Des responsables catholiques roulent pour le climat

Plus de trajets en train, moins de déplacements en avion. C’est le souhait de nombreux militants du climat. Les responsables catholiques changent aussi leurs comportement. Si nombre d’entre eux optent davantage pour le train, d’autres ne peuvent cependant pas éviter l’avion.

Raphael Rauch, traduction et adaptation Davide Pesenti

Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie méridionale, est un des grands voyageurs catholiques suisses. Déjà en tant que conseiller général des Capucins, il voyageait à travers le monde. Aujourd’hui, il se déplace beaucoup dans son diocèse, qui comprend les Émirats arabes unis, l’Oman et le Yémen. En raison de la guerre civile au Yémen, il n’est pas possible de se rendre dans le golfe d’Aden. Toutefois, même pour les voyages en Oman, l’évêque doit compter sur l’avion.

A 50 degrés, impossible d’aller à vélo

«Impossible de rouler à vélo par 50°», Mgr Paul Hinder, vicaire apastolique d’Arabie méridionale.| © Jacques Berset

«L’alternative serait la voiture, une bonne dizaine d’heures de route. Ou bien le chameau, avec lequel je voyagerais pendant des semaines», affirme Mgr Hinder au cours de son voyage de retour de Salalah (Oman) à Abu Dhabi, à environ 1200 kilomètres de distance. Il n’existe pas de réseau ferroviaire. «Personne ne me demandera de faire la route à vélo, à des températures comprises entre 40 et 50 degrés, c’est impossible», indique-t-il.

Mgr Paul Hinder se félicite de la discussion sur la «honte de voler». Mais il est troublé par «la tendance souvent fondamentaliste dans tout ce débat». Il essaie d’accepter les demandes de conférences en Europe seulement s’il peut combiner ses invitations avec d’autres obligations.

Une question de cohérence

Le vicaire apostolique s’efforce ainsi d’être respectueux de l’environnement dans d’autres domaines. «J’utilise le système de climatisation le plus économiquement possible malgré les températures élevées. Je fais ma marche quotidienne dans les environs de mon habitation et ne je prends pas systématiquement la voiture pour aller à la mer, même si ce c’est beaucoup plus beau et plus romantique là-bas.

Ces dernières années, le diocèse de Mgr Paul Hinder est devenu une plate-forme tournante pour des compagnies aériennes renommées. «Etihad» opère depuis Abu Dhabi, «Emirates» depuis Dubaï et «Oman Air» depuis Maskat vers les principaux aéroports du monde. «Jusqu’à présent, je n’ai pas vraiment ressenti la ›honte de voler’ ici», constate Paul Hinder. «Je suis surpris qu’en dépit du débat sur le climat en Europe, la plupart des vols à destination d’Abu Dhabi et de Dubaï affichent un bon taux de remplissage, les passagers profitant de quelques jours de vacances quelque part dans le Golfe ou plus à l’est».

Skype n’est pas une alternative

Le cardinal Kurt Koch est un autre grand voyageur. En tant que président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, les visites diplomatiques représentent une partie importante de son travail. «Mes voyages sont pour la plupart consacrés à des conférences œcuméniques de plusieurs jours. Quand je viens en visite, je célèbre généralement aussi les offices religieux. Ni l’un ni l’autre ne sont possibles avec des conférences Skype, explique Mgr Koch. Si c’est possible, je prends le train, ce qui ne l’est pas lors de longs trajets». Le cardinal suisse se félicite cependant du débat sur le climat. «Il est bon que nous prenions tous soins de la création de Dieu».

Kurt Koch ne peut pas remplacer la célébration de messes par Skype. | © Jacques Berset

Christian Rutishauser, le provincial des Jésuites suisses, trouve que les vols en avion excessifs doivent être réduits à tout prix. «J’aime l’expression ‘honte de voler’. Mais cela indique une façon problématique de penser. Dans le débat, certains cherchent des boucs émissaires, d’autres vivent dans l’illusion que l’homme puisse traverser innocemment la vie», constate le jésuite.

