Carobbio sera à l’écoute de la délégation. | DR

C’est la raison pour laquelle la délégation attendue à Berne comprend aussi des parents, «car ils ne se sentent pas plus considérés aujourd’hui qu’hier», relève Anne-Claire Brand. Ensemble, enfants et parents raconteront qu’ils subissent encore trop souvent la violence du regard et des interventions portés sur eux et leur famille, du fait de leur conditions de vie. Ils feront aussi savoir qu’ils ont un rôle important à jouer en partageant les connaissances qu’ils ont acquises dans leur lutte quotidienne contre la pauvreté. Ils souligneront enfin l’importance de l’accès à l’éducation et le droit à une vie digne.

Il faut mieux soutenir les parents

Placé depuis dix ans en foyer, cet autre enfant de la délégation, venu de Fribourg, raconte le bonheur qu’il a de retourner chez ses parents: «Il faut tout faire pour que tous les enfants soient avec leurs parents. Placer les enfants, ça rend tristes les parents et les enfants aussi. Il faudrait que les parents soient plus soutenus. Il faut des amis, des amis qui respectent nos parents, qui les aiment comme ils sont. Moi j’aime ma maman comme elle est.»  

Pour le Mouvement ATD Quart Monde, les placements d’enfants extrafamiliaux et les mesures de coercition à des fins d’assistance provoquent encore de nombreuses injustices. Et ce, en dépit des excuses adressées par le Conseil fédéral aux victimes, en avril 2013, et du versement d’une contribution de solidarité à quelques 9’000 d’entre elles, pour des faits antérieurs à 1981. «On est aujourd’hui encore témoins de placements liés à la pauvreté, confirme Anne-Claire Brand, et nous connaissons des familles dans lesquelles grands-parents, enfants et petits-enfants ont souffert d’un placement extra-familial.» Une réalité qu’a mis en lumière le film documentaire de Simeon Brand «Que sommes-nous devenus», sorti en octobre 2018. 

Politique et recherche

Pour éviter que ce schéma ne se reproduise sans fin d’une génération à l’autre, le Mouvement ATD Quart Monde veut créer un groupe parlementaire autour de cette question. Il lance aussi en novembre prochain un programme de recherche participative sur trois ans, intitulé «Pauvreté, identité, société», soutenue par l’Office fédéral de la Justice, le département de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, qui représentait le gouvernement suisse lors des excuses aux victimes. Très sensible à la question de la pauvreté, elle avait visité le centre d’ATD Quart Monde à Treyvaux, le 16 septembre 2017, à l’occasion des 50 ans du Mouvement.

Le projet que soutient son Département vise ainsi à croiser les savoirs et l’expérience entre professeurs d’université, professionnels du terrain ainsi que parents et enfants confrontés au problème: «Il s’agit de créer des conditions pour assurer la participation et faire respecter le savoir des personnes en situation de pauvreté dans les recherches nationales et les prises de décisions qui les touchent directement», précise Anne-Claire Brand. Il s’agit surtout d’éviter que les injustices et les violences institutionnelles ou sociétales vécues dans l’histoire ne se répètent, pour contribuer à faire évoluer les pratiques et à lutter contre l’exclusion sociale. Pour au final, que la pauvreté des enfants comme de leurs parents trouve une réponse. (cath.ch/cp)

Carole Pirker

Portail catholique suisse

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