Christian Rutishauser observe même qu’un «sentiment païen veut que la nature riposterait comme une divinité. Il faut maintenant l’apaiser, comme les païens le faisaient autrefois avec les sacrifices. Mais l’homme vit toujours aux dépens de la nature, interagit constamment avec elle, et elle change.»

En tant que provincial pour la Suisse et conseiller du pape sur les relations avec le judaïsme, Christian Rutishauser est souvent en route. «En Europe, il existe de bonnes alternatives à l’avion. Le réseau ferroviaire est bien développé. Cet été, j’ai aussi pris le train de nuit. J’espère que ces possibilités vont se développer davantage».

L’évêché de LGF fait contrôler son empreinte CO2

Alain de Raemy, évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), ne se considère pas comme un grand voyageur. «En moyenne, je monte dans l’avion une ou deux fois par an. Je ne me rends à Rome qu’en train», assure-t-il.

Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg se rend en train à Rome. | © B. Hallet

L’empreinte CO2 de l’évêché de Fribourg sera bientôt analysée par une entreprise. «Il s’agit d’une évaluation complète: électricité, gaz, équipement de bureau comme le papier et les imprimantes, ainsi que les voyages», indique l’évêque auxiliaire. Les émissions de CO2 des bureaux des vicaires épiscopaux de Genève, Lausanne, Fribourg et Neuchâtel seront également contrôlés.

Empreinte écologiques réduite au minimum

Urban Federer, Père-abbé du monastère d’Einsiedeln, se reconnaît dans la sauvegarde de la création. «Le fondateur de l’ordre, il y a 1500 ans, nous a donné une gestion durable et une approche douce de la création». Son monastère s’engage pour la durabilité, que ce soit pour le chauffage ou la gestion du monastère.

«L’empreinte écologique des moines et des moniales n’est pas grande parce que nous prions, travaillons et vivons sous le même toit», affirme Urban Federer. Ses frères et lui se rendent à Rome en train, en avion ou à pied selon les contraintes temporaires. «Personnellement, j’ai découvert le train à grande vitesse ‘Frecciarossa’ pour ce trajet».

«Peu de vols, un peu de viande, beaucoup de bio»

Contrairement à ce que son travail pourrait suggérer, Bernd Nilles ne se considère pas non plus comme un grand voyageur. Le directeur d’Action de carême, vole pour des raisons professionnelle au maximum «une à deux fois par an», et plus du tout en privé. «Quand j’ai un rendez-vous à Bruxelles, je prends mon bureau dans le train et je voyage pendant ma journée de travail. Les employés ne remarquent même pas que je ne suis pas assis à mon bureau».

Bernd Nilles, directeur d’Action de Carême prend l’avion «une à deux fois par an». | © Jacques Berset)

Bernd Nilles met en garde contre la réduction du débat sur le climat au fait de prendre l’avion. Il relève qu’après tout, la production d’énergie, le trafic automobile et maritime, l’agriculture industrielle ainsi que la consommation de viande sont également problématiques pour le climat. Il appelle à mettre davantage l’accent sur les énergies renouvelables et à supprimer les subventions et les allègements fiscaux pour les combustibles fossiles.

En tant que particulier, le directeur d’Action de carême est également préoccupé par le débat sur le climat. Son objectif? Une Suisse neutre du point de vue climatique. Mais qu’est-ce qu’il entreprend lui concrètement pour le climat? «Peu de vols, un peu de viande, beaucoup de bio et utiliser des énergies renouvelables. Je n’ai pas de voiture. Je participe à des manifestations pour le climat et j’essaie de convaincre les politiciens pour soutenir des lois strictes en matière de CO2″, conclut Bernd Nilles. (catt.ch/kath.ch/rr/dp/bh)

Davide Pesenti

Portail catholique suisse

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